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THÉOPHILE D’ANTIOCHE — THÉOPHYLACTE

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désigne habituellement le Saint-Esprit. Non seulement la Sagesse est le dernier terme de la sainte Trinité, dans le texte, Ad Autol., ii, 15, que nous avons déjà cité, mais elle apparaît encore ailleurs avec le même rôle : » Dieu a fait l’univers par son Verbe et par sa Sagesse. » Ad Aulol., i, 7. On ne saurait donc accuser saint Théophile d’avoir confondu le Verbe et le Saint-Esprit. La Sagesse, pour lui, est distincte du Verbe. Du moins en est-il ainsi quand il surveille son langage. Mais, parfois, il lui arrive de parler comme si la Sagesse et le Verbe étaient une seule et même personne.

On peut rappeler à ce propos que saint Irénée identifie lui aussi la Sagesse et l’Esprit-Saint, mais d’une manière beaucoup plus régulière que saint Théophile. L’évêque de Lyon a-t-il emprunté à l’évêque d’Antioche cette manière de s’exprimer ? ou tous deux dépendent-ils sur ce point d’une tradition commune ? Le problème est loin d’être facile à résoudre, bien que l’hypothèse d’une tradition commune soit assez vraisemblable.

Parmi les créatures, l’homme occupe la première place : « Quant à ce qui concerne la création de l’homme, c’est une œuvre qui dépasse tout ce que l’homme en peut dire, bien que l’Écriture sainte la décrive brièvement. Car, lorsque Dieu dit : « Faisons « l’homme à notre image et ressemblance », il signifie d’abord la dignité de l’homme. Car Dieu, qui a tout fait d’une parole, qui a regardé toutes les autres choses comme secondaires, a regardé la création de l’homme comme le seul ouvrage qui fût digne de ses mains. Et l’on remarque encore que Dieu, comme s’il avait besoin d’un aide, dit : « Faisons l’homme à notre image et « ressemblance ». Et il ne dit : « faisons » à personne autre qu’à son Verbe et à sa Sagesse. » Ad Aulol., ii, 18. La création de l’homme est donc quelque chose d’unique ; elle suppose une sorte de délibération entre les trois personnes divines ; et il est remarquable de voir comment saint Théophile interprète de la sorte le pluriel employé par le récit de la Genèse.

Il faut ajouter que le monde a été créé pour l’homme qui en est le roi : « Dieu… a voulu créer l’homme pour être connu de lui ; c’est donc pour lui qu’il prépara le monde. » Ad Aulol., ii, 10. L’homme est libre, et il peut abuser de sa liberté pour faire le mal : nous savons déjà qu’en péchant il se rend incapable æ connaître Dieu.

Mais il y a plus. Si Théophile n’ignore pas que beaucoup regardent l’âme comme immortelle, il ne peut pas se contenter de cette doctrine philosophique et c’est à la Bible qu’il demande la solution du problème. Voici ce qu’il y trouve : l’homme dès le principe, devait être immortel ou mortel suivant qu’il obéirait ou désobéirait à Dieu. Il a désobéi et est devenu mortel. Mais Dieu, par miséricorde, lui offre encore la vie qu’il peut mériter en observant la loi. Ad Aulol., ii, 19, 27. Cette solution nous étonne un peu. On ne saurait pourtant dire que Théophile est le seul à l’avoir adoptée. Il faut d’ailleurs remarquer qu’il parle de l’homme tout entier et non pas seulement de l’âme.

