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THÉOPHANE III DE JÉRUSALEM


romaine les condamnait elle aussi et les hauts dignitaires feraient bien de se conformer à la règle qui interdit aux chrétiens de se mettre en rapport avec des excommuniés. C’était dire aux gens de Ravenne qu’ils agiraient sagement en ne s’occupant pas de ceux-ci.

Ainsi l’Église romaine faisait siennes, comme avait déjà fait celle de Constantinople. les décisions qu’avait arrêtées l’autorité de l’empereur. Celui-ci tenait, de toute évidence, à ce que ces formulaires fissent partie du protocole qui désormais réglait les détails de l’intronisation d’un pape. À l’arrivée à Constantinople du successeur de Jean II, Agapet, renouvellement de la profession de foi en question fut demandé au nouveau titulaire du Siège apostolique. Celui-ci ne put que s’exécuter, en louant la piété du prince, son zèle à promouvoir la foi orthodoxe, à assurer l’unité de l’Église et à ramener les dissidents. Tout au plus laissait-il entendre que ce n’était pas le rôle des laïques d’entrer en ces questions : non quia laïcis auctorilalem prœdicationis admillimus ; du moins donnait-il aux formules imposées par le basileus une approbation sans réserve, et confirmait-il la sentence de son prédécesseur contre les acémètes. Lettre du 18 mars 536, Jaffé, n. 898, dans la Colleclio Avellana, n. 91, p.342 sq. Vigile à son tour devra reconnaître les mêmes formulaires. Cf. art. Trois-Ciiapttres.

Telle fut la fin de la controverse théopaschitc. Sous la pression du pouvoir civil, Rome adoptait, en fin de compte, une terminologie qui, dans le principe, avait semblé au pape Hormisdas avoir un relent de monophysisme. Pour sauvegarder le dogme de l’unique personne, qu’on lui représentait comme en péril, le Siège apostolique se ralliait à la formule de l’unique subsistence (de l’unique hypostase) du Verbe incarné dont le Tome de Léon n’avait point parlé et qui s’était introduite timidement dans la définition de Chalcédoine. C’est qu’aussi bien la théologie byzantine, sous la plume de Léonce, achevait à ce moment de se constituer. Au iv c siècle les Grecs avaient fini par imposer en théologie trinitaire le terme d’ùizôa-cuaiç comme synonyme de personne, en dépit des répugnances des Latins. Unifiant maintenant le vocabulaire trinitaire et le vocabulaire christologique, ils imposaient le terme métaphysique d’hypostase comme équivalent absolu du terme plus psychologique et plus juridique de personne. De cette idenlifiealion ils tiraient aussitôt les conséquences : à l’une des trois hyposlases de la Trinité on subjoignait la nature èvoTrôaTocToç qu’avait créée, en se l’unissant, la deuxième hypostase divine. Pourquoi ne pas aller jusqu’au bout et ne pas déclarer que cette hypostase du Verbe, à qui était sous-jointe la nature humaine était l’un de la Trinité ? Tout cela était on ne peut plus logique. Mais cela n’allait pas non plus sans quelque inconvénient. Celui d’abord de rendre suspect de « nestorianisme » tous les anciens docteurs qui n’avaient pas prévu un tel développement de la pensée théologique. Les vieux Antioehiens et leurs disciples ne pourraient plus désormais éviter une condamnation ; la controverse théopaschite est ainsi le prélude de la querelle des Trois-Chapitres. Par ailleurs on faisait au monophysisme une concession au moins apparente. Un des grands reproches faits à Pierre le Foulon par les chalcédoniens c’était l’introduction dans le Trisagion des mots Si’7][zâç serraupw(xévoç. Or, voici que l’expression était maintenant imposée par l’autorité impériale et pontificale ! N’y avait-il pas là de quoi scandaliser ?

Et voilà comment le fait pour Jean II d’avoir cédé aux exigences de Justinien est gros de conséquences. A la doctrine antiochienne de {’Homo assumptus qui, reconnue dans l’Acte d’union de 433, avait triomphé à Chalcédoine, se substituait la théologie byzantine de VU nus de Trinitate incarnalus qui s’exprimera au

mieux dans les anathématismes doctrinaux du Ve concile, mais qui était déjà préparée par les anathématismes cyrillicns de 430. Après une période d’éclipsé le docteur alexandrin triomphait.

