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THÉOSOPHIE


cependant, deux ans plus tard, à obtenir la réintégration dans la secte de cet indésirable instructeur dont le concours lui paraissait indispensable. Entre leurs mains le jeune Hindou baptisé du nom poétique d’Alcyone devint un jouet assez malléable pour être présenté comme Maître et Messie aux hommages des théosophes. Pour authentifier la merveilleuse carrière de ce nouveau Messie et assurer le succès du rôle qu’on voulait lui faire jouer, Leadbeater rédigea des mémoires qui lui furent attribués et publiés sous ce titre : Aux pieds du Maître, par Alcyone. Il corsa le faux par une biographie où étaient longuement exposées les trente deux incarnations successives de Krishnamurti, et en son honneur fut fondé l’ordre mystique « L’Étoile d’Orient ». La pente est rapide sur le chemin de la mystification, elle n’est pas moins accélérée sur la voie du ridicule. Annie Besant prit, à son tour, la plume pour décrire la préhistoire lunaire de son Messie. Il faut lire dans le curieux et très instructif opuscule du docteur Eugène Lévy, théosophe désabusé, il faut lire dans cette brochure intitulée : Mme Annie Besant et la crise de la société ihdosophique, les détails stupéfiants que renferme cette préhistoire lunaire. On est non moins édifié par la lecture d’un autre écrit signé des noms de A. Besant et de C.-W. Leadbeater : Man ; Where-Now Wilher, 1913. On y apprend (p. 34) l’origine simiesque du jeune Alcyone, d’Annie Besant et de Leadbeater eux-mêmes.

C’était vraiment faire la part trop grande à la plus basse crédulité. Des protestations s’élevèrent contre la conduite de la Société tbéosophique. Et, sous l’influence de son chef Rudolph Steiner, la section allemande qui comptait 2 400 adhérents mit Annie Besant en demeure de s’expliquer sur le compte de son Messie, au congrès qui devait se tenir à Gênes en 1911. M. lis Mme Besant fut assez habile pour faire décommander ce trop gênant congrès, elle réussit même à faire exclure de la Société théosophique toute la section allemande. Os mesures dictatoriales ne sauvèrent cependant ni le prestige d’Annie Besant, ni l’unité de la Société théosophique. Celle qui avait inventé le nouveau Messie fut partout l’objet des quolibets de la presse. D’autre pari, une scission s’opéra dans la société soumise à son obédience. Sans parler des théosophes allemands, la plupart des théosophes suisses et plusieurs loges alsaciennes, françaises, belges, anglaises et même hindoues vinrent se ranger sous la direction du maître styrien Rudolph Steiner, qui apportait à ses adhérents une nouvelle conception de la t héosophie.

4° L’œuvre de Rudolph Steiner : L’anthroposophie. — Vvec Rudolph Steiner venait de se lever un nouveau soleil au firmament théosophique, où les avatars de Mme Besant continuèrent, même au cours de la guerre l, à soulevei nombre d’orages. Par un changement de méthode et d’orientation, la théosopbie allait devenir l’anthroposophie, en descendant de l’étude du divin à celle de l’humain.

i.’docteur Rudoll Steiner, ; i la fois mystique et

occultiste, était né, en 1861, à Krutzevle en Hongrie.

D’une nature grave et concentrée, il se sentit attiré

ie du culte catholique et la

profondeur des m-, ligicux. Ses biographes

Mai assurent qu’il avait le don inné de voir les

I mi lui grandissait une volonté silencieu

iblc, celle de se rendre maître des choses par

l’hit’I quinze ans, Rudoli Steiner

fil la coni l’un savant botaniste, de passage

n pays, qui l’initia à la connaissance des vertus

occultes du monde végétal et du double courant’lotion et din volul ion qui constituerait le mou

du monde. Ce n’était pas encore le

maître qu’il cherchait, mais, à dix-neuT ans, i

IHf.T. 1.1 i-ll, .

