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THESSALONICIENS ( I™ ÉPITRE AUX)


pas grever cette communauté, pauvre sans doute. I Thess., ii, 3. Ils eurent surtout à se défendre des Juifs récalcitrants qui se liguèrent contre eux et qui n’hésitèrent pas à soudoyer de mauvais sujets, de ces gens qui ne vivent qu’en eau trouble et que Démos-Ihène appelle des piliers d’agora, mpi.zciy.iJ.iy. iyopôç ; Luc, lui, les appelle des àyopaîot, terme que Milligan traduit par the laizaroni oj the market-place et dont le français voyou rendrait assez bien l’ctymologie. Ces gens-là représentèrent les missionnaires comme des séditieux, des ennemis de César. Quand la fermentation fut jugée à point, les meneurs vinrent chez Jason, un Juif de race, l’hôte de Paul. L’Apôtre avait-il été prévenu ? On ne le trouva pas. À son défaut, la populace se saisit de Jason qu’elle traîna devant les politarques et qui ne fut relâché que sous caution : on exigea le départ des missionnaires. L’Apôtre ne voulut pas compromettre son hôte. I) décida de partir ; mais comme les adversaires étaient encore capables d’un guef-apens, les frères firent sortir de nuit Paul et Silas et se hâtèrent de les conduire à Bérée, où la bonne nouvelle fut écoutée avec plus de faveur.

Ces événements se passaient durant le deuxième voyage apostolique de saint Paul que, avec la majorité des historiens et des exégètes. nous plaçons approximativement entre 50 et 52. C’est dans le courant de l’an 50, quelques mois après son départ de Jérusalem, que Paul dut évangéliser ïhessalonique.

IL Introduction a la première épître. — 1° État de ta chrétienté de Thessalonique après te départ de saint Paul. — La tranquillité ne revint pas dans l’Église de Thessalonique avec le départ des missionnaires. Saint Paul témoigne lui-même, I Thess., ii, 14, qu’elle evt beaucoup à souffrir, car les Juifs qui avaient poursuivi l’apôtre jusqu’à Bérée, Act., xvii, 13, retournèrent leur haine contre les néophytes. Les frères étaient-ils assez trempés dans la foi pour résister longtemps aux louches manœuvres des agitateurs ? Leur instruction et leur organisation avaient été hâtives. Ces préoccupations ne laissèrent point de repos à l’Apôtre durant son séjour de plusieurs mois à Athènes. À deux reprises au moins, il songea à retourner à Thessalonique, mais les deux fois « Satan l’en empêcha ». I Thess., ii, 18. N’y tenant plus, il n’hésita pas à lui envoyer son jeune collaborateur Timothée, préférant s’exposer lui-même aux inquiétudes et à l’abattement dans lesquels le plongeait toujours l’absence de ses chers compagnons. I Thess., iii, 1-2.

C’est à Corinthe que, sa mission accomplie, Timothée rejoignit son maître. Act., xviii, 5. Dans l’ensemble les nouvelles qu’il lui rapportait de la chrétienté étaient excellentes. Les néophytes avaient résisté à la violence de l’attaque et même ils s’étaient fortifiés dans la foi. l’espérance et la charité. Partout on faisait l’éloge de leurs vertus, et on pouvait les citer en exemple à côté des saints de Judée, ii, 14. Autre consolation bien douce au cœur de l’Apôtre : malgré les insinuations malveillantes colportées contre lui, ii, 3-12, leur affection restait intacte et son retour était vivement désiré, m, 6. Il y avait cependant des ombres au tableau. Ces païens d’hier, vivant en cette capitale de luxure et de richesse, n’étaient peut-être pas entièrement affranchis de leur anciennes habitudes. Mais surtout, quelquas frères étant morts depuis le départ des missionnaires, les survivants s’allligeaient à leur sujet : les défunts ne seraient-ils pas privés des avantages du retour ou de la parousie du Christ ? Et puis, à quoi bon travailler, à quoi bon s’adonner aux affaires, s’il n’y a plus que quelques jours à vivre ? Plusieurs fidèles, pour des raisons eschatologiques, faisaient une grève indécente de tout travail manuel, au vu et au su des païens, qui s’en prévalaient pour tourner en ridicule

cet Évangile qui érigeait en vertu l’oisiveté. C’était un beau scandale,

Occasion et but de la lettre.

