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THESSALONICIENS ( I re ÉPITRE AUX)

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légèrement divergent que nous présente saint Paul ? I Thess., iii, 1-8. Il nous dit en effet qu’il envoya Tiniothée d’Athènes à Thessalonique. C’est donc que Timothéc, d’abord resté à Bérée avec Silas, l’avait rejoint à Athènes. Silas avait dû l’accompagner, puisque Paul écrit, après la mission de Timolhée à Thessalonique : « Nous avons préféré rester seuls. » Nous avons deux raisons d’entendre ce pluriel de Paul et de Silas, c’est-à-dire comme un pluriel réel, et non comme un pluriel qui conviendrait à l’apôtre seul : l’une, générale, c’est qu’il n’y a pas dans saint Paul, au dire de bons juges comme Milligan, un seul cas certain de « pluriel de majesté » : cf. Comm. des I et II Thess., p. 131-132 ; l’autre, particulière, c’est que, dans le contexte, après avoir parlé au pluriel du groupe des missionnaires, Paul s’en détache à plusieurs reprises pour parler de lui-même au singulier, ii, 18 ; iii, 5 ; cf. II Thess., iii, 17. Nous sommes donc amenés à croire que Silas, aussi bien que Timothée, avait rejoint Paul à Athènes.

Telles sont les données du problème. L’historien et le prédicateur sont-ils en désaccord ? La solution nous semble être la suivante. Sur l’ordre de Paul, Act., xvii, 15, Timothée quitta immédiatement Bérée pour Athènes, où il ne fit qu’un bref séjour ; car, bientôt après, son maître l’envoyait en mission spéciale à Thessalonique. La mission accomplie, il rejoignit Paul à Corinthe, où celui-ci s’était rendu après l’échec d’Athènes. Silas aussi avait rejoint son maître à Athènes, l’ordre de le rejoindre étant aussi pressant pour lui que pour son compagnon (avec Miligan, op. cit., p. xxx). Mais, tandis que Timothée repartait pour Thessalonique, Silas restait près de Paul.

Cette vue globale des événements, avec prétention et fusion des faits, constitue chez saint Luc un cas assez notable de syllepse. L’histoire détaillée des deux missionnaires eût exigé des précisions et des explications qui font défaut. Peut-être l’auteur des Actes était-il incomplètement documenté pour cette période. Le P. Boudou le dit en termes excellents : « Silas et Timothée arrivent de Macédoine. Le récit des Actes est trop concis pour lever tout doute sur leurs allées et venues. » Actes des Apôtres, p. 399. Et encore : « Saint Luc, très probablement resté à Philippes, où Paul le retrouvera lors de son troisième voyage, n’a pas été présent aux événements d’Athènes. Il les aura connus plus tard, par Paul lui-même ; peut-être même a-t-il utilisé un résumé du discours qu’aurait noté l’Aréopagite converti. » Ibid., p. 377.

Un tel exemple de raccourci ou de syllepse historique méritait d’être signalé. Il y a là imprécision, volontaire ou inconsciente, il n’y a pas erreur positive, la seule erreur au sens formel, celle-ci absolument incompatible avec l’inspiration.

Unité.

Cette lettre semble bien avoir été dictée

d’une seule haleine. Cependant, même ici, la critique signale ce que A. Loisy appelle des » surcharges rédactionnelles ». La naissance du christianisme, p. 17 ; cf. du même, Remarques sur la littérature épistolaire du N. T., p. 85-89. Quels seraient ces blocs aberrants ? On nous en signale quatre.

1. I. Thess., ii, 1-16 : apologie personnelle de Paul pour se justifier d’allégations mensongères en rétablissant la vérité des faits. Loisy prétend que cette « apologie de Paul contre d’autres missionnaires, aboutissant à une véhémente sortie contre les Juifs persécuteurs, dans l’esprit et le style des Actes » ne saurait être qu’une interpolation. La naissance du christianisme, p. 17. — C’est mal connaître Paul que de le croire incapable de se justifier. Attaqué, il sait se défendre et même retourner contre eux les armes de ses adversaires ; témoin les épîtres aux Corinthiens et aux Galates. Pour ce qui est du ꝟ. 16 : « La colère

