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THEOPASCHITE (CONTROVERSE)


Dei genetrice secundum verilatem incarnatio augmentum filii non fecit. Mansil enim Trinitas trinitas et incarnato uno de Trinitate Deo Verbo. Traduction de Libératus, Breviarium, c. xvii ; texte grec dans Evagre, H. E., iii, 14, P. G., t. lxxxvi b, col. 2620. En joignant les deux membres de la formule, on arrive bien à l’expression : Unus de Trinitate passus.

L’Hdnotique, on le sait, fut le point de départ d’un schisme entre Rome et Constantinople qui dura près de quarante ans. Pourtant, en dépit de la pression gouvernementale, la formule théopaschite acquérait difficilement droit de cité dans la capitale de l’Orient. Quand, en 512, le patriarche Timothée donna l’ordre à toutes les églises de la ville de chanter le Trisagion avec l’addition 6 OTaupwOslç Si’vj^-âç dans les diverses fonctions liturgiques, il y eut une véritable émeute dans Constantinople. Cf. Grumel, Regestes du patriarcat, n. 200. Ce fut un des nombreux avertissements qui décidèrent l’empereur Anastase à entrer en rapports avec le pape Hormisdas pour le rétablissement de l’union avec Rome et de l’orthodoxie chalcédonienne. Cf. art. Hormisdas, t. vii, col. 161. Ce rétablissement ne se fit d’ailleurs qu’après la mort d’Anastase (9 juillet 518), au début du règne de Justin. Le retour à la foi de Chalcédoine permit à certains milieux dyophysites — c’est surtout au couvent des acémètes qu’on les rencontrait — d’afficher plus ou moins ouvertement leur attachement aux vieux Antiochiens, leur réprobation de certaines formules venues des cercles sympathiques au monophysisme, en particulier des formules théopaschites. Somme toute, on voyait renaître dan ? la capitale, en 519, les mêmes discussions qui s’y étaient produites, cent ans plus tôt, à l’arrivée de Nestorius.

C’est à quoi, nous semble-t-il, il faut réduire cette agitation « nestorienne » que dénoncèrent si bruyamment les « moines scythes », soit avant l’arrivée des légats romains, soit après l’intervention de ceux-ci. Voir l’art. Scythes (Moines), t. xiv, col. 1746. Quel était au juste l’état d’esprit de ces moines brouillons ? On s’accorde d’ordinaire à voir en eux des chalcédoniens, désireux de retirer aux adversaires du grand concile l’arme favorite que, depuis plus de soixante ans, brandissaient contre celui-ci les monophysites de toutes nuances. Peut-être ceci n’est-il pas absolument assuré et les Scythes étaient-ils plus touchés qu’on ne le dit par la propagande si active et si insinuante du monophysisme sévérien. C’est tout au moins l’impression que garda le pape Hormisdas et l’on a dit, à son article, comment il se refusa net à entrer dans les vues des Scythes, même après que ceux-ci eurent obtenu l’appui, d’abord hésitant, puis de plus en plus ferme, des deux souverains Justin et Justinien. Si le pape réagit si vigoureusement contre les moines en question, c’est qu’il était renseigné par ses légats, qui lui représentaient les formules des Scythes comme une concession au monophysisme expirant. En définitive, puisque la paix religieuse se rétablissait entre Rome et Constantinople par l’abandon de l’Hcnotique, le pape ne voyait pas de raisons pour faire un sort favorable à des formules qui dérivaient en droite ligne de ce fâcheux document. Il ne fut plus question, à Constantinople, après le meurtre de Vitalien, des Scythes et de leurs bruyantes manifestations. Nous avons dit comment auprès des Africains eux-mêmes les tentatives faites par eux aboutirent à une fin de non recevoir.

