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THÉOSOPHIE

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présente donc bien comme une science, une étude des religions comparées. Mais la théosophie va plus loin. Si tous les membres de la « Société théosophique » doivent étudier ces vérités qui concernent Dieu et l’homme, vérités sur lesquelles la théosophie prétend apporter un enseignement complet, ceux-là seuls, nous dit-on encore, sont « des théosophes, au véritable sens du mot. qui les veulent vivre ».

Dans l’enseignement théosophique il faut donc voir autre chose qu’un syncrétisme, une synthèse des croyances religieuses, où se trouvaient autrefois confondus l’enthousiasme et l’observation de la nature, la tradition et le raisonnement, l’alchimie et la théologie, la métaphysique et la médecine, où, de nos jours, le spiritisme, la réincarnation et toutes les sciences dites occultes jouent un rôle de tout premier ordre. Le but pratique et dernier de la spéculation théosophique est de remplacer toute religion. Par quels moyens opérer cette substitution ? En ouvrant à la pensée, par un langage ordinairement symbolique, des horizons mystiques encore inexplorés, en fournissant des règles nouvelles pour la conduite de la vie « présentée sous un aspect éminemment grandiose », grâce à une adaptation plus ou moins diluée d’hindouisme et de bouddhisme au christianisme.

Et c’est ici que se révèle un nouveau caractère de cette prétentieuse doctrine : l’illuminisme, dont la théosophie n’est qu’une variété. Il y a en effet cette différence entre la théosophie et la théologie que, dans celle-ci, l’homme cherche à connaître Dieu et que dans celle-là cette connaissance lui vient par illumination. Voir Annie Besant, Le pouvoir de la pensée ; M. C, La lumière sur le sentier ; H. -P. Blavatsky, La voix du silence. En vertu de ce principe que l’entendement est le réceptacle de la lumière, l’illuminisme doit mettre l’homme en communication avec le monde spirituel, en commerce avec les esprits et lui découvrir les mystères les plus obscurs. Il faut s’entendre toutefois sur les dons particuliers provenant de cette communication avec la divinité ou avec les esprits. On nous avertit prudemment que la lumière, ne venant pas de nous, n’est destinée qu’à cette minorité de croyants que ne peuvent plus rassasier les enseignements ésotériques de leur religion, elle n’est pas donnée à ceux qui en sont pleinement satisfaits. Mais, comme le gnos-Lique des premiers siècles de l’ère chrétienne, l’illuminé ne contemple pas ce qu’il voit, mais ce qu’il ne voit pas. Il ne se doute pas qu’il n’est que la dupe d’une aberration de son propre esprit.

La Faveur que la théosophie devait trouver dans DOtre monde contemporain a fait croire à scs adeptes qui’cette doi trine se présentait à eux avec tout l’attrait d’une nouveauté. Elle n’était en réalité qu’une réédition, une adaptation de théories très anciennes à une mentalité et à des aspirations dues, comme nous le verrons plus loin, a des circonstances particulières.

I x s les premiers temps de l’ère chrétienne, le <mosticiime s’- présentait, de même que la théosophie, comme un syncrétisme de doctrines philosophiques el religieuses Fondées sur une prétendue connaissance supérieure et mystérieuse, pour conduire à la perfec lion. I.a célèbre t héoric gnosl ique des lions, êtres spirituels émanés du sein de I lieu, puis s’éloignanl du foyer divin pour se matérialiser et revenant enfin à leur point de dépari pour le rétablissement de l’harmonie primitive, cette théorie n’évoque i elle pas toutes ces m i essives de la réincarnation que les l héosophes ont tirées des sonnes indiennes et grecques. Sans rc monter an, si loin, la théosophie trouve sa place dans lions religieuses et scientifiques du xv ci du x r sic, i ( in compte parmi ses adeptes de grands

esprit, , dupes de leur imagination et d’un sentiment religieux mal compris et mal dirigé, lis uns moins