de Dieu est tombée sur eux définitivement », il fallait s’attendre que des exégètes nous parlent d’un parfait prophétique (sçOxasv, avec Nestlé, von Soden, Vogels, Merk, et non ëçOaxev qui fait allusion à la ruine de Jérusalem) et décident, d’après cette seule donnée, que l’épître aurait été composée après 70 ou que du moins ces versets auraient été intercalés après la défaite de Barkochébas, en 135 (il a Loisy). — Mais pourquoi ne pas prendre le passé pour un passé véritable, dénonçant l’obstination et l’endurcissement des Juifs, déjà devenus à cette époque les ennemis de l’Évangile, dispositions qui préludent, à moins de miracle, à la réprobation finale ?

2. iii, 2 6-5 a. Ces versets supposeraient une expérience assez longue des persécutions. — Il suffît de relire les Actes pour savoir que Paul connaissait déjà par expérience les souffrances missionnaires quand il écrivait cette première lettre : Antioche de Pisidie, Lystres, Philippes, Thessalonique, autant de stations douloureuses en ce long chemin de croix qui mènera Paul au martyre.

3. iv, 13-v, 11. Ici A. Loisy accumule les arguments : t morceau qui a son style propre et qui coupe violemment les conseils en cette fin d’épître ; la description apocalyptique, paraphrase consciente des textes évangéliques…, se dénonce ainsi comme postérieure à l’âge apostolique. » Ibid., p. 17, n. 2. — M. Goguel a parfaitement répondu à ces prétendus arguments, Rev. d’hist. et de philos, relig., 1934, p. 181-184 : « Que le style d’un enseignement apocalyptique, écrit-il, ait son caractère propre n’a rien de surprenant, la nature du sujet influençant toujours le style de celui qui en traite (p. 184). Pour les parallèles avec les Synoptiques, nous y reviendrons plus loin en traitant spécialement des rapports entre saint Matthieu et saint Paul en ces deux premières épîtres.

4. Enfin le bloc v, 12-24 supposerait « une vie de communauté bien plus avancée que ne pouvait l’être celle du groupe chrétien de Thessalonique en la troisième année de son existence ». Loisy, Remarques…, p. 88. — Mais les Actes ne nous représentent-ils pas la première communauté de Jérusalem, dès le début, aussi bien unie que celle de Thessalonique ? Et pour répondre ad hominem, puisqu’ils figurent dans YApostolicon de Marcion, les t. 19-20 ne sauraient être l’œuvre d’un faussaire écrivant, comme le veut Loisy, après la défaite juive de 135.

Analyse.

Encore moins que les épîtres ultérieures,

cette première épître n’est pas un traité didactique, composé d’après un plan rigoureux. Nous n’y trouvons même pas les deux grandes sections habituelles à l’Apôtre : la partie dogmatique et la partie parénétique. Plutôt qu’une dissertation, cette lettre est une causerie sur des sujets divers. Elle n’est qu’une « prédication à distance » dont « l’originalité se trouve précisément dans ce caractère pratique. Elle a été écrite d’une seule haleine et il n’y faut chercher ni organisation savante, ni division logique ». Sabatier, op. cit., p. 97-98. Les mêmes remarques vaudront pour l’analyse de la seconde lettre.

Dans l’Introduction (i, 1), Paul s’adjoint, comme d’ordinaire, quelques collaborateurs, ici Silvain, le Silas des Actes (xv, 22-27, 40 ; xvi, 19 ; xvii, 4, 10, 14 sq.), et Timothée. Le premier mot de l’Apôtre est un cri de reconnaissance qui prélude à la grande action de grâces, i, 2-in, 20. Action de grâces pour l’accueil enthousiaste fait à l’Évangile, 2-10, pour le succès des prédicateurs, ii, 1-12, malgré la propagande ennemie ; pour les fruits de l’Évangile, ii, 13-16 ; pour la mission de Timothée. ii, 17-ni, 13.

Si rapide qu’ait été le passage de Paul à Thessalonique, la morale chrétienne a été exposée dans tous ses éléments essentiels. Saint Paul n’insistera sur