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THESSAL0N1CIENS (EPITRES AUX). ESCHATOLOGIE

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notion, en disant que les néophytes de Thessalonique sortaient de l’ordre providentiel et le troublaient avec leur sotte espérance d’une parousie imminente et leur stupide cessation du travail. Nous sommes aujourd’hui en mesure de préciser la pensée de l’Apôtre. Le verbe dcTaxTÛ qui, dans le grec classique, signifiait « quitter le rang » (Xénophon l’emploie en parlant des soldats) ou même déjà « ne pas faire son devoir », a été trouvé dans les papyrus d’Oxyrhynque, The Oxyrhynchus papyri, Londres, 1898, avec le sens de « fainéanter ». Pap. 275, 25 ; 725, 40. Dans un papyrus de l’an 66, il signifie « faire le paresseux » et, dans un autre de la fin du n » siècle, « ne pas travailler » (textes dans Milligan, note G, p. 152-154). C’est l’interprétation qui convient parfaitement à ces passages obscurs de nos deux épîtres.

b) Origine et nature de cette paresse. — Les néophytes de Thessalonique étaient pour la plupart des artisans vivant du travail de leurs mains. Depuis quelque temps — c’est le rapport que fera Timothée au retour de sa mission spéciale — ces ouvriers avaient l’air de négliger leurs affaires temporelles et leur travail pour se livrer à une singulière oisiveté, ce qui ne pouvait que les discréditer, eux et leur religion, aux yeux des païens. La religion du Christ serait-elle une religion de paresseux ? I, iv, 11-12. Cependant la première épître ne nous permet guère de deviner l’état réel des néophytes, car les indications en sont très brèves. Heureusement, la seconde nous fournit un supplément d’information. Ces chrétiens n’étaient pas de vulgaires paresseux (Estius), ni des orants pris subitement d’un goût excessif de la prière, ni des désenchantés qui se retiraient des affaires par lassitude ou découragement. Leur pratique bizarre s’inspirait d’une pensée qui ne l’était pas moins. Persuadés que la fin du monde était imminente, ils se disaient qu’ils auraient toujours de quoi subsister jusque-là et qu’il était bien inutile de thésauriser pour si peu de jours. Pareille conduite et pareille croyance étaient ridicules aux yeux des païens ; et l’Apôtre se soucie du bon renom des chrétiens : la meilleure apologétique, dit-il, est une vie sans reproche. Que les esprits se calment, que tous reprennent leurs affaires et leurs travaux manuels, que Thessalonique ne devienne pas une Église de besogneux ou d’illuminés. Par une vie de travail, vous ferez taire les « gens du dehors », les gentils par opposition aux Juifs, qui se moquent ou se scandalisent des chrétiens sottement oisifs et, vous-mêmes, vous vous mettrez à l’abri du besoin. I, iv, 12.

c) Développement de la crise. — Saint Paul espérait, par ce simple avertissement, mettre fin à cette grève indécente. Mais l’abus ne tarda pas à empirer. Dans l’intervalle de la première à la seconde épître, les préoccupations eschatologiques auront si fortement entamé la vie sociale des néophytes, qu’il sera nécessaire de débrider l’abcès. Paul se montre sévère. Il parle au nom du Seigneur Jésus, II, iii, 6, formule emphatique qui relève l’autorité de ces prescriptions : « Nous vous enjoignons de vous tenir à l’écart de tout frère qui s’abandonne à la paresse, sans suivre la tradition que vous avez reçue de nous. » II, iii, 6. Paul prononce à l’adresse de ces oisifs une sorte d’excommunication. Ce sont des perturbateurs : qu’on les évite. Ce sont des prédicants d’erreur : qu’on fasse le vide autour de leur chaire ; de la sorte, on préserve les auditeurs et on ménage aux orateurs des loisirs pour de sages réflexions. Cet abus contre lequel l’Apôtre s’élève est une faute contre la tradition vivante donnée par les premiers missionnaires qui ont toujours fourni un travail acharné. Saint Paul n’a pas été un paresseux parmi les Thessaloniciens. Ce sera sa gloire d’avoir pourvu à sa subsistance par le travail de ses mains. I, ii, 7-9 ; II, iii, 8 ; cf. I Cor., ix, 6-18. Pareille ment, l’Apôtre ne manque pas une occasion de rappeler que c’eût été son droit, èî/rjaîa, II, iii, 9, d’annoncer l’Évangile aux frais de la chrétienté. Ce droit, il y a renoncé, pour donner l’exemple. I, i, 6. Dès que les premiers indices de cette paresse eschatologique s’étaient manifestés, il avait suffi aux missionnaires de rappeler le principe de bon sens : « si quelqu’un refuse de travailler, qu’il ne mange pas. » II, iii, 10. Aujourd’hui que le mal a sensiblement empiré, il y faut employer les règles de la correction fraternelle : d’abord essayer de gagner les égarés, iii, 12 ; si ce n’est pas possible, cesser toute relation avec eux, iii, 14, sans oublier toutefois de les traiter en frères, iii, 15.

