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que retire de sa subordination à la foi par la théologie, cf. Denz., 1799, où le concile du Vatican dit de la foi que rationem multiplici cognitione instruit.

C’est le fait de ce bénéfice reçu par la philosophie du contact qu’elle a avec la théologie qui a porté M. Gilson, puis M. Maritain et ceux qui les ont suivis, à parler de « philosophie chrétienne ». En Allemagne, vers le même temps, d’une manière peut-être moins

« formelle », on parlait de sciences et de philosophie

catholiques, cf. infra, bibliographie. Dans un sens un peu différent, M. Blondel avait, depuis quelque temps, parlé de « philosophie catholique ». Un certain nombre de théologiens se sont montrés rebelles à cette nouvelle catégorie de philosophie chrétienne, voulant avant tout maintenir la distinction entre la théologie et la philosophie, prise de leur objet formel ou de leur lumière, aux termes de quoi toute pensée réglée par la foi ou dépendante de la foi serait théologie, toute valeur rationnelle, dùt-elle son origine au christianisme, ne pouvant recevoir aucune qualification intrinsèque autre que celle de philosophique. Cette opposition souligne bien que, au point de vue des définitions essentielles et des motifs formels qui en sont le principe, il n’y a pas de tertium quid entre la philosophie et la théologie. Mais, ceci accordé, il paraît légitime de se placer au point de vue de la genèse, de l’histoire, des conditions d’exercice et de l’état concret des formes historiques de la pensée. Alors il semble bien qu’il y ait une pensée inspirée ou suscitée par la foi, mais de contexture épistémologique comme de valeur purement philosophiques, que la raison développe et poursuit par ses propres moyens et pour sa propre fin, laquelle est le vrai pur et simple. Historiquement, ce développement des notions philosophiques grâce à la foi chrétienne s’est souvent opéré par la recherche de l’intellectus fidei, de l’intelligibilité de la foi, c’est-à-dire par l’effort proprement théologique. Inversement il est arrivé aussi chez un saint Augustin par exemple, que l’enrichissement philosophique ait été obtenu hors d’une référence directe à l’intellectus fidei, dans une véritable contemplation philosophique poursuivie pour elle-même et par les voies propres de la raison, mais dont le donné de la foi avait été l’occasion, le christianisme exerçant ici l’une de ses vertus qui est de rendre l’homme à lui-même et à la raison son propre bien de raison. Ouverte par la foi, la méditation philosophique se développe dès lors selon ses propres exigences. En sorte que, par ces deux voies, celle des besoins rationnels de la contemplation théologique, celle des possibilités rendues par la foi à la contemplation philosophique elle-même, il s’est développé, tout au long de l’histoire chrétienne, un savoir qui, purement philosophique au point de vue de son objet, de ses démarches, de sa trame épistémologique, n’en doit pas moins être qualifié de chrétien au point de vue de tout ce qui l’a rendu concrètement possible : choc initiateur ou point de départ, conditions et soutiens de la réflexion.

Ce que les sciences sont pour la théologie.

Les sciences sont pour la théologie des auxiliaires nécessaires, puisqu’elles lui fournissent cet apport rationnel sans lequel celle-ci ne pourrait se constituer pleinement. Ce que nous avons vu plus haut des conditions de cet apport justifie, au sens qui a déjà été expliqué, l’appellation de « servantes de la théologie » qui a été traditionnellement donné aux sciences. Toutefois, dans la mesure où les sciences n’apportent pas seulement à la théologie des illustrations extrinsèques ou de simples préparations subjectives, mais où elles lui fournissent véritablement un donné entrant dans l’élaboration de son objet, elles influencent sa constitution, son orientation, son progrès. Non que la théologie devienne ainsi subordonnée ou subalternée aux sciences : elle ne reçoit d’elles que ce qu’elle admet comme conforme à ses principes et convenable a son but. Mais la théologie se règle et se développe elle-même en faisant usage de sciences qui ont leurs accroissements et leur développement propres ; et ainsi le progrès de la science sacrée est-il en quelque manière fonction de l’état des sciences. Il est clair que le développement de la psychologie ou de la sociologie pourra, dans une certaine mesure, modifier celui de la théologie en certaines de ses parties, comme le développement de la métaphysique au XIIIe siècle, celui de l’histoire au XVIIe et celui des sciences bibliques au XIXe ont déjà pu influer sur son développement dans le passé.