aspirant aux mystères rencontra son véritable guide dans un homme inconnu de ses contemporains et soucieux lui-même de garder un incognito qu’il regardait comme la condition de sa force. Ce guide, très instruit de la tradition occultiste, n’eut plus de peine à compléter l’éducation de son jeune disciple en lui révélant par un enseignement oral les secrets de la synthèse ésotérique des religions et des forces spirituelles. Dix ans d’études et de préparation technique permirent à Rudolf Steiner de prendre le grade de docteur en philosophie et d’achever son initiation aux pratiques de l’occultisme (1881-1891). À cette période en succéda une autre, de dix ans également, qui fut pour lui un temps de luttes et de controverses dues à l’originalité de ses idées (1891-1901). La maîtrise qu’il s’était acquise lui fit un grand renom dans le monde théosophique. Il fut ainsi appelé à relever le drapeau de la Société théosophique. Il lui apportait un esprit et des enseignements nouveaux résumés dans sa doctrine de l’anthroposophie.

Sous ce vocable, il faut voir tout d’abord un renversement dans la conception théosophique de l’occultisme. L’homme n’est plus invité à « la recherche des vérités et des pouvoirs supra-sensibles, qui trop souvent lui fait perdre son équilibre en le détournant avec mépris de ses devoirs sociaux ». Ce n’est pas, en effet, nous dit-on, « dans la passivité ni dans l’intervention d’une mystérieuse puissance venant d’en haut que l’homme peut développer sa clairvoyance et les pouvoirs supérieurs qu’il recèle en lui-même ». C’est, au contraire, en s’astreignant aux méthodes et à la pratique de certains exerciees, que le Maître Steiner recommande, qu’il s’agit d’éveiller les forces occultes. « L’activité intérieure de l’occultisme est solidaire de l’activité normale de nos facultés intellectuelles et autres. » Là est son sol nourricier. Et Rudolf Steiner ne craint pas de proclamer que « la théosophie perd son originalité et son caractère propre si elle ne s’appuie pas sur la base scientifique de l’expérimentation ».

Le maître styrien complète ce nouvel enseignement théosophique de l’occultisme en le ramenant des sources et traditions indiennes, où il se cristallisait sous l’influence de Mme Blavalsky, aux sources et traditions occidentales, c’est-à-dire chrétiennes. Sans prétendre infirmer la foi des théosophes européens qui. par tempérament et par conviction, regardaient le Bouddha comme « l’initié supérieur et parfait », Rudolf Steiner se fit le théoricien du christianisme ésolérique, comme plus apte à pénétrer dans les esprits occidentaux que les idées des philosophes de l’Inde. On doit d’ailleurs tenir compte de ce fait que < le monde actuel tourne autour du Christ comme autour de son axe et que toute l’évolution historique s’opère sous son signe et son esprit ». Désireux toutefois de ne briser aucune idole, Rudolf Steiner propose de voir dans le Christ une réincarnai ion et une synthèse de Mit lira et de Dionysos. Von Jésus zu Christ us, p. 12.

On trouvera dans les deux grands ouvrages du maître styrien, traduits en français : Le mystère chrétien et les mystères antiques, et L’initiation ou la connaissance des mondes supérieurs (Publications théo tophtqtles, Paris 1909), le développement des Ihéo ries sleiiK Tiennes dont nous n’avons pu donner qu’une esquisse. Elles sont devenues celles de tous les philo SOpbes européens ralliés aux doctrines de Rudolf

steiner qui, malgré huis apparences scientifiques, laissent, comme nous le verrons plus loin, ti leurs lares originelles aux enseignements fondamentaux de la t héosophie.

III. I.I.S 1 NSI.M. NI.Ml S IS 1 iiiosoi’lllul I s n LA DOCTRINE CHRÉTIENNE, In se présentant, de nos

jours, comme « la somme des vérités qui forment la base de toutes les r< Il ions et qu’aucune d’elles ne peut

T. —XV.

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