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THÉOPHILE D’ANTIOCHK

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a faites l’évêque de Lyon, de le reconstituer, au moins dans ses grandes lignes. Cette hypothèse n’a généralement pas rencontré beaucoup de crédit parmi les historiens. De fait, elle s’appuie sur des arguments fort ténus et ne mérite pas confiance. Au plus, faut-il reconnaître que Loofs a eu le mérite de retenir l’attention sur les sources de saint Irénée, aussi bien celles de sa pensée que celles de son ouvrage contre les hérésies.

4° Sur les histoires, Ilepi loTopioiv. Cet ouvrage historique serait particulièrement précieux à connaître. Peut-être était-il un essai de chronologie, assez analogue à celui que saint Hippolyte devait entreprendre au début du iiie siècle.

5° Des ouvrages de catéchèse destinés à l’instruction des fidèles ou des catéchumènes. On songe naturellement ici à la Démonstration de saint Irénée. Ici encore, la perte de ces livres est regrettable, étant donné le très petit nombre d’ouvrages anciens de ce genre qui nous sont parvenus.

6° Des commentaires sur les Proverbes et sur les Évangiles, signalés par saint Jérôme, De vir. ill., 25. Ces commentaires ont aussi complètement disparu. En 1575, Marguarin de La Bigne a édité à Paris sous le nom de Théophile un commentaire des Évangiles, qui est reproduit par Otto, Theophili comme nlariorum in sacra quatuor Evangelia libri quatuor, dans le Corpus apolog., t. viii, p. 278-324. Zahn a cru pouvoir démontrer que ce commentaire était authentique, au moins dans son ensemble, Forschungen zur Geschichle des N. T. Kanons, t. ii, 1883 ; mais il a été réfuté par Harnack, Texte und Untersuchungen, t. i, fasc. 4, Leipzig, 1883, p. 97-176. On s’accorde à voir dans ce commentaire une compilation qui daterait de la fin du v c siècle et qui proviendrait du sud de la Gaule. Cf. H. Quentin, dans Revue biblique, 1907, p. 107 sq.

7° Saint Jérôme, Epist., cxxi, 6, 15, signale sous le nom de Théophile une harmonie évangélique dont nous ne savons rien.

La valeur littéraire et philosophique de saint Théophile a été très diversement appréciée. Tixeront lui témoigne beaucoup de faveur : « Inférieur à Justin et à Athénagore en profondeur philosophique, il leur est supérieur en culture littéraire étendue et variée. Sa manière est vive, imagée, originale ; son style est élégant et orné. Il avait beaucoup lii, mais ses lectures n’avaient étouffé en lui ni la réflexion ni les vues personnelles. » Patrologie, Paris, 1919, p. 58. Par contre, Puech se montre très sévère pour lui : « L’ouvrage de Théophile n’a qu’une médiocre valeur… Je ne me sens aucune tentation de défendre ce bavard superficiel, chez qui le style et le vocabulaire rivalisent de pauvreté avec la pensée… Ce Tatien sans ta.ent qu’est Théophile ne mérite en somme par lui-même que peu d’intérêt. » Les apologistes grecs, p. 210.