Certains ont, dans cette perspective, préconisé un renouvellement de la théologie, soit en sa méthode, soit en quelqu’une de ses parties, comme le traité de l’eucharistie, par l’assomption en elle de techniques de pensées nouvelles, comme la logistique, ou de données scientifiques nouvelles, par exemple en physique et en chimie, cf. infra. bibliographie. L’idée n’est pas fausse a priori et au plan des raisons de principe ; structuralement, méthodologiquement, rien ne s’oppose à ce qu’elle porte fruit ; c’est une question d’espèce et il est bien clair qu’on ne s’engagera pas dans cette voie à la légère, sans une très sérieuse mise à l’épreuve des ferments nouveaux qu’il s’agirait d’assimiler. Pour ce qui est des cas concrètement proposés, il ne semble pas qu’on se trouve en présence de disciplines suffisamment mûres ou d’une valeur, d’une portée, d’une fécondité suffisamment indiscutables.

C’est sans doute du progrès des études bibliques et historiques, de celles qui intéressent la prise de possession exacte et riche de son donné, que la théologie serait présentement en droit d’attendre le plus pour son renouvellement ou son progrès.

L’histoire des rapports de la théologie avec les sciences a été écrite, dans un esprit prévenu, par A. While, A history o/ Ihe W are f are of Science ivilli Theologq in Christendom, New-York, 1903, qui s’attache à montrer que la théologie s’est toujours montrée hostile à la science.

Sur les rapports entre théologie et sciences en général : Petau, Theol. dogmata, proleg., c. m-v ; J. Kleutgen, Die Théologie der Vorzeil, t. v, 2e éd., Munster, 1874, p. 293333 ; J. Didiot, Logique surnaturelle subjective, théor. lxiilxv, 2’éd., 1894, p. 275-318 : H. Hedde, Relations des sciences profanes avec la philosophie et la théologie, dans Revue thomiste, janvier 1904, p. 650-G66 et mai 1904, p. 187-206 ; J. Bilz, Einfiihrung in die Théologie, 1933, p. 80-95 ; B. Baudoux, Philosophia ancilla theoloyiæ, dans Antonianum, 1937, p. 293-326.

Sur la distinction entre la théologie, l’apologétique et toute philosophie de la religion, on aura profil à lire les articles du pasteur L. Dallière, Examen de l’idéalisme, dans Études théolog. et relig., 1931 ; de même, sur les rapports de la théologie et de la psychologie ou de la philosophie de la religion, l’article de D.-S. Adam dans l’Encyclopsedia of Religion and Ethics de J. Hastings, t.xii, 1921, p. 293 sq. ; B. Heigl, Religionsgeschichtliche Méthode und Théologie, Munster, 1926.

Sur la « Philosophie chrétienne », on trouvera une bibliographie complète et critiquement analysée dans La philosophie chrétienne. Journée d’études de la Société thomiste, t. II, Juvisy, 1934, puis, pour la suite du débat, dans le Bulletin thomiste, octobre 1934, p. 311-318, et juillet 1937, p. 230-255. Les ouvrages essentiels sont É. Gilson, L’esprit de la philosophie médiévale, 2 vol., Paris, 1932 ; Christianisme et philosophie, Paris, 1936 ; J. Maritain, De la philosophie chrétienne, Paris, 1933.

Études préconisant une application nouvelle de sciences modernes à la théologie. Pour la logistique : La pensée catholique et la logique moderne (Congres polonais de philosophie), Cracovie, 1937 ; H. Scholz, Die mathematische Logik und die Metaphysik, dans Philos. Jalirbuch, 1938, p. 257291. — Pour les théories physiques et chimiques : A. Mitterei, Dos liingen der alten StofJ-Form-Metaphysik mit der heutigen Stoff-Phystk, [nspruck, 1935 ; Wesensarlwcuidel und Artensyslem der physikalischen Kôrperivelt, Bicssanone, 1936 ; Profanuiissenschafl als thlfswissenschajt der Théologie,