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THESSALONICIENS (ÉPITHES AUX). LE CHRIST

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élus à la gloire, ou bien la vocation temporelle par laquelle les élus sont effectivement appelés à la foi. Nous croyons qu’élection n’est qu’un synonyme de vocation a la foi. Le P. Prat, t. i, p. 513, observe très justement que « élection (electio, èxXoyrç) est synonyme de vocation avec une idée de préférence et de choix ». Rom., ix, 11 ; xi, 5, 7, 28. Le P. Vosté, avec plus de subtilité, vocatio potins respicit terminum ad quem, electio terminum a quo… Esedem personæ dicuntur xque vocatse ac electee, uocatæ ad Christum, electse ex mundo. P. 63. La synonymie est manifeste dans ce texte de II Pet., i, 10 : « Efforcez-vous de rendre ferme votre vocation et élection, vestram vocationem et electionem, ûfi.c5v T7)v xXîjotv xai èxkoyr^. » C’est aussi, croyons-nous, le sens du présent passage de saint Paul, à cause du contexte immédiat : « Nous savons, frères aimés de Dieu, comment se fit votre élection. Nous ne nous contentâmes pas de vous prêcher notre évangile en paroles seulement. » I, i, 4-5. Nous trouvons là ce procédé littéraire de l’Apôtre déjà mentionné, cette convergence de propositions subordonnées pour essayer de traduire une réalité haute et difficile. L’élection énonce le sujet en bloc ; la proposition suivante détaille les particularités de cette élection générale. Donc élection et vocation à la foi, œuvre du Père céleste ; cf. II, i, 11.

Le terme de cette vocation, c’est le royaume de Dieu et sa gloire, I, ii, 12, car < Dieu nous a aimés et nous a donné la consolation éternelle et une heureuse espérance par sa grâce ». II, ii, 16. Ces mots mystérieux, qui ne sont encore, à ce stade de la vie littéraire de Paul, qu’une ébauche, seront éclaircis lorsque l’Apôtre aura expliqué les mystères de la grâce par l’incorporation au Christ, la filiation divine, la vision et la possession de Dieu. Il sera évident alors que tous ces dons procèdent de l’amour. Les mystères d’amour et d’intimité qui se préparent dès cette vie dans les âmes par la grâce sanctifiante recevront bientôt, dans le royaume et dans la gloire, leur épanouissement splendide.

Ce Dieu est le Dieu de la grâce et de la paix. I, iii, 11 ; v, 23 ; II, i, 13 ; iii, 16. La foi est en Dieu. I, i, 8. L’Évangile est de Dieu. I, ii, 2, 8, 9, 13. Dieu est témoin de nos actions ; il sonde nos cœurs ; il veut notre sanctification et notre pureté, I, iv, 1, 3, 7, et il venge toute faute commise contre cette vertu.

Il éprouve ici-bas ses apôtres et ses élus avant de leur confier son évangile, I, ii, 4 : 8e80xt.[zàa}Ae0a : ce verbe, très souple, dont Paul fait un emploi très fréquent, a signifié à l’origine soumettre à l’épreuve, de préférence à une épreuve favorable : d’où le sens plus ordinaire d’approuver. C’est Dieu qui éprouve et approuve ses apôtres, encore que l’approbation soit motivée par certaines dispositions. C’est Dieu aussi qui leur donne l’audace, cette assurance et cette confiance pour annoncer l’évangile parmi bien des tracas. I, ii, 2. Ou plutôt, les missionnaires puisent en Dieu cette assurance ; mieux encore, ils la puisent dans la vie même de Dieu.

Enfin à Dieu le Père revient l’initiative de notre propre résurrection. C’est lui qui a ressuscité le Christ. I, i, 10. C’est lui qui nous ressuscitera et nous amènera avec Jésus glorieux. I, iv, 14.

b) Jésus-Christ. — La double nature du Christ est nettement enseignée en ces deux épîlres. La révélation la plus inattendue est celle de Notre-Seigneur Jésus-Christ appelé avec constance Seigneur et Christ. Seigneur, ô Kûptoç, est le titre divin et impérial, vocable cher aux Juifs et aux gentils : aux Juifs pour qui il était l’équivalent d’Adonaï ou de Jahvé ; aux gentils, qui en avaient fait le qualificatif de la majesté divine et impériale. Le titre était parfaitement apte à exprimer la nature supérieure de Jésus, et à préparer les

âmes à la reconnaissance de sa divinité. Jésus est encore présenté avec son qualificatif de Messie ou Christ : Jésus-Christ, ’Ivjaoûç Xpia-rôç, ou Christ-Jésus, Xpiaxoç’Irjaoûç.

