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THÉOSOPHIE

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réclamer comme son bien exclusif », en s’attribuant, d’autre part, la mission et le pouvoir d’illuminer les Écritures sacrées par la révélation de leur sens secret, la théosophie s’offre à ses adhérents comme supérieure à toutes les croyances religieuses. Elle apporterait, en effet, une gnose, où ces croyances trouveraient leur fondement, et une exégèse rendant intelligibles les mystères voilés sous le symbole des textes sacrés. Elle serait ainsi la doctrine destinée à remplacer dans un avenir plus ou moins proche toutes les religions. Il importe donc de mettre en lumière les enseignements théosophiques pour montrer combien sont peu justifiées les prétentions de leurs inspirateurs. Cette constatation peut se faire en étudiant spécialement ces enseignements dans leurs rapports avec ceux du christianisme. Ce qui distingue avant tout les premiers des seconds, et ce qu’il convient de ne point perdre de vue dans ce rapprochement des doctrines, c’est l’exclusion systématique de toute idée d’un surnaturel existant. Or, le surnaturel n’est-il pas à la base des religions que la théosophie aspire à remplacer ?

1° La théosophie et sa conception panthéiste de Dieu.

— C’est tout d’abord dans sa conception de Dieu que la théosophie s’oppose à notre conception chrétienne d’un Dieu personnel, créateur et père de Jésus. Ce Dieu-là est considéré par les théosophes comme « un tissu de contradictions et une impossibilité logique ». Aussi, ’disent-ils, « ne voulons-nous avoir rien à faire avec lui ». The Key to Theosophy, p. 42. L’aveu ne peut être plus net ; il est confirmé par cette déclaration d’un théosophe américain, Olcott, mettant au défi ceux qui lui reprochaient sa foi en un Dieu personnel d’apporter un seul mot à l’appui de cette accusation. Religion and occult Science, note, p. 38.

Les théosophes rejettent toutefois l’épithète d’athées, puisqu’ils affirment leur croyance « en un Principe divin universel dont tout procède et dans lequel tout sera résorbé à la fin du grand cycle de l’Être ». Nous sommes donc ici en plein panthéisme. C’est le fait que souligne Mme Annie Besant dans sa déclaration que « la théologie en matière religieuse est panthéiste ». Why I became a theosophist, Londres, 1891. Dieu est Dieu et tout est Dieu : « La vie divine c’est la présence de l’esprit dans tout ce qui existe, dans l’atome comme dans l’archange. Ce grain de poussière cesserait d’être si Dieu en était absent. Ce Séraphin sublime n’est rien qu’une étincelle du feu éternel qui est Dieu. » Nous reconnaissons ici, dans la conception de cette « Déilé » théosophique, l’émanatisme des sources indiennes.

Une confusion résultant d’une terminologie analogue pourrait néanmoins se produire dans certains esprits qui, trompés par des apparences, croiraient de ce fait retrouver dans la doctrine théosophique une réplique de la Trinité chrétienne : Père, Fils et Saint-Esprit. Mais, d’un côté comme de l’autre, les mots employés pour exprimer la manifestation de la divine Trinité ne répondent pas aux mêmes réalités. Les trois personnes divines du mystère chrétien ne sont dans la doctrine théosophique autre chose que des forces impersonnelles groupées en triades empruntées à la trimourti hindoue ou à une sélection de dieux helléniques, des vocables pour désigner les notions de cause, d’énergie et de matière. Cette trinité n’a donc rien de commun que le nom avec notre Trinité chrétienne.

Le Christ des théosophes.