Une telle déviation

exigeait une correction immédiate. L’Apôtre se mil aussitôt en devoir de dicter les réponses fermes qui devaient combler les lacunes d’un enseignement rudimentaire et, tout d’abord, corriger cette fausse notion sur les désavantages des défunts au jour de la parousie. Tel est sans doute le but principal de l’épître. Mais, avant d’aborder les points délicats, l’auteur, fin psychologue et surtout père affectueux, laisse déborder sa tendresse. Ces premières pages nous initient à la manière épistolaire de l’Apôtre, qui écrit non seulement avec son génie dogmatique, qui est créateur, non seulement avec son zèle, qui est de feu, mais avec toute son âme, où se pressent tous les sentiments humains et d’où ils voudraient s’échapper tous à la fois.

Lieu et date de composition.

Les exégètes s’accordent

pour dire que cette première lettre fut écrite de Corinthe, peu après le retour de Timothée. La suscription de certains manuscrits laisserait croire qu’elle fut envoyée d’Athènes. Plusieurs Pères et quelques modernes, il est vrai, l’admettent, mais cette note finale provient d’une fausse interprétation de iii, 1 ; d’ailleurs il est bon de rappeler que ces suscriptions sont l’œuvre de copistes plus ou moins intelligents. Cf. Revue biblique, 1926, p. 161. Comme Timothée semble être revenu au début de la mission de Corinthe, Act., xviii, 3, on fixera avec grande probabilité l’épître à la fin de 50 ou au début de 51.

Notre chronologie est basée sur la célèbre inscription de Delphes, publiée en 1905 par Bourguet. Elle établit que Gallion arriva à Corinthe comme proconsul d’Achaïc la douzième année du règne de Claude, soit aux environs du printemps 52. La rencontre de Paul et du proconsul dut avoir lieu dès les premières semaines de son séjour, vers avril-mai. Et comme, à cette date, l’Apôtre se trouvait à Corinthe depuis déjà dix-huit mois, Act., xviii, 11, il y était arrivé à la fin de 50. Hennequin, Delphes (Inscription de), dans Dicl. DibL, Suppl., t. ii, col. 368-370.

Authenticité.

Si l’on excepte quelques rares critiques,

les rationalistes extrêmes de l’école hollandaise (Naber, van Manen, Pierson) et, en Allemagne, à la suite de C. Bauer, Holsten et Steck (Suisse de langue allemande), l’authenticité de cette épîlre ne fait pas de difficulté. Aujourd’hui nous pouvons dire que tous les indépendants sont sur ce point d’accord avec les catholiques. CitonsBornemann (1894), Julicher (1894), Lightfoot, Zahn (1906), Wohlenberg (1909), Milligan, Mofîatt. Findlay et enfin Frame (1912), qui dit qu’aujourd’hui on reconnaît l’authenticité de cette épître ; que seul la contestera, qui se refuse à admettre l’existence même de saint Paul ou à croire qu’aucune de ses lettres ne lui ait survécu. The epistles oj S. Paul lo the Thessalonians, dans The international critical Commentarꝟ. 1912, p. 37.

1. Témoignages externes.

Il ne faudrait peut-être pas trop appuyer sur les citations implicites de cette lettre que nous retrouvons dans les premiers écrits tels que la Didaché (xvi, 6, 4) ; saint Ignace († 105), dans Eph., x, 1 ; Rom., ii, 1 ; saint Polycarpe, vers 110-151, dans Phil., n et iv ; l’Épitre de Barnabe, entre 86 et 115 (15) ; le Pasteur d’IIennas, vers 150, dans Vis., iii, 9 ; car « tout se réduit à deux ou trois similitudes purement verbales, quelquefois même à des rapprochements inexacts ». Toussaint, t. i. p. 98 ; pour une confrontation plus rigoureuse des textes, cf. Vosté, p. 31-33. Mais il faut retenir les témoignages formels de plusieurs Pères : saint Irénée (180) qui cite une fois clairement Aposlolum… in prima epislola ad Thessaloniccnces (Cont. hær., Y, vi, 1), Tertullien, Clément d’Alexandrie, Origène, Eusèbe ; l’hérésiarque