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devoirs. Il n’est pas téméraire d’identifier ees chefs avec les presbytres qui, dès avant cette époque, avaient été préposés aux Églises de Lystres, d’Ieonium cl d’Antioche de Pisidie. Act., xiv, 21. Concluons avec A. Puech, que ce texte, I, v, 12-13 « indique clairement que Paul donnait une organisation régulière aux Églises qu’il fondait ». Histoire de la littérature grecque chrétienne, t. i, p. 205 ; cf. Médebielle, art. Église, dans Supplém. au JJicl. de la Bible, t. ii, col. 056.

b) Autorité de la tradition. — « Demeurez fermes et retenez les traditions que nous vous avons enseignées de vive voix ou par écrit. » II, ii, 15. Verset important où saint Paul note que la tradition a la même valeur dogmatique que l’Écriture. Ce texte est l’un des lieux classiques des Prolégomènes de la théologie : « Il est clair, disait saint Jean Chrysostome, que tout ne nous a pas été transmis par écrit ; il y a beaucoup de choses qui nous sont parvenues sans être écrites et qui sont dignes de foi. C’est pourquoi nous tenons pour également digne de foi la tradition de l’Église. C’est la tradition, il n’y a rien de plus à chercher. » P. G., t. lxii, col. 488. Les docteurs des âges suivants ne pourront que souscrire à ces paroles. La tradition constitue un dépôt transmis et reçu. I, iv, 1-2.

3. La grâce.

Plusieurs fois déjà nous avons signalé dans ces deux lettres aux Thessaloniciens de brèves allusions à une doctrine complexe et très belle qui sera développée à souhait dans les épîtres ultérieures. C’est la doctrine de la grâce. Les deux épîtres s’ouvrent par un salut de grâce et de paix. I, i, 1 ; II, i, 2. La grâce, dans saint Paul, signifie tantôt la bienveillance toute gratuite que Dieu ou le Christ témoignent aux hommes — donc au sens subjectif — tantôt l’effet de cette bienveillance, c’est-à-dire la grâce sanctifiante et son cortège de dons et de charismes — donc au sens objectif. En ces souhaits, le voisinage de la paix invite à préférer la seconde acception. Si récente que soit la conversion des Thessaloniciens, ils sont initiés à la doctrine de la grâce. Les épîtres reflètent clairement la prédication de Paul à Thessalonique : elle a été un message de salut par la grâce. Cette grâce est celle de Dieu qui nous vient par Jésus-Christ, II, i, 2 ; pour la produire dans les âmes, il y a, au dehors, la parole de Dieu prêchée par ses missionnaires, I, i, 6, 8 ; ii, 13 ; II, iii, 1, et, au-dedans, l’Esprit-Saint. I, i, 5, 6 ; v, 8, 19 ; cf. II, ii, 13. Les néophytes, par l’accueil empressé fait à la prédication de l’Évangile, I, ii, 13, et par l’action du Saint-Esprit en eux, I, i, 5, peuvent s’estimer les enfants chéris de Dieu, I, i, 4 ; II, i, 12 ; ii, 13 ; iii, 5, qui est leur Père. II, ii, 16. C’est par sa grâce qu’il a donné une consolation éternelle, II, ii, 16, et une sainteté parfaite, I, v, 23 ; II, iii, 16, avant-goût de cette gloire à laquelle ils sont tous appelés. II, ii, 13, 14. Cf. Bonnetain, art. Grâce, dans Suppl. au Dict. de la Bible, t. iii, col. 1004-1005.

4. Les vertus chrétiennes.

a) Les vertus théologales.

— À deux reprises, en ces deux lettres, Paul unit les trois noms, foi, espérance, charité, comme si c’était là une formule reçue depuis longtemps : « Nous rendons grâces à Dieu… au souvenir des œuvres de votre foi, [i.v7)[xoveùovTsç ù[j.wv tou ëpyou tîjç maTEwç, des travaux de votre charité, xocl toûxotcou tt^ç àycOTYiç, de votre constance à espérer, xocl tîjç ù7to(jiovïj< ; tîjç èXtcîSoç. » I, i, 2-3. Dans la deuxième formule, les trois mots sont encore plus serrés : « Soyez sobres, portant la cuirasse de la foi, Èvo)adqi.£voi. Owpocxoc TtioTscoç, et de la charité, xocl à.yâ.vn]< ;, et le casque de l’espérance du salut, xocl TCptxeçocXodav èXtccSoc aoTïjplaç. » I, v, 8. Nous n’avons pas à rechercher l’origine de cette triade ; cf. Allô, Première épttre aux Corinthiens, Paris, 1935, excursus xiv, p. 351-353. Mais une telle formule ne semble pouvoir s’expliquer que par un usage remontant aux tout premiers temps de l’Église ; « c’est