Sur les autres points æ la doctrine chrétienne, c’est à peine si nous trouvons quelques indications dans l’ouvrage de Théophile. Nous sommes surtout étonnés du peu de place qu’y tiennent la personne et l’œuvre du Sauveur. La réserve de l’évêque d’Antioche sur ce point lui est commune avec les autres apologistes, à l’exception de saint Justin. Le genre apologétique, tel qu’il était alors compris, suffit à l’expliquer. Avant de faire connaître le Sauveur aux païens, il fallait bien expliquer la doctrine chrétienne sur l’unité de Dieu, répondre à leurs difficultés à ce sujet et réfuter les erreurs de l’idolâtrie ; il fallait aussi faire valoir la sainteté des mœurs chrétiennes et montrer comment les chrétiens, bien loin de se rendre coupables d’anthropophagie, d’incestes et d’autres crimes sembla bles, se proposaient au contraire la pratique des plus belles vertus. Théophile remplit exactement ce programme : il serait injuste de lui demander davantage. On aimerait connaître, avec quelque précision, les sources de la doctrine de Théophile et mesurer l’étendue de son influence. « On peut s’aider pour cela des Homélies clémentines : on y trouve l’identification de l’Esprit et de la Sagesse… Est-il téméraire de reconnaître là des traces d’une tradition orientale, syrienne ou palestinienne, où Théophile et Irénée auraient puisé ? On comprendrait d’ailleurs que, chez des chrétierts de langue syriaque ou araméenne, l’identification de l’Esprit et de la Sagesse ait été suggérée par la forme féminine des mots. » J. Lebreton, op. cit., p. 570. Loofs a poursuivi ces. recherches en dépit de leurs difficultés et avec un esprit de système que l’on ne saurait méconnaître. Il a cru pouvoir relever l’existence d’une tradition qui remonterait d’une part, sinon à saint Ignace d’Antioche, du moins à un théologien du milieu du iie siècle et qui, de l’autre aboutirait à Paul de Samosate. Cette reconstitution offre beaucoup de points faibles : elle est surtout intéressante parce qu’elle pose un problème. Il semble de plus que Tertullien a subi l’influence de Théophile : il y aurait lieu de rechercher comment cette influence a pu s’exercer sur lui et quels rapports pouvaient relier Antioche et Carthage.

Les livres à Antolycus ont été édités par dom Maran, dont le texte est reproduit par P. G., t. vi. Ils figurent également dans Otto, Corpus apologetarum, Iéna, 1861, t. viii.

A. Puech, Les apologistes grecs du IIe siècle, Paris, 1912, p. 207-227 ; J. Lebreton, Histoire du dogme de la Trinité, Paris, 1928, t. ii, p. 506-513 ; O. Gross, Die Weltentstehungslehre des Thcophilus, Iéna, 1895 ; le même, Die Gotlestehre des Tlieophilus, Cliemnitz, 1896 ; A. Pommiich, Des Apologeten Tlieophilus Gottes-und Logoslehre, Dresde, 1902 ; J.Gelîcken, y.wei griechisclie Apologeten, Leipzig, 1907 ; F. Loofs, Theophilus von Antiochien und die anderen theologischen Qucllen bei Irenàus, Leipzig, 1930 ; E. Rapisarda, Teoftlo di Antiochia, Turin, 1937.

G. Bardy.

    1. THÉOPHYLACTE##


THÉOPHYLACTE, archevêque de Bulgarie et écrivain ecclésiastique du xie siècle. — On sait peu de chose sur sa vie. Originaire de l’Eubée, où il naquit vers 1030, il fut à Conslantinople l’élève du fameux Michel Psellos, avec qui il resta toujours lié d’une étroite amitié. Il était diacre de Sainte-Sophie et prédicateur de la Grande Église quand l’empereur Michel VII Ducas (1071-1078), lui confia l’éducation de son fils Constantin. En 1078, ou au plus tard en 1090, Théophylacte fut élevé au trône archiépiscopal de Bulgarie et fut dès lors obligé de résider dans la ville d’Ochrida en Macédoine occidentale. Ses lettres témoignent du dégoût et du mépris qu’il éprouvait pour ses fidèles rustiques et malodorants. C’était une rude épreuve pour ce fin lettré et ce Byzantin raffiné que de vivre au milieu de gens encore à demi barbares. Aussi se dédommageait-il dans sa correspondance en daubant sur ses ouailles. Il aurait bien voulu revenir à Constantinople et y faire de longs séjours auprès de ses amis, mais on voit par ses lettres qu’il avait dans la capitale des ennemis très influents qui ne le lui permirent pas. On ne connaît pas exactement la date de sa mort, mais on la fixe cependant avec assez de vraisemblance à 1108, car on ne possède aucune lettre de lui postérieure à cette date.

Théophylacte a beaucoup écrit. La plupart de ses ouvrages sont d’exégèse et embrassent une bonne partie des livres de l’Ancien Testament et presque tous ceux du Nouveau. Plusieurs de ses traités furent composés à la demande de l’impératrice Marie, femme de Michel VII Ducas. L’ne édition générale de ses œuvres a été publiée en quatre volumes à Venise (1754-1763) par Fr. Foscati, aidé de Bonaveniure