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THESSALONICIENS ( I re ÉPITRE AUX)

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Marcion lui-même a, dans son catalogue des livres canoniques, les deux épîtres aux Thessaloniciens. Enfin le canon de Muratori porte : Ad Thessaolenecinsis… verum Corinlheis et Thessaolecensibus pro correbtione iteretur (lignes 53, 54, 55). Cette première épître était également reçue dans la vieille version latine, la version copte et la Peschitto.

2. Témoignages internes.

Cette authenticité est confirmée par la critique interne. En ce qui concerne le vocabulaire, Milligan, St. Paul’s epistles to the Thessalonians, 1908, introd., p. lii-liv, a constaté que, sur les 460 mots que comprennent les deux épîtres, il y a vingt-sept cinccE, "kzy6{j.z>a. du N. T., dix-sept pour la première, dix pour la seconde ; soixante-cinq expressions familières à saint Paul et qui se retrouvent dans les grandes épîtres, Rom., Gal., I et II Cor., dont l’authenticité n’est.pas discutée ; ainsi : èv cpiXïjpiaTi. àyicp ; 7repi.7TaTeïv àÇtcoç toû Qeoû ; sZvou cùv Kupico. Le même philologue signale vingt-sept autres mots qui ne sont employés que par saint Paul dans les autres épîtres et il conclut en disant que le vocabulaire ne peut être plus paulinien. Le style ne l’est pas moins, à tel point qu’on a attribué cette lettre (p. ex. Baur) à un plagiaire qui aurait fait ici un centon à l’aide des autres épîtres. C’est bien le style à la fois torrentueux et plein de digressions, profond et imagé de saint Paul. « Les émotions intimes que trahit cette lettre, écrit Godet, les effusions pleines de tendresse qui la caractérisent, ces réminiscences si vives d’un temps marqué par les faveurs du Ciel toutes extraordinaires, ces expressions d’une sollicitude toute paternelle pour de jeunes Églises exposées déjà à de si rudes épreuves de la part de leurs compatriotes, ces recommandations si parfaitement appropriées à la situation d’une Église naissante, placée au milieu d’une grande ciié païenne, commerçante et corrompue, ces encouragements à la constance dans la foi, au milieu de la souffrance, ce sont là des accents inimitables qu’il est impossible d’attribuer à la plume d’un faussaire des temps postapostoliques. » Introduction au X. T., t. î, p. 179.

Caractères littéraires.

Pour bien comprendre les

épîtres aux Thessaloniciens, il est nécessaire de rappeler que ce sont les premiers écrits de l’Apôtre. Nous ne manquerons pas au respect dû à ce grand génie cl a ce grand cœur en disant que, visiblement, Paul se fait la main et qu’il ne l’a pas encore entièrement faite. C’est déjà lui, mais moins parfaitement. Il n’est pas encore en pleine possession de son génie littéraire. Il tâtonne, il cherche ses formules et parfois il les trouve, mais on s’aperçoit que ce n’est pas sans effort. Il amorce ses développements ; on les sent en élaboration, prêts à venir, mais, sauf les remarquables exceptions de la parousie et de l’Adversaire, il les esquive] ne sacbanl pas profiter de l’occasion offerte, ce qui est toujours l’indice d’une incomplète maturité d’esprit. Le génie est en pleine formation ; les chefsd’œuvre se pressentent. Cette constatation nous met à l’aise pour avouer certaine gaucherie de fond et de forme : manque de variété dans les transitions, fréquence « les un in. —, expressions et tournures, rappel uniforme des souvenirs. Elle nous permet surloul de mieux entendre ces brèves allusions à une doctrine complexée ! très belle qu i sera développée à sou bail dans’ilres ultérieures. Plus tard la phrase ne scia pas,

<>u.i peine, davantage chargée, articulée, Imbriquée ; il nous faut déjà user d’indulgence pour légitimer ces Incorrections, el d’artifice pour les rendre le moins mal qu’il se peut en notre langue m exigeante. Et déjà ce langage magnifique se pare d’une majesté et d’une redondance qui, au prix de nombreuses difficultés vaincues, est du plus bel effet.

