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TANCHELIN — TANNER (ADAM]


restes d’une erreur semée par Tanchelin, on ne connut pas de meilleur moyen que de faire établir par Norbert, dans cette ville, un couvent de son ordre. C’est l’occasion de rappeler les événements en question. Plus proche encore des faits est une lettre adressée par le clergé d’Utrecht, pendant la vacance du siège, à l’archevêque de Cologne, Frédéric, pour lui signaler les agissements de ce même Tanchelin. Cette lettre se date de 1112. Texte dans P. L., t. cxxx, col. 1312, en note ; mieux dans l’édition du Codex Udalrici, n. 168, p. 296.

Ce document parle de l’activité de Tanchelin à Utrecht et dans les régions adjacentes. Celui-ci s’est fait un groupe compact de partisans, une petite armée qui s’est rassemblée autour de lui, au milieu de laquelle il se donne des allures de souverain. Sa prédication, qui a d’abord séduit le monde féminin, déclame avec violence contre les abus et même contre les privilèges spirituels du monde ecclésiastique. C’est de la sainteté des ministres, déclare-t-il, que dépend l’efficacité des sacrements et, comme trop de prêtres sont indignes, l’eucharistie qu’ils consacrent est sans valeur, les sacrements qu’ils administrent sont des souillures, non des rites de purification. Il fallait donc s’abstenir d’y participer, refuser aussi le paiement des dîmes. A l’appui de sa prédication, l’agitateur faisait valoir l’inspiration du Saint-Esprit dont il se sentait possédé. De là à passer pour une sorte d’incarnation de la divinité, il n’y avait qu’un pas et, prétend la lettre, ce pas aurait été franchi par quelques partisans fanatiques : ut quidam in eo divinitatem venerarentur. On se disputait les objets lui ayant servi ; on conservait, comme un remède, l’eau de son bain. Si on laisse de côté ces excentricités, il reste que l’action de Tanchelin à Utrecht rappelle un peu ce qu’avaient fait à Milan les premiers promoteurs de la Pataria. Voir l’article. Dans la région flamande, la lutte entre le parti réformateur et le parti impérial a été fort vive. Cf. l’art. Sigebert de Gembloux. Il n’y a rien d’étonnant à voir des partisans de la réforme ecclésiastique préconiser la grève des fidèles contre les prêtres suspects d’immoralité ; rien d’étonnant, non plus, à les entendre justifier cette abstention par des considérations dogmatiques douteuses ou même erronées. L’action de Tanchelin se situe très bien dans les milieux de la Basse-Allemagne où se multiplient, à ce moment, des attentats contre la hiérarchie ecclésiastique. Aussi bien, l’agitateur, toujours au dire de la lettre des clercs, serait-il allé à Rome même, et nous n’avons pas le moindre indice que le pape Pascal II ait procédé contre lui. D’ailleurs sa démarche en curie avait surtout un but politique : il s’agissait de détacher du diocèse d’Utrecht, pour les joindre à l’évêché français de Thérouanne, certaines régions que l’on voulait soumettre à l’autorité du roi de France.

Au retour de ce voyage à Rome, Tanchelin et un prêtre qui l’avait accompagné, avaient été retenus captifs par l’archevêque de Cologne. Les clercs d’Utrecht suppliaient le prélat de ne pas les remettre en liberté. Il faut croire que, soit ruse, soit persuasion, Tanchelin recouvra sa liberté ; on le retrouve un peu plus tard à Anvers et à Bruges. Dans la première de ces villes, l’unique curé de la cité passait pour vivre en concubinage avec une de ses parentes ; Tanchelin reprit de plus belle l’agitation contre lui. Il fut, en fin de compte, assassiné par un prêtre qui vengeait ainsi les injures faites au clergé. Ce devait être en 1115, date fournie par la Sigeberti continualio Valcellensis, P. L., t. clx, col. 383. A Anvers, l’agitation se prolongea une dizaine d’années encore ; elle ne se termina que par la prédication de saint Norbert et des siens. À ce moment les partisans, maintenant convertis, de Tanchelin vinrent rapporter les hosties consacrées (sans doute reçues de prêtres indignes), qu’ils avaient cachées.

