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intérieure de la foi, mais qui est essentiellement constituée en son contenu par un donné objectif dont la conservation, la proposition et l’interprétation relèvent d’un magistère hiérarchique prolongeant celui des apôtres. La théologie catholique est tout autre chose que cette description de l’expérience religieuse en termes intellectuels que le libéralisme protestant donnait pour tâche à la dogmatique, cf. ici, Expérience religieuse, t. y, col. 1786 sq.

3. De l’histoire des dogmes, et ceci pour les mêmes raisons. Si la théologie se nourrit, par sa fonction positive, de ce qui a été pensé dans l’Église, elle ne s’identifie pas plus avec l’histoire de cette pensée que la philosophie ne s’identifie avec l’histoire des idées ; elle est une contemplation rationnelle d’un donné, non l’histoire des idées religieuses.

4. De la science des religions et de la philosophie de la religion. On distingue assez généralement la science des religions ou histoire des religions, qui s’attache à décrire en leur genèse, leurs formes, leur contenu et leur développement les différentes religions, à l’aide des ressources de la méthode historique ; la psychologie religieuse, qui a pour objet les diverses manifestations du fait religieux dans les individus et dans les groupes, et pour méthode celle de la psychologie ; enfin la philosophie de la religion, qui étudie l’essence de la religion, les bases du fait religieux dans la nature de l’homme, les critères rationnels de vérité en matière de religion. L’ensemble de ces trois disciplines forme ce qu’on appelle en Allemagne la Religionswissenschaft. La théologie ne peut être assimilée à ces sciences ni par son objet, qui est le mystère de Dieu tel qu’il est connu dans la Révélation judéo-chrétienne proposée par l’Église, ni par sa méthode, qui n’est nullement d’enquête et d’explication historiques ou psychologiques, non plus que de démonstration philosophique, mais qui met en œuvre des ressources de la raison historique et philosophique à l’intérieur d’une foi s’adressant à une Révélation, sous la direction positive et constante de cette foi.

Principes généraux concernant les rapports de la théologie et des sciences profanes.

Les principaux textes du magistère sur cette question ont été apportés ici, art. Dogmatique, t. iv, col. 1529 sq. Sur les rapports de la philosophie et de la théologie, on se reportera surtout à l’encyclique Aeterni Patris du 4 août 1879. On peut formuler en trois énoncés la pensée de l’Église en cette matière :

1. entre la foi et donc ultérieurement la théologie, d’une part, les sciences qui sont vraiment telles d’autre part, il ne peut y avoir de contradiction réelle, cf. Denz., n. 1797 sq., 1878 sq.

2. Les sciences ont, en face de la foi et de la théologie, leur objet propre et leur méthode propre, et donc une autonomie épistémologique. Denz., n. 1670, 1674, 1799. —

3. La théologie, science de la foi, est cependant, de soi, supérieure à toutes les autres sciences en lumière et en certitude. Denz., n. 1656, 2085, etc.

Ce que ta théologie est pour les sciences. —

On a déjà Indiqué plus haut, col. 186, que la théologie, comme sagesse suprême, était le couronnement de toutes les sciences et devrait être le principe d’un ordre chrétien de la culture et du savoir. Comme sa suprême, la théologie domine et juge les sciences. Elle utilise leurs services pour son propre but, comme nous l’avons déjà remarqué, et elle a à l’égard de toutes, un certain rôle de critère, rôle qui peut s’exprimer ainsi : la théologie ne prouve pas les conclusions des autres sciences mais, dans la mesure on des conclusions l’intéressent elle même, elle les approuve ou les désapprouve, et ainsi intervient dans leur travail.

1. La théologie ne prouve pas les conclusion des autres sciences ; elle leur laisse l’autonomie de leurs démarches propres ; son intervention à leur égard n’est pas intrinsèque, concernant leur travail interne de recherche et de preuve ; elle ne change pas intrinsèquement et dans sa substance leur régime épistémologique : et ceci est vrai non seulement des sciences physiques ou mathématiques, mais des sciences philosophiques ou historiques que la théologie emploie immédiatement à son service. Même alors, en effet, la valeur, la certitude et l’évidence des données historiques ou philosophiques employées restent intrinsèquement ce qu’elles sont dans leur science respective, selon les critères propres de cette science.

2. Elle intervient de l’extérieur dans leur travail. — La théologie étant, en face des sciences, d’une vérité plus haute et plus certaine, le rapport de conformité ou de répugnance que les énoncés des sciences auront à l’égard de ceux de la théologie, rapport qui s’exprimera, le cas échéant, dans l’approbation ou la désapprobation que celle-ci leur témoignera, interviendra du dehors dans le travail des sciences et pourra ainsi le régir, le changer et, dans l’hypothèse favorable, en augmenter même la certitude. Soit par exemple la théorie cartésienne de la matière identifiée à la substance-étendue. Cette théorie se heurte aux énoncés de la foi et de la théologie concernant les espèces eucharistiques (noter que si la théologie parle d’ « accidents », le dogme, lui, évite ce mot philosophique). Il se passe alors ce que saint Thomas énonce ainsi : Ad (sacram) scientiam non pertinel probare principia atiarum scientiarum, sed solum judicare de eis : quidquid enim in aliis scientiis invenitur veritali hujus scienliæ répugnons, totum condemnatur ut /alsum. Sum. theol., I », q. i, a. 6, ad 2um. La théorie de la substance-étendue sera jugée et désapprouvée par la théologie et ainsi sera condamnée aux yeux du philosophe croyant. Si celui-ci l’avait tenue jusqu’alors pour certaines raisons philosophiques, il remettra en question ses raisons et ses évidences ; il cherchera une autre voie, par des moyens proprement philosophiques et ainsi la théologie, sans intervenir dans la trame interne de sa pensée, sans modifier intrinsèquement le régime épistémologique de sa discipline, représente pour le savant un critère extrinsèque, une norme négative. Son intervention est, pour le savant comme pour la science de celui-ci, un bienfait, car elle leur évite des erreurs, des fausses voies, elle les garantit contre l’illusion et les libère du mensonge ; cf. Denz, , n. 1656, 1674, 1681, 1714, 1799, 2085. Les documents officiels sont à cet égard soucieux d’exclure la distinction que certains faisaient entre le philosophe et la philosophie et d’affirmer la souveraineté de la théologie non seulement sur le premier, mais sur la seconde. Denz., n. 1674, 1682, 1710.

Soit maintenant une théorie philosophique, comme celle de la subsistence, que la théologie emploie au coeur même de ses traités les plus importants, dans la construction intellectuelle des mystères de la Trinité et de l’incarnation. L’utilisant dans les conditions que l’on a dit plus haut être celles des principes de raison dans le travail théologique, la science sacrée approuve la théorie de la subsistence ; elle ne la transforme pas intrinsèquement ou épistémologiquement, et cette théorie restera, en philosophie, ce qu’elle était auparavant, valant ce que valent les raisons qui la fondent ; mais elle recevra, aux yeux du philosophe croyant ou du philosophe théologien, une plus-value extrinsèque de certitude du fait de son approbation par la science de la foi qui, pour ainsi dire, l’homologue et la garantit. C’est pourquoi, dans de nombreux documents et en particulier dans l’encyclique Aeterni Patris, le magistère ecclésiastique a souligné, au delà d’une défense et d’une protection contre l’erreur, le bénéfice positif de certitude que la raison philosopbi