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THOMAS D’AOUIN. VIE


gieuse, instruisit ses autres sœurs dans les Saintes Écritures, étudiant lui-même sans se laisser abattre. Il put reprendre contact avec ses confrères de Naples qui ne l’oubliaient pas dans son isolement. Enfin, soit par respect pour son choix, soit par réflexion politique (le concile de Lyon se dressait contre Frédéric), sa famille lui permit de rejoindre les dominicains de Naples. Il dut faire son noviciat, mais les sources n’indiquent pas à quel endroit. Peut-être à Naples, ou bien dans la maison où il fut envoyé.

Les études dans l’ordre.

Aux difficultés chronologiques

s’ajoutent de non moins graves difficultés d’ordre topographique. Le P. Denifle a observé que les anciens biographes, éblouis parle génie et la science de leur héros, ont oublié de s’arrêter à la question du noviciat et des lieux où Thomas a passé les années importantes de sa formation théologique. Pour ses études il fut envoyé en dehors de la province romaine (ad proficiendum). À part Gérard de Frachet qui note qu’il a été envoyé à Paris pour étudier, mais sans dire qu’il y ait étudié, toutes les autres sources attestent qu’il a été à Cologne en passant par Paris (Tocco, c. xiv) ou directement sans ce détour (Cantimpré, Ptolomée, dame Catherine) et qu’il y a été élève d’Albert le Grand. Ptolomée estime qu’Albert quantum ad gênerai itatem scientiarum et modum docendi inter doctores maximum excellentiam habuit. Hist. eccl., t. XXII, c. xviii.

Échard, Mandonnet, Prûmmer, Grabmann, Castagnoli, Glorieux tiennent que Thomas étudia à Paris de 1245 à 1248 ; Denifle, de Groot, Pelster, Toso insistent sur ce point que seules les études à Cologne sont prouvées par les documents, tandis que Pelster suggère des études à Cologne sous Albert avant 1245 et après 1248. La tradition de Cologne parle des longues études de Thomas sur le Rhin. Une tradition de Paris manque, mais le raisonnement est en sa faveur. La lettre des artistes (1274), qui n’est pas explicite, est interprétée d’une façon négative pour Paris par Denifle et affirmative par Mandonnet. Cologne était un centre d’études dès avant la décentralisation scolastique provoquée dans l’ordre depuis 1245 pour décharger Paris. En 1248 le sludium générale y fut établi avec Albert comme régent.

Saint Thomas s’est appliqué avec assiduité aux études théologiques, après avoir fait sa philosophie et peut-être sa maîtrise es arts à Naples. Sous Albert le Grand, il révèle de plus sa puissance intellectuelle. Tocco nous apprend que Thomas a noté les leçons d’Albert sur l’Éthique à Nicomaque d’Aristote. Mgr Pelzer en a fourni la preuve en ce qui concerne les manuscrits de ce cours inédit du maître de saint Thomas reporté par celui-ci. À l’occasion d’un acte solennel (signe probable que Thomas n’était plus simple auditeur, mais candidat à l’enseignement à Cologne), Albert annonçait ouvertement la future grandeur du « bœuf de Sicile ».

Pendant son séjour à Cologne, Thomas apprit la mort de son frère Renaud dans la conjuration de Capaccio et la mort de Frédéric II. C’est également là qu’il fut probablement ordonné prêtre. Il y fut témoin de la pose de la première pierre de la cathédrale le 15 août 1218 et de la visite du roi des Romains, Guillaume de Hollande, à Albert le Grand, le 6 janvier 1252. Il refusa la dignité d’abbé du Mont-Cassin qui lui avait été offerte par Innocent IX.