Mais saint Paul ne sépare pas le Fils du Père. L’une des particularités théologiques et mystiques de l’Apôtre est d’englober dans une même formule, gouvernée par une seule proposition, avec ou sans article, Dieu le Père et le Seigneur Jésus. La formule littéraire traduit ainsi, du mieux qu’elle peut, l’unité de la nature divine en la diversité des personnes. Le plus bel exemple est en I, iii, 11 : « Puisse notre Dieu et Père en personne et Notre-Seigneur Jésus aplanir le chemin qui nous [conduise] vers vousl Aùxôç 8s ô 0e6ç stal na.zr l p 7]u.côv xal ô Kûpioç fju.ôiv’I^aoûç xotTeuO’Jva’. ttjv ôSov tj^ûv rrpôç j[iàç. » Ce qui étonne le plus en ce verset, c’est que ces deux substantifs, Dieu le Père et le Seigneur Jésus, gouvernent un verbe unique et au singulier (xa-reuOûvai). On ne saurait mieux exprimer la substantielle unité du Père et du Fils. L’histoire a-t-elle enregistré une seule formule de protocole qui unisse à ce point deux personnes, quelque étroitement apparentées qu’on les suppose, un père et un fils, un époux st une épouse, un monarque et son ambassadeur ? Dans saint Paul et dans toute la théologie catholique, cette façon de parler est constante. « Que Notre-Seigneur Jésus-Christ en personne et Dieu, notre Père… console vos cœurs à tous ». IL ii, 16. Cette invocation reproduit la précédente avec cette particularité que Jésus-Christ est ici mentionné avant le Père. Quoi qu’il en soit de la raison, toujours est-il que nous constatons une fois de plus cet échange d’offices et d’honneurs qui se fait dans la théologie paulinienne entre le Père et le Fils ; phénomène inexplicable, s’il ne suppose l’égalité, voire l’unité de nature en la dualité des personnes. Et non seulement le Fils prend parfois la place de son Père dans les énumérations doctrinales, mais il se substitue entièrement à lui pour la production d’effets incontestablement réservés au Père. II, iii, 5. C’est donc que le Fils, le Christ, le Seigneur Jésus est l’égal de son Père, Dieu lui-même. Les fidèles sont indistinctement « les aimés de Dieu », I, i, 4, et « les aimés du Seigneur ». II, ii, 13. Dieu et le Seigneur Jésus sont dans la doctrine de saint Paul, et déjà dès cette époque (vers 50), deux réalités interchangeables. Nous n’irons pas raffiner dès lors, comme certains, sur des textes pDur en tirer une affirmation nette de la divinité du Christ. C’est ainsi que dans II, i, 12 : « Selon la grâce de notre Dieu et [Notre-] Seigneur Jésus-Christ », quelques exégètes, profitant de l’absence du second pronom notre, traduisent : « selon la grâce de notre Dieu et Seigneur Jésus-Christ », formule qui leur semble affirmer la divinité de Jésus. Ils oublient que les formules analogues abondent dans saint Paul I, i, 1, 3, 9 ; ii, 14 ; iii, 14 ; iv, 1, etc.), où elles énoncent la distinction entre Dieu le Père et Jésus-Christ. Quant à la divinité de Jésus, le dogme en est assez bien établi au cours de ces deux épltres pour n’avoir pas besoin d’une fragile base de grammaire : le Christ est Dieu, puisqu’il est associé au Père en des formules d’unité, allant jusqu’à l’identité de nature. I, i, 1 ; ii, 14 ; II, i, 1 : I, iii, 11 ; II, ii, 16 et un peu partout.

Dès lors, nous redonnons également toute leur plénitude théologique à ces saluts pauliniens « en Notre-Seigneur Jésus-Christ » : Jésus n’est pas seulement le fondateur de l’Église de Thessalonique (Calmet), il n’est pas seulement l’auteur du salut par le mérite de sa passion (Estius), ce qui équivaut à faire de in Christo, une sorte d’ablatif causal ; en réalité, Jésus, comme Dieu le Père, est le milieu, l’atmosphère surnaturelle qui enveloppe l’Église de Thessalonique. La préposition garde toute la force d’une indication locale.