II. Les décisions de l’autorité civile et de l’Église romaine. — En dépit du silence qui régnait à Constantinople depuis le départ des Scythes, les formules préconisées par eux : Deus natus, Deus pannis involutus, Deus esuriens, sitiens, lassus, crucifixus ne laissaient pas de faire leur chemin. Si elles plaisaient aux âmes pieuses, heureuses de méditer sur les abaisse ment s du Verbe incarné, elles agréaient davantage encore aux hommes politiques qui y trouvaient un moyen de rétablir l’unité de l’empire, compromise plus que jamais par les agitations religieuses. D’autant que, en ces mêmes moments, la subtile dialectique du meilleur des théologiens contemporains, Léonce de Byzance, permettait de justifier rigoureusement des formules qui n’avaient que l’apparence du paradoxe. À la christologie de l’Homo assumplus, chère aux vieux Antiochiens, chère aussi aux Occidentaux, se substituait celle de l’Unus de Trinitate incarnatus dérivant de Cyrille. Celle-ci devait finalement évincer celle-là.

A cette éviction l’autorité civile devait avoir une part capitale. De plus en plus Justinien se cramponnait en effet aux formules des Scythes. Il avait déjà inséré l’Unus de Trinitate dans sa profession de foi placée au début du Code justinien en 528. L. I, tit. i, n. 5. Il la reproduisit dans deux édits dogmatiques, les premiers qu’il ait publiés, dans lesquels il définissait quelle devait être la véritable foi selon Chalcédoine : édit du 15 mars 533 adressé aux peuples de Constantinople et des villes d’Asie, Code, ibid., n. 6 ; édit du 26 mars envoyé au patriarche Épiphane, ibid., n. 7 ; cf. Grumel, op. cit., n. 223. Tel était le résultat le plus clair de la conférence contradictoire tenue, en ce moment même, au palais d’Hormisdas entre sévériens et chalcédoniens. Sur cette conférence voir l’art. Trois-Chapitres, ci-dessous, § iv, n. 3. Outre leurs réclamations relatives aux écrits de Théodore de Mopsueste, de Théodoret et d’Ibas, les sévériens avaient fait connaître à l’empereur les griefsdogmatiques qu’ils avaient contre les chalcédoniens, en particulier le refus de ceux-ci d’admettre les formules Deus passus carne ; Unus de Trinitate passus ; Ejusdem esse personse, tam miracula quam passiones. Ces remarques des sévériens ne pouvaient qu’ancrer le basileus dans sa résolution d’obtenir de l’autorité ecclésiastique la reconnaissance des lessères d’orthodoxie préconisées douze ans plus tôt par les Scythes et que le Siège apostolique avait alors écartées.

Quelques traces subsistent du travail qui fut alors entrepris dans la capitale pour trouver à ces formules des garants moins suspects aux yeux de Rome que les Scythes. E. Schwartz a publié en 1914 un curieux mémoire rédigé par le même Innocent de Maronée à qui nous devons une relation de la conférence contradictoire de 533. Dans A. C. O., t. iv, vol. ii, p. 68-74. Il est intitulé : Incipit S. Innocenta episcopi Maroniæ de his qui unum ex Trinitate vel unam subsistentiam seu personam Dominum noslrum Jesum Christum dubitant confiteri. L’auteur entreprend de montrer l’accord de Proclus avec saint Léon sur la question soulevée ; il termine par quelques extraits de Théodore et de Nestorius destinés à montrer pourquoi l’affirmation de l’Unus de Trinitate est indispensable et par plusieurs textes de Proclus qui mettent l’accent sur cette expression. Ce mémoire ne s’est conservé qu’en latin, il voisine, dans le ms. de Novarez.TX, qui l’a fourni, avec une encyclique de Proclus. identique à la 2e lettre aux Arméniens (maquillée d’ailleurs pour abriter sous une défense de l’Unus ex Trinitate passus une attaque de la doctrine augustinienne de la prédestination) et un florilège dogmatique réunissant des textes de Pères, surtout latins, propres à justifier l’expression susdite : Incipiunt exempta sanctorum Patrum quod unum quemlibet licet ex beata Trinitate dicere : Augustin, Ambroise, Hilaire, Cyprien appuient ainsi les dires de Grégoire de Nazianze, Basile et Grégoire de Nysse. Ce florilège est certainement d’un latin et a été vraisemblablement composé à Rome. Ces trois opuscules vont à la même fin : fournir à la curie romaine les arguments qui la décideraient à se prononcer dans le sens désiré par Justinien. C’est à quoi visait aussi la traduction du tome