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    1. THESSALONICIENS (ÉPITKES AUX)##


THESSALONICIENS (ÉPITKES AUX). ESCHATOLOGIE

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nous l’objection : si l’Adversaire n’est pas un individu,

mais une succession d’individus, ne cesse-t-il pas dès lors d’être un signe du retour imminent du Christ ? Car un antéchrist est suivi d’un autre et l’on ne saurait déterminer quel est ! e dernier anneau de la chaîne. Qui dira aux fidèles que tel monstre d’impiété et d’orgueil est la révélation ultime et plénière de l’impie ? » Rigaux, p. 280-281. Le texte de saint Paul nous suggère une distinction capitale à établir entre les antéchrists actuellement existants ou passés, agents du ma ! et suppôts de Satan, mais livrés à eux-mêmes, à leurs moyens, à leur malice, et les antéchrists de la fin, assistés de toute la puissance de Satan, jouissant par leurs prodiges d’un pouvoir effrayant de séduction. Les premiers ne sont pas révélés ; ceux de la fin seront révélés et feront leur parousie. Car le signe du retour du Christ n’est pas l’existence ou la présence d’un ou plusieurs adversaires, c’est leur révélation au sens défini, c’est leur parousie éclatante.

S) Les analogies avec les Synoptiques et saint Jean.

— Notre conclusion que l’Adversaire désigne une collectivité concorde parfaitement avec les enseignements apocalyptiques du divin Maître en saint Matthieu : « Il surgira quantité de faux prophètes qui entraîneront dans l’erreur beaucoup de monde. Le débordement de l’iniquité refroidira la charité d’un grand nombre. « Matth., xxiv, 11-12. « II se lèvera des faux messies et des faux prophètes, qui feront des signes et des prodiges éclatants, jusqu’à égarer les élus eux-mêmes, si c’était possible. » lbid., 24. Ces mystérieux personnages ne répondent-ils pas au signalement que donne saint Paul de l’Adversaire ? Même époque, mêmes moyens, mêmes sinistres effets au point de vue religieux. Or, les faux messies et les faux prophètes sont légion, et cette troupe est amorphe et acéphale. Elle n’a pas de chef. La fidélité de l’Apôtre à la doctrine de son Maître nous est une assurance, une certitude que son Adversaire, en dépit de certaines apparences, sera en réalité toute la foule des faux messies et des faux prophètes prédits par le Christ.

La concordance n’est pas moins satisfaisante avec les enseignements de saint Jean : « Petits enfants, c’est l’heure dernière. De même que vous avez entendu qu’il vient un Antéchrist, maintenant aussi il y a beaucoup d’antéchrists. » I Joa., ii, 18. « Beaucoup de séducteurs ont paru dans le monde, qui ne confessent pas que Jésus-Christ est venu dans la chair ; c’est à cela que se reconnaissent le séducteur et l’Antéchrist. » II Joa., 7, 8 ; cf. I Joa., ii, 22 ; iv, 3. Vous attendez un Antéchrist ? interroge saint Jean ; vous n’avez pas tort ; et même vous avez plus de raison que vous ne pensez, car, au lieu d’un seul, vous en aurez une multitude. Tout négateur du Christ est un antéchrist. « Le nom semble désigner une force collective plutôt qu’une personne définie. » Bonsirven, Êp. de saint Jean, p. 60. L’Apocalypse, nous l’avons dit, ne nous présente que des symboles de collectivités. Jésus et Jean se fussent-ils exprimés de la sorte, s’il ne devait y avoir historiquement qu’un Adversaire réservé à la fin des temps ? L’antéchrist individuel n’est donc pas un personnage paulinien, pas plus qu’il n’est un personnage évangélique ou johannique.

e) La tradition. — Nous pouvons affirmer qu’il n’y a pas de tradition sur le mystérieux sujet qui nous occupe. C’est bien inconsidérément que Suarez lançait l’anathème aux négateurs de l’antéchrist individuel : Antichristum… significare quemdam certum ac singularem hominem… est rcs cerlissima et de fide. Éd. Vives, 1866, t. xix, p. 1027, 2e col. Bien que la plupart des auteurs anciens, frappés du sens apparent de saint Paul, parlent d’un antéchrist au singulier, il n’est pas impossible de relever des indices intéressants d’une interprétation collective.

