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tout pendant la guerre de 1914-1918, leur attira une foule d’adeptes meurtris par des deuils cruels et alléchés par les consolations qu’ils comptaient retirer de leur commerce avec les esprits de leurs chers disparus. Cette illusion ou plutôt ce mensonge contribua dans une large mesure à la fortune des aberrations théosophiques. Notons toutefois que, sans nier la réalité des phénomènes spirites, certains théosophes reconnaissent que « les prétendus rapports avec les esprils sont sans contrôle ». M. A. de F., La Compagnie de Jésus et la Théosophie, Paris, 1906.

II. Écoles théosophiques.

Sous leur forme actuelle les sociétés théosophiques sont d’une époque récente et rappeler leur histoire c’est rattacher leur fondation et leur développement à trois écoles ou pour mieux dire aux œuvres de deux femmes : Mmes Blavatsky et Annie Besant, complétées et rectifiées par le maître styrien Rudolf Steiner.

1° L’œuvre de Mme Blavatsky. — C’est à Hélène Petrovna de Hahn, veuve du général Nicéphore Blavalsky, que l’on doit la fondation à New-York de la première société théosophique (17 novembre 1875). Initiée aux sciences occultes par des maîtres indigènes, lors d’un voyage qu’elle fit aux Indes, douée de remarquables facultés de médium, elle ne tarda pas à conquérir en Amérique de nombreux adeptes au spiritisme et à la société qu’elle avait fondée grâce au concours apporté par un journaliste américain, le colonel Olcott. Cette société fut comme une école de sciences occultes, où Mme Blavatsky s’employa avec une ardeur inlassable à faire prédominer Fessenliel des philosophies et des religions de l’Inde qui lui tenaient particulièrement à cœur. Elle en consacra et affermit le succès par la publication de nombreux volumes qui servirent de commentaires à sa doctrine. Tels furent : Isis unveiled, 2 vol., 1875 ; The secret Doctrine, 6 vol. ; The Keyto Theosophꝟ. 1 vol., 1889 (Publications théosophiques, Paris, 10, rue Saint-Lazare).

Mais un coup cruel allait être porté à l’œuvre si imprégnée d’hindouisme dont Hélène Blavatsky était l’âme. Sous l’inspiration de sa présidente, la société théosophique de New-York crut devoir transporter à Adyar, dans l’Inde, le siège de son œuvre. C’était comme le sanctuaire où s’opéraient les merveilles des pratiques occultistes, merveilles dont nul n’aurait songé à nier la réalité. Mais une enquête scientifique dirigée sur place par la « Société des recherches scientifiques de Londres » apporta bientôt la preuve qu’on était en présence de simples jongleries exécutées par d’habiles prestidigitateurs, Proceedings o the Society for psychical research, décembre 1884 ; Report on phenomens connecled with Theosophy, p. 209-401, cité par le R. P. L. de Grandmaison. Il est des coups dont on se relève difficilement. Celui qui venait d’atteindre la Société théosophique fut encore aggravé, quand on apprit que l’un de ses vice-présidents « fabriquait de toutes pièces les messages » que des adeptes trop confiants attribuaient aux Mahalmas thibétains, dépositaires prétendus de la sagesse antique ». L’œuvre de la Société, si justement déconsidérée par cette pratique déloyale, ne pouvait guère se relever qu’en passant sous une autre direction. Une autre femme se présenta pour la sauver. C’était Mme Annie Besant.