Les sources ont été énumérées au cours de l’article. Voir aussi A. Hauck, Kirchrngeschichle Deutschlunds, 3e -4e éd., t. iv, 1913, p. 95 sq. ; du même, l’art. Tanclxelm dans Protest. Realencyclopcidie, t. xix, p. 377 sq.

É. Amann.
    1. TANNER Adam##


1. TANNER Adam, jésuite autrichien (15721632) ; le plus grand et même « le seul grand théologien d’Allemagne au xviie siècle », au dire de Scheeben, Handbuch der Dogmatik, t. i, p. 1 095. — I. Vie et œuvres. II. Caractères généraux de sa théologie. III. Doctrine de la grâce. IV. Opinion sur les procès de sorcellerie.

I. Vie et œuvres. — Né le 14 avril 1572 à Insbrûck, entré dans la Compagnie de Jésus le 6 octobre 1590, ordonné prêtre le 20 septembre 1597, Tanner a pu déclarer dans la préface du grand ouvrage qui couronne sa carrière, que depuis l’âge de vingt-deux ans « il n’a cessé de s’occuper de théologie soit comme élève soit comme professeur ou écrivain ». Il avait fait ses premières études littéraires dans sa ville natale ; puis, après une année de rhétorique à Dillingen, il avait commencé dans cette ville l’étude de la philosophie, qu’il ne devait terminer qu’en 1593, à Ingolstadt, une fois accompli, à Landsberg et à Munich, ses deux ans de noviciat. Étudiant en théologie, toujours à Ingolstadt, sous des maîtres tels que Grégoire de Valencia et Jacques Gretser, il se fait remarquer tout de suite par ses talents et ses succès. Il est même désigné, tout en continuant de suivre ses cours de théologie, pour remplacer, durant une année, le professeur d’hébreu appelé à Rome, puis pour remplir la charge de préfet des études auprès des jeunes écoliers. Dès le lendemain de son sacerdoce, automne 1597, nous le trouvons à Munich comme professeur de théologie. Il enseigne d’abord les controverses jusqu’en 1599, puis la morale jusqu’en 1603. Et déjà il est au premier rang des théologiens de son pays, comme aussi en pleine activité polémique. Au « Colloque amical » de Ratisbonne, novembre-décembre 1601, Maximilien de Bavière et le comte Philippe de Neubourg étaient convenus d’opposer les meilleurs docteurs catholiques de Bavière aux premiers d’entre les prédicants luthériens. La discussion devait rouler sur le magistère de l’Église et l’autorité doctrinale du pape. Justement, Tanner avait fait paraître en 1599, comme fruit de son enseignement sur les controverses, une thèse De verbo scripto et non scripto et de judice controversiarum. Cette circonstance le désignait pour soutenir la cause catholique. Aussi, dès la quatrième séance, le célèbre Gretser se trouvant malade et étant d’ailleurs mal préparé à résoudre les objections adverses, Tanner prit la conduite de la discussion, exigea l’argumentation en forme et, par sa science, remporta sur les adversaires un triomphe complet.

Pour le jeune professeur cette victoire eut des conséquences diverses. Ce fut d’abord qu’il dut prendre part de nouveau les années suivantes, avec son maître Gretser, aux débats pénibles soulevés par ses adversaires de Ratisbonne, débats dont il donnait en 1602 une Relatio compendiaria, et qui l’amenaient à publier l’année suivante Examen relationis quam Hunnius edidit… Mais surtout, en récompense de services aussi signalés, il se vit proclamer coup sur coup, durant la même année 1603, docteur de l’université d’Ingolstadt, professeur ordinaire de théologie, membre du sénat académique et enfin doyen de la faculté de théologie. Désormais, durant quinze années, il enseignera le dogme à Ingolstadt, non sans déployer parallèlement une multiple activité comme polémiste, prédicateur et confesseur. De cette époque datent : Dejensionis Ecclesise liberlatis libri duo contra Venelæ causse patronos, 1607, où il intervient aux côtés de Bellarmin pour défendre les privilèges canoniques de l’Église et les droits des ordres religieux ; Ketzerisch Luthertumb,