Origènc, parmi les nombreuses explications qu’il donne, propose également une interprétation colleci Il n’y a qu’un genre d’antéchrist, mais il y en a plusieurs espèces, generaliter unus est Antichristus, species autem illius multæ », P. G., t. xiii, col. 1668 ; parlant des hérétiques : Hi sunt andchristi et quicumqiu fiost eos resurrexerint. lbid., col. 1669. Pour Tyconius (vers 380) : « l’antéchrist est l’ensemble des pouvoirs hostiles au christianisme, qui vont se condenser dans un dernier roi de la cité du Diable, suscité par Satan » ; cf. Allô, L’Apocalypse, p. ccxxii.

Cette interprétation collective était connue de saint Augustin qui mentionne de l’antéchrist cette définition possible ou probable : une multitude d’hommes formant an corps sous la conduite d’un chef. P. L., t. xli, col. 685. Le saint docteur termine son exposé par une déclaration qui donnerait le coup de grâce, s’il en était besoin, à toute unanimité prétendue de la tradition : Alius ergo sic, alius autem sic apostoli obscura verba conjectat. lbid., col. 687.

A la lumière de ces indications patristiques et de ces observations scripturaires, nous croyons être en droit de conclure que l’Adversaire est une série ininterrompue d’agents du mal qui s’opposent et s’opposeront à la doctrine et à l’œuvre du Christ, depuis la fondation de l’Église jusqu’au dernier jour. Tout ennemi de Dieu, tout agent de Satan est, scripturairement, un adversaire, un antéchrist. Les mystiques ont raison quand ils traitent d’antéchrist tel ou tel ennemi de la sainte Église. Ces appellations sont dans le style biblique et elles ne sortent pas de l’authentique pensée des auteurs d’apocalypse.

e. L’identification de l’obstacle. — Si les auteurs anciens ignorent le nom de l’Adversaire, ils prétendent du moins connaître celui de l’obstacle, attendu qu’ils présentent pour ce dernier des identification-, assurées.

a) L’empire romain. - — C’est l’hypothèse la plus impressionnante tant à cause du nombre que de la qualité de ceux qui l’ont proposée ; parmi les Pères : Irénée, Tertullien, Hippolyte, Cyrille de Jérusalem, Jérôme, Jean Chrysostome ; parmi les modernes : Bornemann, Wohlenberg, Milligan, Dobschiitz, Findlay, Goguel, Bousset, Bovon, Vosté. Lorsque le P. Vosté a parié, avec réoerve cependant, de tradition apostolique à propos de cette identification (p. 276277), le P. Lagrange lui a représenté qu’une telle assertion « n’était pas sans de graves conséquences ». Rev. bibl., 1917, p. 576. — Mais comment n’être pas frappé de l’échec infligé à cette explication par l’invasion des barbares et la chute de l’empire ?

(3) Les charismes et la grâce du Saint-Esprit (Théodore de Mopsueste, Théodoret). Saint Jean Chrysostome mentionne, pour la rejeter, cette opinion, P. G., t. lxii, col. 485, car les charismes des origines ont cessé et l’Antéchrist final n’est pas venu.

y) Un décret divin (Théodore de Mopsueste et son disciple, Théodoret de Cyr, P. G., t. lxxxii, col. 665 A). — Mais comment admettre qu’un décret divin puisse être écarté ou mis de côté ?

S) L’idolâtrie ou l’incomplète diffusion de l’Évangile (S. Éphrem, Théodoret, Calvin). — Mais ce serait là précisément un élément favorable à la révélation de l’Adversaire plutôt qu’un obstacle.

e) Il en est de même de l’apostasie, proposée par saint Augustin, lequel disait cependant : Ego prorsus quid dixerit me fateor ignorare, P. L., t. xli, col. 686. et par Estius.

Ç) Saint Michel. — Cette explication propoiée par le P. Prat, semble actuellement jouir d’une certaine vogue. — Sans doute l’archange est-il l’adversaire traditionnel de Satan, mais peut-on dire que saint Michel sera un jour écarté, lui, ! e triomphateur de la première