La vérité semble bien être entre les deux extrêmes. Saint Théophile n’a pas l’ardeur, la verve, l’ironie d’un Tatien, il n’a pas davantage la culture philosophique d’un saint Justin et ne s’intéresse guère aux grands problèmes métaphysiques. Sa culture générale est de seconde main. Il a consulté plus volontiers les florilèges que les ouvrages originaux et, lorsqu’il se mêle de chronologie, il se contente d’apporter, sans essai de contrôle, les dates qu’il a trouvées ici ou là. D’ailleurs, il écrit mal et il ne sait pas composer un ouvrage. Il va un peu au hasard plutôt qu’il ne suit un plan déterminé ; il se laisse aller à des digressions et la clarté est trop souvent chez lui la rançon de l’inexactitude. Mais il rachète en partie ses défauts par sa bonne foi, par sa sincérité. Il reconnaît lui-même, Ad Aulol., n, 1, qu’il ne sait pas parler et on peut l’en croire. Bien plus qu’un sophiste comme Tatien, il est d’abord un croyant : aux argumentations subtiles de l’intelli gence, il préfère la rectitude de l’esprit et du cœur et il n’hésite pas à parler longuement des exigences morales de la foi dans un passage où sa conviction l’élève presque à l’éloquence. Il faut ajouter, et ceci est capital, que saint Théophile est un évêque. Seul dans le groupe des apologistes, il appartient à la hiérarchie ecclésiastique et se trouve par là constitué gardien de la tradition apostolique. Nulle part, il ne se targue de son titre pour se fairî valoir. Ne sent-on pas la conscience qu’il a de ses fonctions dans la timidité de telle ou telle formule, dans le" soin avec lequel il fait appel aux sources de la foi ? Nous n’avons pas à craindre de le voir innover. Et lorsqu’il emploie des termes que l’on n’a pas encore rencontrés dans les écrivains antérieurs, comme celui de Trinité, -rpiâç, sans se croire obligé de donner à leur sujet aucune explication, on peut penser qu’il ne les a pas inventés ; c’est parce qu’il les a trouvés dans la tradition qu’il les utilise si volontiers.

Ce n’est pas à dire que son langage soit toujours correct et que ses formules soient à l’abri de toute erreur. Il ne faut pas oublier que saint Théophile vit à une époque où les grands problèmes doctrinaux n’ont pas encore été posés en termes définitifs et qu’il est plus ou moins solidaire de ses devanciers. Il n’a pas aussi vif que saint Irénée le sens de la tradition ; il n’a pas surtout la vigueur intellectuelle du grand évêque de Lyon. Peut-être aussi faut-il ajouter que, écrivant pour des païens et soucieux avant tout de leur faire comprendre les enseignements de la foi chrétienne, il ne se soucie pas d’apporter dans ses exposés une précision qui leur aurait échappé. Quelques historiens ont même évoqué à ce sujet la loi de l’arcane. Il ne semble pas qu’il soit besoin de faire appel à une discipline qui ne devait pas encore être rigoureusement observée vers la fin du iie siècle et qui ne s’est développée que plus tard. Seulement, une apologie n’est pas une catéchèse : elle prépare de loin les esprits à la foi ; elle n’explique pas, un par un, les articles du symbole. Elle présente de son mieux les vérités générales sous une forme accessible et, lorsqu’il le faut, elle utilise des expressions usuelles qui ne sont pas à prendre en toute rigueur mais qui ont l’avantage d’être faciles à comprendre ou à retenir. Saint Théophile a suivi les lois du genre : peut-être si nous possédions ses autres ouvrages, en particulier celui qu’il a composé contre Marcion, n’y trouverions-nous pas les formules qui nous surprennent un peu dans les Discours à Autolycus.

IL Doctrine. — Saint Théophile insiste avant tout sur la préparation morale sans laquelle il est impossible de parvenir à la connaissance de Dieu : « Si tu me dis : Montre-moi quel est ton Dieu, je te dirai : Montremoi quel homme tu effet je te montrerai quel est mon Dieu. Montre-moi si les yeux de ton âme voient clair et si les oreilles de ton cœur savent entendre… Dieu est aperçu par ceux qui sont capables de le voir, quand ils ont les yeux de l’âme ouverts. Tous les hommes, en effet, ont des yeux, mais il en est qui les ont troubles et aveugles, insensibles à la lumière du soleil ; mais, parce qu’il y a des aveugles, il n’en résulte pas que la lumière du soleil ne brille pas. Que les aveugles s’accusent eux-mêmes et qu’ils ouvrent les yeux. Pareillement, ô homme, tu as les yeux troublés par tes fautes et tes actions mauvaises. Il faut avoir l’âme pure comme un miroir bien poli. S’il y a de la rouille sur le miroir, il ne reproduit pas l’image de l’homme. De même quand le péché est dans l’homme, le pécheur n’est pas capable de voir Dieu. » Ad Autol., i, 2.

Un tel langage surprend un peu Antolycus et l’irrite. Le païen ne peut pas ou ne veut pas comprendre que la pureté de l’âme est nécessaire pour qui désire atteindre la connaissance de Dieu. Théophile n’est pourtant pas le premier à dire ces choses et le Sauveur avait