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TAPARELLI D’AZEGLIO


cattolica, dont il fut l’un des principaux rédacteurs pendant les douze dernières années de sa vie. La biographie détaillée de Taparelli présenterait un vif intérêt sous bien des aspects, mais elle déborde évidemment le cadre de cette étude ; ces quelques indications suffisent pour situer le personnage. Néanmoins, avant d’examiner l’œuvre doctrinale de Taparelli, il convient, croyons-nous, d’aborder deux points qui doivent être laissés dans la trame de sa vie : son action pour la renaissance de la philosophie d’Aristote et de saint Thomas, et ses idées sur le principe des nationalités.

Sans entrer dans les controverses auxquelles a donné lieu l’histoire des origines du néo-thomisme, il semble qu’on puisse résumer ainsi le rôle de Taparelli à cet égard : c’est au cours de son rectorat au Collège romain que Taparelli conçut l’espoir de remettre en honneur la scolastique. Effrayé de l’anarchie intellectuelle qui régnait alors dans les écoles et conscient de ses responsabilités, il voulut y remédier par le retour à la philosophie péripatéticienne, qui était d’ailleurs prescrite par les constitutions de la Compagnie, malheureusement tombées en désuétude. Ses efforts rencontrèrent de l’opposition. Provincial à Naples, il se donna pour tâche de réformer l’enseignement dans le sens indiqué. Quoi qu’il en soit, son zèle fut l’occasion de quelque excès de la part de certains de ses disciples. Enfin, dans la Civiltà cattolica, il put exposer publiquement et avec plus d’ampleur ce qu’il pensait sur l’orientation que devait recevoir la philosophie. Ainsi donc Taparelli déploya, au gré des diverses circonstances de sa vie, une activité inlassable d’ordre pratique en faveur du thomisme plutôt qu’il ne laissa lui-même une œuvre écrite, complète et approfondie, de philosophie.

Une note de Taparelli, intitulée Delta nazionalità, parut en 1847 à Gênes, à l’insu même de l’auteur qui l’avait destinée à la prochaine édition de son Saggio (cf. infra). Vu les circonstances, elle provoqua une certaine émotion. Après avoir analysé les éléments qui, selon lui, constituent la nationalité, Taparelli examine les problèmes moraux qui en découlent. La question fondamentale à résoudre est celle-ci : est-ce un devoir pour les peuples que de tendre à parfaire leur nationalité ? Voici l’essentiel de la réponse nuancée : c’est aux pouvoirs publics qu’incombe le soin de l’unité nationale. Celle-ci est, sans nul doute, un bien réel, voulu par la nature et vers lequel les peuples tendent instinctivement, mais il ne faut le rechercher que par des moyens légitimes. Taparelli passe ensuite à une question plus précise, particulièrement brûlante à l’époque où il écrivait : la nationalité comporte-t-elle nécessairement l’indépendance juridique ? Répugne-t-il absolument à la nature d’une nation que celle-ci, au lieu de constituer à elle seule un État, dépende officiellement d’une autre nation ?La réponse, au premier abord paradoxale, est négative. Souvent, en effet, il existe des droits antérieurs, et tout droit doit être respecté ; les diverses situations sont donc à considérer ; c’est ce que fait Taparelli avec beaucoup de sagesse.

L’ouvrage principal de Taparelli est le Saggio teoretico di Dritto naturale uppoqgialo sul falto (Essai théorique de Droit naturel hase sur les faits), que Pie XI se plaisait a louer. Il fut édité pour la première fois à Palerrne, de 1840 à 1843. Le falto dont il est fait mention dans le titre n’est pas le fait constaté, an sens moderne du mot, tel que l’entendent les sciences expérimentales, mais il signifie plutôt le témoignage de la lence univei elle exprimé par le langage courant, int une méthode chère à Victor Cousin, comme De l’avait été d’ailleurs à saint Thomas, ’taparelli

prend comme point de départ les mitions les plus communes, spontanément formulées par le vulgaire. Son

but est de réintégrer le droit dans la morale, la séparation de ces deux disciplines ayant été l’une des funestes conséquences de la Réforme. Le livre est divisé en sept dissertations (entre lesquelles sont intercalées de nombreuses et longues notes), qui traitent successivement des sujets suivants : l’action individuelle ; les théories de 1’ « être social » ; l’action humaine dans la formation de la société ; les lois de l’action de la société déjà formée ; les lois morales assignées par la nature à l’action politique de la société ; les lois de l’action réciproque entre les sociétés égales indépendantes, fondement du droit international ; droit spécial. Il est impossible d’exposer ici, fût-ce de façon sommaire, les idées maîtresses de ce volumineux travail ; signalons seulement ce qui concerne l’origine de la société (est-il besoin de dire que Taparelli réfute le « Contrat social » ?) et celle du pouvoir (à comparer avec la théorie de Suarez), et surtout l’ordre international, qui fait l’objet de la sixième dissertation : le P. de La Brière a dédié son ouvrage sur La communauté des puissances à Taparelli, « précurseur le plus clairvoyant de toute l’organisation internationale contemporaine ». Parmi les principes à la lumière desquels il faut se diriger en cette matière, relevons ceux-ci : le bien d’une société est subordonné à celui des personnes associées, pour qui l’association n’est qu’un moyen, ce qui exclut radicalement ce que nous appelons aujourd’hui le « totalitarisme » ; la première loi des rapports entre les nations doit être l’amour mutuel. Taparelli examine d’une manière très fouillée les droits et les devoirs des nations en temps de paix et en temps de guerre, il passe en revue les divers cas où l’on pourrait concevoir l’hypothèse d’une intervention et il énumère les conditions requises pour que la guerre soit juste. Il nomme elhnarchie la société universelle des nations produite par les lois mêmes de la nature ; notons bien, d’ailleurs, qu’en ce groupement chaque nation conserve son existence propre : il s’agit là d’une association hypotactique, c’est-à-dire une subordination de plusieurs sociétés. Originairement l’autorité internationale est polyarchique, en ce sens qu’elle réside dans l’accord des États juridiquement égaux qui s’associent ; mais cet accord n’est pas cause de l’autorité, il n’en est que la forme concrète. Taparelli sait bien qu’il risque fort d’être accusé d’utopie, mais il veut néanmoins étudier ex professo les problèmes si délicats que pose nécessairement la complexité toujours croissante des relations internationales. La construction qu’il ébauche est parfaitement cohérente et en plusieurs points elle présente une ressemblance vraiment frappante avec les réalisations de la Société des nations de Genève.

Un autre livre, où Taparelli révèle son brillant talent de polémiste, est intitulé Esame critico degli ordini rappresentativi nella società moderna (Examen critique des ordres représentatifs dans la société moderne >. C’est un recueil d’articles parus dans la Civiltà cattolica, mais plus ou moins remaniés. l.’Esame critico reprend, sous une forme moins didactique et plus vivante, des thèses déjà énoncées dans le Saggio, dont il est comme une sorte de complément el « le com mentaire, sur l’autorité, la liberté, le suffrage universel, le naturalisme, les diverses institutions politiques, etc. Taparelli combat l’esprit protestant qui a vicié les constitutions. Considérer Taparelli comme un absolutiste serait le juger d’une façon superficielle et fausse : il n’est pas opposé à toute espèce de parlemen tarisme, mais il dénonce l’influence rationaliste qui a envahi les systèmes modernes de gouvernement et il combat inexorablement toutes les erreurs qui font le malheur de la société contemporaine.

Taparelli a fait paraître dans la Civiltà Cattolica de nombreux articles d’économie politique. Ils sont de deux sortes : les uns concernent les principes mêmes