6° Bachelier en théologie à Paris ( I.). — Pour

l’année académique 1252-1253, l’ordre dut nommer un bachelier à son sluilium générale du couvent de Saint-Jacques à Paris. Le maître général Jean le Teutoniquc consulta sur cette que l’on Alliert, qui proposa fermement Thomas d’Aquin en garantissant M rompe tence doctrinale et la probité de sa vie. Jean hésitait,

peut-être en raison de la jeunesse du candidat ou du manque de quelque condition requise par les règlements. Albert ne fléchit pas. Profitant de la présence en Allemagne du cardinal Hugues de Saint-Cher, légat pontifical, qui y rencontra maître Jean, Albert lui recommanda la candidature de Thomas et réussit à faire envoyer celui-ci à Paris. Thomas se rendit à sa nouvelle résidence en passant probablement par Louvain.

Depuis 1252 il enseigne au couvent de Saint-Jacques comme bachelier dans l’école des étrangers, qui était parallèle à l’école des membres de la province de France. Au commencement de sa nouvelle tâche, le bachelier dut faire un principium, lecture solennelle sur l’Écriture. Le bachelier expliquait, au cours d’une ou deux années, deux livres saints ; après cet exercice il se vouait pendant deux ans à la lecture des Sentences de Pierre Lombard, sous la direction d’un maître, qui était alors (1248-1256), pour les étrangers, Hélie Brunet de Bergerac en Provence.

Ces débuts de l’enseignement de saint Thomas à l’université de Paris coïncident avec le commencement de la lutte des maîtres séculiers contre leurs collègues des ordres mendiants. Depuis longtemps la situation était tendue. L’instigateur des hostilités contre les réguliers, Guillaume de Saint-Amour, mettant à profit l’absence de Louis IX, avait beau jeu de se dresser contre ses adversaires. Voir Saint-Amour ( Guillaume de), t. xiv, col. 756. En février 1252 la faculté de théologie réduit le nombre des professeurs réguliers et celui de leurs cours : ils doivent se contenter d’un seul maître et d’un seul cours. Au début les réguliers ne semblent pas avoir reconnu le statut rédigé sans eux.

En 1253 les maîtres publièrent un autre décret obligeant à l’exécution des statuts universitaires sous peine d’exclusion. Les mineurs, sous Jean de Parme, cédèrent, mais pas les prêcheurs. Guillaume gagnait bien Innocent IV contre les réguliers, mais, le 22 février 1254, Alexandre IV restituait aux ordres leurs droits acquis. Guillaume ouvrit alors la lutte au point de vue doctrinal, en dénonçant VIntroductorius in Evangelium œternum de Gérard de Borgo San Donnino, O. F. M. et en dressant une liste des erreurs contenues dans cet ouvrage. Il prêcha aussi contre les réguliers. Le pape condamna VIntroductorius et les erreurs indiquées par les professeurs séculiers, mais favorisa les réguliers. Le 1 er mars 1256, les dominicains se mettaient d’accord avec l’université : sans renoncer aux deux chaires, ils concédèrent que leurs candidats au collège des maîtres seraient acceptés par libre consentement. Cet accord, stipulé sans le Saint-Siège, fut déclaré nul. Alexandre IV condamna l’écrit de Guillaume, De periculis novissimorum temporum, à Anagni, le 5 octobre 1256. Dans ce temps agité parurent les monographies de saint Bonaventure et de saint Thomas, Contra impugnanles Dei cultum, sur la raison d’être des ordres apostoliques et mendiants qui se donnaient à l’étude, à l’enseignement et à la prédication.

Outre son cours d’exégèse, Thomas bachelier écrivit à cette époque son exposition des Sentences, probablement le De ente et essentia et le De principiis nature.

Il a dû participer aussi à quelques disputes. Dans renseignement il s’imposait par la force, de sa dialectique, la puissance de son esprit, la fidélité de sa mémoire et son calme dans la manière de se présenter. Le chancelier Hayméric qui concéda la licence à Thomas d’Aquin fut loué par lettre spéciale d’Alexandre IV datée du 3 mars 1256. Le pape imposait même au chancelier de faire faire prochainement à son candidat le principium ou la leçon inaugurale de maître, lue véritable obstruction se produisit aussitôt contre l’ordre du pape. Mais devant le commandement formel