2° L’œuvre de Mme Annie Besant. — Celle qui recueillit la succession de Mme Blavatsky, en devenant, en 1913, la présidente de la Société théosophique, était une femme d’une rare intelligence, qui portait en elle le besoin d’une activité toujours prête à se renouveler et trouvait sa force dans l’exaltation de ses sentiments, si variables fussent-ils. Son évolution religieuse rappelle par la volte-face de ses changements celle de Morus dont nous avons parlé précédemment. Élevée dans l’évangélisme le plus austère, qui loin d’étoulîer

son esprit lui permettait de s’élever à une sorte d’extase, puis mariée à un ministre anglican d’un caractère tout différent du sien, le Rcv. Frank Besanl, Annie Vood, épouse Besant, vit bientôt sa foi anglicane comme sa foi chrétienne chanceler, s’effondrer même, au point d’entraîner dans cette débâcle religieuse l’abandon de son foyer et de ses deux enfants. Ainsi dégagée de tous liens de famille et de religion et de plus en plus exaltée, cette femme est mûre pour toutes les aventures. De concert avec le célèbre athée Brudlangh, elle prêche le matérialisme et le malthusianisme le plus effrontés et complète l’œuvre de ses tapageuses conférences par la publication d’un Manuel du libre penseur en deux volumes. Dix ans se passent clans cet apostolat antireligieux. Annie Besant finit par se lasser du matérialisme. Une rencontre avec Hélène Blavatsky qui, nous dit le R. P. de Grandmaison, « la conquiert, la magnétise, l’initie », va achever et fixer son évolution religieuse. La théosophie a trouvé dans Annie Besant le génie qui dirigera et intensifiera son action. La franc-maçonnerie ne la comptera pas moins parmi ses plus ferventes adeptes en élevant SI. Annie à l’un de ses plus hauts grades.

Après avoir recueilli la succession de Mme Blavatsky à la présidence de la Société théosophique, Mme Besant accrut le prestige de son influence en se fixant dans le sanctuaire d’Adyar. C’est de ce centre religieux, de cette « maison des Sages », que rayonne son action accrue par des tournées triomphales à travers l’Europe et par de nombreux écrits comme La mort et l’au-delà ; La réincarnation : Le pouvoir de la pensée ; Des religions de l’Inde ; Vers le temple, etc. (Publications théosophiques, Paris, 10, rue Saint-Lazare, 1910).

Moins exclusive toutefois que Mme Blavatsky qui avait dilué la figure de Jésus jusqu’à un effacement presque total devant celle de Bouddha, présenté comme l’initié supérieur et parfait, elle répare le silence ambigu de la fondatrice de la Société théosophique sur la personnalité du Christ et sur la valeur intrinsèque du christianisme par la publication de son livre sur le Christianisme ésolérique. Le congrès théosophique tenu à Paris en 1906 marque le couronnement de l’œuvre d’Annie Besant, complément de celle d’Hélène Blavatsky, mais il en marque également le déclin qui sera la conséquence des fautes de celle dont le Congrès avait salué le triomphe.

3° Les fautes de Mme Besant et la crise de la Société théosophique. — Sans parler ici de la concurrence qui lui vint du docteur styrien Rudolph Steiner, Annie Besant allait trouver dans ses propres fautes un discrédit personnel qui fit un très grand tort au mouvement théosophique que son action avait porté à son apogée.

C’est ici que prend place l’histoire d’une colossale supercherie, renouvelée des diableries de Léo Taxil, et dans laquelle sombra le prestige de la grande maîtresse théosophique. Annie Besant avait rêvé, dans son imagination si souvent délirante, de présenter à l’adoration de la secte un nouveau Messie. C’était un jeune Hindou, âgé de treize ans, et qui portait le nom de Krishnamurti. Mais, pour assurer le succès de sa folle entreprise, elle fit appel au concours d’un maître réputé es sciences occultes, M. Leadbeater, qui avait reçu à Ceylan le baptême bouddhique (le pansil) des mains du grand-prêtre Sumegulu. Aucune collaboration n’était moins désirable. L’homme choisi par Annie Besant pour sa campagne messianique avait été dénoncé par le Congrès de Paris, en 1906, pour l’immoralité de ses pratiques dans l’initiation théosophique des enfants et mis en demeure, devant la réprobation unanime soulevée par ses procédés et méthodes, de démissionner de la société. Mme Besant réussissait