L’un de ses procédé) habituel, , auquel ou n’a nicT. ni. i iii’.ol. CATHOL

toujours prêté l’attention qu’il mérite, est la synonymie des expressions, mieux encore la convergence de plusieurs membres de phrase, s’essayant à rendre une réalité complexe, ce que nous avons appelé en notre Commentaire, faute d’une expression plus adéquate, la loi de deux en un ou de trois en un, les grammairiens diraient hendiadis ou hendialris. En voici quelques applications : I, ii, 3 : « Au souvenir des œuvres de votre foi, des travaux de votre charité. » Pratiquement, les œuvres de la foi se confondent avec les travaux de la charité. — iv, 16 : « Le Seigneur en personne, au signal donné, à la voix de l’archange, au son de la trompette divine, redescendra du ciel. » Ces trois détails ont même signification : le signal divin est l’idée générale ; il consistera en une voix d’archange, résonnant dans une trompette (hendiatris). — De même dans II Thess., i, 5 : « Indice du juste jugement de Dieu et que vous serez jugés dignes du royaume de Dieu. » Les persécutions présagent le juste jugement de Dieu qui les récompensera un jour, c’est la pensée générale ; d’une manière plus précise, grâce à elles, les néophytes de Thessalonique seront jugés dignes du royaume de Dieu. — II, iii, 6 : « Tenir à l’écart tout frère qui s’abandonne à la paresse, sans suivre la tradition que vous avez reçue de nous. » La paresse se confond ici avec l’infidélité à la tradition (hendiadis).

Un autre procédé littéraire, bien paulinien aussi c’est l’enallage personæ, figure qui consiste dans l’emploi d’un temps, d’un mode, d’un nombre, d’un genre pour un autre. Elle résulte de cette tendance, habituelle aux orateurs et prédicateurs populaires, à se mettre en scène au lieu et place de leurs auditeurs. L’exemple le plus célèbre est celui de I, iv, 15, où l’auteur se met par figure au nombre des survivants lors de la parousie : « Nous, les vivants, les survivants lors du retour du Seigneur, nous ne devancerons pas ceux qui sont morts. » Mais, un peu plus loin, il envisage l’hypothèse contraire, toujours en se mettant personnellement en scène, toujours à la première personne du pluriel : « Dieu ne nous a pas destinés à la colère, mais à l’acquisition du salut par Notre-Seigneur Jésus-Christ, lui qui est mort pour nous, afin que, vivants ou morts, nous vivions ensemble avec-lui. » v, 9-10. « Vivants ou morts », l’un ou l’autre au choix. Il n’était donc pas tellement sûr d’être vivant ! — Autres exemples du même procédé : « Nous ne sommes ni de la nuit ni des ténèbres » v, 5 ; « Nous qui sommes du jour. » v, 8. La même figure se retrouve avec, la même hardiesse, I Cor., xv, 51 : « Nous ne mourrons pas tous, mais tous nous serons changés… »

Tous ces procédés littéraires sont d’un usage courant chez les auteurs profanes : nous avons intérêt à les reconnaître même dans les œuvres sacrées.

<i° Paul et les Actes de Luc. — A. Sabalicr écrit avec raison qu’on n’affirmera jamais suffisamment « avec quelle facilité [ces] deux lettres viennent s’enchâsser dans le récit que les Actes nous ont conservé du second voyage missionnaire, et dans quelle harmonie constante elles se trouvent avec lui ». L’apôtre Paul, 1° éd., p. 95. il arrive même que Paul complète les récits de l’historien Luc. Celle épttre nous en donne un exemple remarquable que nous avons spécialement étudié ; cf. Un cas de syllepse historique, dans Rev. bibl., 1936, p. 66-71. Rappelons brièvement les faits. D’après saint Luc, Paul. Silas et Timothée se retrouvent à Bérée après leur expulsion de Thessalonique.

Aot., xvii, lo, i H5. Obligé encore de s’éloigner do la ville, Paul y laisse s -s deux collaborai cuis, a ec l’ordre cependant de le rejoindre le plus loi possible. <-. 15. On curait qu’il les attendit vainement à Athènes, t. 16. Quelque diligence qu’eussent faite Silase’Timothée, il semblerait qu’ils ne le rejoignirent qu’à Corinthe. xviii, 5. Comment concilier ces faits, avec le récit

l.

. 19.