savants et plus portés vers les idées religieuses comme Paracelse, Jacob Bœhm, Gichtel, Saint-Martin, Scheiblet, d’autres plus cultivés et plus portés à la discussion comme Corneille Agrippa, Valentin Weigel, Robert Flud’, Mercurius Van Helmont, Jean Amos. Le plus célèbre d’entre eux, Valentin Weigel, laissera des ouvrages de théosophie qui firent grand bruit dans les xvie et xviie siècles. Cf. Diderot, Opinion des anciens philosophes théosophes. Le même Diderot, dans l’Encyclopédie, cite l’exemple de Th. Morus qui passa successivement de l’aristotélisme au platonisme, du platonisme au scepticisme, du scepticisme au quiétisme, du quiétismeà la théosophie et enfin à la kabale. Il nous apprend encore que l’application de la philosophie au Coran aurait engendré parmi les musulmans une espèce de théosophisme qu’il déclare « le plus détestable de tous les systèmes ». Opinion des anciens philosophes : Sarrasins II.

Les sociétés théosophiques.

La théosophie a donc

de lointains ancêtres, qui eux-mêmes auraient pu trouver des devanciers dans les pratiques théurgistes en honneur chez les derniers Alexandrins. Elle n’a toutefois atteint son plein développement que dans la constitution de ces sociétés dites théosophiques que l’on voit apparaître dans les dernières années du xixe siècle et produire, au siècle suivant, des rejetons dans toutes les parties du monde. Une statistique du mouvement théosophique, donnée en 1908 par un de ses plus notables adhérents français, M. Edouard Schuré, auteur des Grands initiés, enregistrait les chiffres suivants : 10 000 membres, 500 branches ou sections et une vingtaine de revues. La section de l’Inde, qui se recrutait surtout parmi les Hindous, s’élevait à 4 000 membres. L’Amérique du Nord en comptait 2 500, l’Angleterre 1 800, l’Allemagne 900. Mais ce dernier chiffre, grâce à l’influence du maître styrien Rudolf Stciner, était presque triplé en 1913. La société théosophique représentée en France par la revue Le lotus bleu, que dirigeait le commandant Courmes, ne compta tout d’abord qu’un très petit nombre d’adhérents qui s’accrut sensiblement à la suite des conférences faites à Paris en 1907 par Mme Annie Besant et par le docteur Rudolf Stciner. Le mouvement progressa surtout pendant et après la guerre de 1914-1918 dans un monde intellectuel toutefois assez restreint. C’est à Paris et a Nice, siège de la branche Agni, qu’il trouva peut-être, sous la direction de la comtesse suédoise Prozor, scs plus tcrvenls adhérents.

A quelles causes faut-il attribuer le développement des doctrines théosophiques et des initiations qui se pratiquaient dans les loges tenues par leurs adeptes ? Lille renaissance des erreurs gnostiques Fondée sur une prétendue tradition ésotérique tient sans doute à une connaissance élargie îles philosophies et des religions de l’Inde ; tout autan ! à la grande influence exercée par des animateurs qui croyaient pouvoir adapter les mythes hindous à l’enseignement chrétien. Mais le succès de la propagande théosophique Ment principe lement à l’Ignorance religieuse d’un trop grand nom bre de nos contemporains. Il répond a cet affaiblisse meni des croyances et des pratiques religieuses qui fut l’œuvre d’un scientisme anticlérical et de l’hyper

Critique moderniste. La théosophie se présentait

comme la synthèse de toutes les religions et impli

ment comme la plus haute religion, celle qui ne demandait que l’adhésion à la Fraternité humaine, laquelle

supposait la mise en action d’un principe divin coin

mun a tous les hommes. s, i couleUr lies prononcés d’orientalisme et d’hindouisme lui conférait le charme du mystère qui était en même temps celui du fruit défendu. La place Importante Faite d’autre pari au

spiritisme dans les loyes I heosopliiqucs. avant et sur