2. Le retour du Christ ou parousie.

Le problème de la parousie domine les deux épîtres aux Thessaloniciens ; problème qui, à juste titre, préoccupe l’exégèse et la théologie.

a) Le mot « parousie ». — Nous n’avons pas à reprendre en détail l’étude philologique de ce mot : cf. Parousie, t. xi, col. 2043-2045. Rappelons brièvement qu’il a souvent chez les classiques le sens de présence, et encore d’arrivée, de venue ; saint Paul l’emploie également avec ces mêmes sens : présence, I Cor., xvi, 17 ; Phil., ii, 12 ; arrivée, II Cor., vii, 6-7. C’est encore le terme technique, l’expression officielle pour désigner la visite d’un roi, d’un empereur, de personnages éminents : les papyrus, les ostraca et les inscriptions fournissent une ample documentation. Textes dans A. Deissmann, Licht vom Osten, Tubingue, 1909, p. 279-283.

Dans le Nouveau Testament, le sens technique de parousie est le retour glorieux du Christ à la fin des temps. Nous avons déjà eu l’occasion de remarquer que parousie n’était pas une traduction, mais simplement une transcription du terme grec 7rapouaîa et nous avons proposé de traduire franchement par retour ; cf. notre note des Recherches…, Les particules réduplicatives du N. T., 1937, p. 217-228, surtout p. 225-228. Évidemment cette traduction ne répond pas littéralement au vocable grec ; avec notre goût moderne de précision et de logique, nous exigerions que, parlant de la seconde venue du Christ, le Sauveur et, après lui, les écrivains du Nouveau Testament parlassent de retour et de revenir, alors qu’ils ne parlent que de venir et de venue. Mais ne faut-il pas mettre en cause l’indigence de la langue ? Nous avons dans nos langues modernes les mots composés revenir, retour, qui sont aussi clairs et aussi légers que les mots simples venir et venue. Le grec de la Koinè et du Nouveau Testament eût été fort gêné pour traduire l’idée de « revenir » autrement qu’en accolant au verbe simple les lourds adverbes tocXiv ou èx Seu-rspou, peut-être les deux ensemble. Même indigence d’ailleurs dans l’araméen : le substantif simple m’titâ, la venue, de’athâ, venir, servait à désigner la première, la deuxième, la troisième venue, laissant au contexte ou aux auditeurs le soin d’en spécifier le numéro, quand le besoin s’en faisait sentir. L’influence du texte original, jointe à la propre indigence du grec, inclinait les traducteurs à rendre m’titâ par TOxpouaîa, qui serait elle-même, selon les occurrences, la première ou la seconde venue. Notre deuxième épître aux Thessaloniciens nous en donne un curieux exemple : le même vocable roxpouata désigne la première venue de l’adversaire et la seconde venue de Jésus qui reviendra précisément détruire celui-ci du souille de sa bouche. II, ii, 9 et 8. Nous traduirons donc résolument par retour, chaque fois que le contexte nous indique qu’il s’agit effectivement de la seconde venue de Jésus, sans nous interdire d’ailleurs à l’occasion l’emploi du vocable parousie.

b) L’altitude des néophytes de Thessalonique. — Les néophytes avaient écouté avec un vif intérêt la caté-