Tout ce que le christianisme

nous enseigne sur la personne de Jésus-Christ fils de Dieu, médiateur unique entre son Père et les hommes et Rédempteur, toute cette dogmatique qui constitue le fondement de notre foi ne rencontre que négation ou déformation de la part des théosophes dirigeants. Pour eux, le Christ clôt la liste de ces grands

initiés dont M. Edouard Shuré a esquissé l’histoire : Rama, Krishna, Hermès, Moïse, Orphée, Pythagore, Platon. Mais le témoignage des évangiles touchant l’existence historique elle-même du divin Rédempteur est pratiquement sans valeur, au dire d’Annie Besant (Déclaration faite à Calcutta le 24 mars 1911). Sleiner n’est pas moins catégorique dans sa négation. « On ne peut, afflrme-t-il, absolument rien tirer des sources sur la personne de Jésus » (Déclaration faite à Carlsruhe le 3 octobre 1911). Dans ces conditions, tout théosophe peut se faire l’idée qu’il veut du fondateur du christianisme. Mme Besant s’y emploie d’ailleurs avec une fantaisie et une exubérance d’imagination que facilite son dédain des témoignages historiques et d’une science exacte. Elle invente un Christ prétendu historique, qu’elle distingue du Christ a mythique », Dieu solaire, et du Christ « mystique », symbole du développement de l’initié, et le fait naître en 105 avant notre ère. Elle s’en sert comme du jeune Krishnamurti pour en faire un parfait occultiste, qui payera de sa vie son dévouement à la cause ésotérique, et dont l’influence sur ses disciples s’exerça durant cinquante ans au moyen de son corps astral. Et, pour (.ompléter ce roman théosophique, Steiner propose, comme nous l’avons rappelé, de voir dans le Christ « une réincarnation et un symbole de Mithra et de Dionysos ». Von Jésus zu Christus, p. 19. Quant à l’œuvre rédemptrice du Christ nous verrons plus loin comment elle est battue en brèche par la morale théosophique. Mais il importe auparavant de rappeler tout au moins sommairement la place que l’homme tient dans cet univers « créé par l’émanation du grand souffle de l’Unité ». A. Besant, Introduction à la théosophie, p. 21.

L’homme et ses corps.

La psychophysiologie

théosophique ne s’accorde guère mieux que sa théodicée avec la doctrine chrétienne pour nous expliquer la nature de l’homme. Sur cette nature le christianisme comme le spiritualisme nous apportent ces simples données : l’homme est un être composé d’un corps mortel et d’une âme immortelle. La conception émanatiste de la substance humaine est infiniment plus complexe pour le théosophe. Ses instructeurs s’autorisent des prétendus résultats de leurs observations personnelles pour affirmer : 1. que l’homme est un esprit pur qui se manifeste dans ce qu’on est convenu d’appeler l’âme, c’est-à-dire dans l’intelligence, l’émotion, l’activité ; 2. qu’il possède un ou plus exactement plusieurs corps, ses véhicules et ses instruments, dans les divers mondes du vaste univers d’où ils tirent les noms sous lesquels ils sont désignés dans la terminologie théosophique. Ces mondes que les théosophes appellent encore des « plans » ne sont pas séparés dans l’espace, ils sont tous à la fois en notre présence et représenteraient des degrés différents parmi les agglomérations de la nature.

S’il faut en croire les inventeurs de cette psychophysiologie, l’homme existerait dans plusieurs de ces mondes, mais ne connaîtrait normalement que le plus bas d’entre eux : le monde physique. Comment les autres se révéleraient-ils à lui ? Dans les rêves et dans l’hypnose. En correspondance avec ces mondes imaginaires, le corps dit physique, constitué par des cellules ou agrégats atomiques imperceptibles à l’œil nu mais visibles au microscope, ce corps appartenant à notre monde inférieur ou physique fonctionnerait dans une région de l’univers appelée « plan astral », d’où il tirerait avec son nom sa force vitale, grâce à l’enveloppe de substance astrale qui recouvre ses atomes. La communication aurait lieu quand l’homme se sépare de son corps physique, ce qui se produirait automatiquement pendant le sommeil et volontairement à la suite d’un entraînement spécial. Le corps astral dégagé des