peut-être le Seigneur lui-même qui l’avait frappée ». Allô, p. 353. Les Thessaloniciens se distinguent par la pratique des trois vertus théologales. La foi de saint Paul, cette vertu permanente par laquelle nous adhérons à Dieu le Père par le Seigneur Jésus, est agissante ; elle inspire et fait produire toutes les œuvres de la vie chrétienne. L’objet précis de l’espérance des néophytes est la parousic ou le retour glorieux de Notre-Seigneur, dont la préoccupation domine ces deux épîtres. Les souffrances endurées ne doivent pas entamer la fermeté des fidèles à espérer et à attendre le retour, si souvent annoncé, du Seigneur Jésus. Le mot de charité est l’une des plus belles créations des Septante et du Nouveau Testament. La charité chrétienne ne rend pas le mal pour le mal, I, v, 15, par quoi elle se distingue de la morale juive dont la loi du talion constituait le premier principe social. Au lieu du mal, ayez le bien en vue (ibid.), dit l’Apôtre avec une nuance expressive : StcôxeTe, poursuivez-le, comme un chasseur sa proie, avec le vif désir de le forcer et de le capturer, L%-%-Xocu, 6<xveiv. Mais cette chasse du bien ne se fera pas égoïstement, dans un étroit domaine de famille, de tribu ou de nation. La morale chrétienne est franchement internationale et universelle ; entre nous d’abord, mais ensuite envers tout le monde, elç toxvtocç. L’aspect négatif de la charité sera d’éviter le scandale. « Édifiez-vous les uns les autres, oîxo80p.£ÏT£ », I, v, 11, nouvelle métaphore dont l’Apôtre tirera parti un jour. I Cor., viii, 8-13. Tout chrétien, pour Paul, est un édifice en construction. I Cor., iii, 9. Toute bonne œuvre est une pierre mise à sa place dans le mur qui monte. Non seulement chacun peut s’édifier soimême, I Cor., xiv, 4, mais chacun est de droit divin et de par sa vocation l’auxiliaire de ses frères dans l’œuvre de leur propre édifice : « édifiez-vous les uns les autres. » Mais malheur au scandale, c’est-à-dire à toute œuvre qui ébranle ou ruine l’édifice spirituel I Ici encore, nous pouvons nous scandaliser nous-mêmes et scandaliser les autres.

b) La pureté. — La pureté sera toujours l’une des vertus sur lesquelles l’Apôtre insistera davantage dans ses lettres aux néophytes, venus pour la plupart du paganisme où le commerce impur était tenu pour licite ou indifférent. Mais l’Apôtre sait entamer à sa manière ce sujet délicat : « Ceci est la volonté de Dieu, le moyen pour vous de tendre à la sainteté : que vous nous absteniez de toute impudicité, 7ropvEÎoc ; que chacun de vous sache garder son corps en toute sainteté et respect, sans se livrer aux passions déréglées comme les païens qui ne connaissent pas Dieu ; et sans léser son frère en pareille matière par sa luxure. » I, iv, 3-6. La volonté divine, le moyen de se sanctifier, c’est de s’abstenir de l’impudicité, 7ropvsîoc, entendue au sens de fornication, I Cor., vi, 18 ; vii, 2, plutôt que d’adultère, (Aoi/doc. Matth., v, 32 ; xix, 3. C’est le sens à retenir et qui nous aide à comprendre ce passage discuté : Vas suum possidere, tô éocotoû gxeùoç xtôcctôoci. Tout bien pesé, nous traduisons : < Que chacun de vous garde son propre corps. » Mais il y a une autre traduction. Bon nombre d’anciens (S. Augustin, Théodore de Mopsueste) et de modernes (Lemonnyer, Toussaint, Bisping, Wohlenberg, Bornemann, Vosté, Steinmann, Benié) traduisent : « acquérir sa femme », « prendre femme », se marier : 1. parce que c’est le sens naturel de l’expression xTÔccrÔai. ywoùxoc ; 2. parce qu’on achetait sa femme ; 3. parce que l’infinitif xtôcoOoci. a exclusivement le sens d’acquérir, le sens de posséder étant réservé au parfait xéxT7)(i.oci ; 4. parce que l’hébreu JMi, correspondant de oxeùoç, a fréquemment le sens de femme. La traduction adverse, garder son corps, soutenue par S. Jean Chrysostome, Théodoret, l’Ambrosiaster, Théophylacte, Cajétan, Bengel, Lightfoot, Milligan,