Les sources ont été toutes citées en leur lieu au cours de l’article. Se reporter aussi à la bibliographie des articles signalés au début et à l’article Trois-Chapituks. Quelques points de vue nouveaux d uis Ii. Cas par, (iesch. des Pnpsttums, t. ii, Tubingue, 1933, c. III : Dos Papsttum ira Zeilaller Justiiiians 1., p. 214-224 ; cf. aussi Grumel, Le Tropaire, ’(J.Niovoy^vi, ;, dans Échos d’Orient, t. xxii, p. 404-409.

É. Amann.
    1. THÉOPHANE LE CLIMAQUE##


1. THÉOPHANE LE CLIMAQUE, moine

byzantin, auteur d’une « Échelle des divines grâces » (date inconnue). — Cette « Échelle de soixante-quatorze vers (avec le titre) dodécasyllabiques, qu’on trouvera dans la (IHXoxaXîa tgjv îspov vyjtttixwv, Venise, 1782, p. 549-550 ; Athènes, 1893, t. i, p. 391392, et qui était réservée au t. clxii de la P. G., comporte dix degrés : prière pure, chaleur du cœur, sainte opérai ion (èvépyeia), larmes du cœur, paix des pensées (koy.ay.oiM), purification du cœur, contemplation des mystères (Œcoptoc), illumination admirable (Çévir) È’XXx|jt.^i.ç), illumination (çcoTtoptôç) du cœur, perfection. Cette distribution rappelle étonnamment le début du sermon 9 d’Isaac de Ninive, Toû ôcaou roxTpôç rjfjicôv’Irjaàx… rà eûpeôsvra àerLYjTixà, édit. N. Theotokou, Leipzig, 1770, p. 59-60 ; M. J. Rouët de Journel, Enchiridion asceticum, 1936, n. 1004. Certains indices trahissent une époque plus récente. L’emploi des termes Çévoç (quatre fois), xapSîa, xocp81.axâ (trois fois) est significatif. Notre morceau dont les témoins manuscrits les plus anciens ne dépassent pas le xviiie siècle (Lavra, K 110 = 1397, fol. 109 v°) ne semble pas antérieur au xive siècle.

On connaît un Théophane le Jeune le Philosophe, auteur d’Instructions sur le décaloguc, dans Bonon. gr. 3642 (année 1598). Nous sommes dans l’impossibilité de tenter non plus que d’exclure un rapprochement avec le Climaque.

J. Gouillard.

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2. THÉOPHANE III DE JÉRUSALEM,

patriarche de cette ville (1606-15 décembre 1644) et polémiste antilatin. — Son long patriarcat fut marqué principalement par ses luttes contre les catholiques, d’abord pour revendiquer ou défendre les Lieux-Saints avec l’appui des Turcs et ensuite pour combattre l’union des Orientaux avec Rome. Ces deux objets l’amenèrent souvent à Constantinople. Il y était dès 1609 et assistait au synode que le patriarche Néophyte réunit pour régler la question des degrés de parenté en vue du mariage ; cf. Rhalli et Potli, £ôvTay[i.a râv ôepwv xavôvwv, t. v, p. 159. En 1619, il se rendit en Russie et y séjourna près de deux ans, occupé surtout à combattre l’Union de Brest-Litovsk en Ukraine, parcourant le pays, sacrant des évêques et ressuscitant des Églises. Les Grecs, après ses deux successeurs Nectaire et Dosithée, prétendent que ce fut lui qui sacra Pierre Moghila. La preuve est faite aujourd’hui qu’il n’en est rien ; cf. A. Malvy et M. Viller, La Confession orthodoxe de Pierre Moghila, dans Orienlalia christiana, t. x, n. 39, p. xiii et note 3. Ses luttes incessantes pour les Lieux-Saints lui coûtèrent beaucoup d’argent et le mirent plusieurs fois au bord de la ruine. De là de fréquents voyages de quête dont il profitait d’ailleurs pour combattre les missions catholiques, comme il fit en Géorgie en 1635. L’année précédente, le voiévode Vasile de Moldovalachie lui avait donné d’un seul coup la somme de 50 000 florins. Il mourut à Constantinople le 15 décembre 1644 et fut enterré, aux frais des princes de Moldavie, dans l’église de la Panaghia de Halki.

Théophane fut en relations avec les protestants par l’intermédiaire de l’ambassade des Pays-Bas à Cons-