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tives à la sacra doctrina, à la vérité sacrée. Le service de cette vérité se fait en effet selon deux modes qu’on ne saurait bloquer sans dommage. La question proprement dogmatique est une fonction de conservation et de continuité ; elle doit transmettre à chaque génération ce qui a été depuis toujours transmis ; il ne lui revient pas de faire à proprement parler progresser la connaissance intellectuelle, mais de garder le dépôt, d’en déclarer le sens d’une manière authentique ; cf. Denz., n. 786, 1636, et surtout 1800. C’est le rôle du magistère hiérarchique. La fonction scientifique et proprement théologique, par contre, est une fonction d’initiative et de progrès : non pas, proprement, une fonction de conservation, mais une fonction de recherche, voire d’invention. Car, si la théologie travaille sur un donné immuable et auquel on ne peut ajouter, elle est elle-même une activité d’explication grâce à l’intervention active de ressources rationnelles ; aussi lui arrive-t-il de dépasser, à ses propres risques, les affirmations du dogme à un moment donné, tentant des synthèses là où celui-ci ne donne que des éléments, abordant des problèmes pour lesquels celui-ci ne fournit qu’un point de départ plus ou moins lointain, bref exerçant la fonction d’initiative et de recherche qui est celle de la science. B. Poschmann, Der Wissenschaftscharakter der kathol. Theol., Breslau, 1932, p. 14-15 ; A.-D. Sertillanges, Le miracle de l’Église, Paris, 1933, p. 94.

Aussi le travail théologique, comme tout travail scientifique, demande-t-il, par le côté où il est recherche et non tradition, une certaine liberté. Il est en effet rigoureusement impossible à la théologie de remplir sa fonction propre, si on lui ferme la possibilité d’essais, d’hypothèses, de questions et de solutions qu’on met en circulation non pour les imposer comme des choses définies et définitives, mais pour leur faire subir l’épreuve de la critique et faire jouer, à leur profit comme au profit de tous, la coopération du monde qui pense et qui travaille. Se refuser, dans ce domaine, à courir le moindre risque, vouloir que le théologien ne fasse que répéter ce qui a été dit avant lui et n’énonce que des choses certainement irréprochables et inaccessibles à la critique serait méconnaître le statut propre de la théologie et par là préparer sa décadence. Comme Benoît XV le déclarait, le 17 février 1915, au P. Ledochowski, S. J., il faut laisser, dans les matières qui ne sont pas de la Révélation, la liberté de discussion Timere se potius ne hac libertate præcidenda alæ simul ingeniorum inciderentur cum damno profundioris studii théologici. Revue du clergé français, 15 juin 1918, p. 416 ; Rev. apol., t. xxxvi, 1926, p. 307.

C’est ce droit à proposer, en matière non définie, pourvu que ce soit dans le respect de la foi, des opinions et des interprétations diverses, que réclamait, par exemple, au XIIIe siècle, un Bernard de Trilia : cf. le texte de son Mémoire justificatif, publié par P. Glorieux, dans Revue des sciences philos. et théol., 1928, p. 412 et 421. Aussi bien le Moyen Age connut-il précisément, en ce domaine, un régime de liberté qui permit la pleine floraison de la théologie.

Le progrès de la théologie. — Que la théologie progresse, c’est bien évident, puisque la connaissance dogmatique elle-même progresse et, pour une grande part, grâce à la théologie. On peut, semble-t-il, analyser les conditions du progrès de la théologie selon ces divers aspects.

Le progrès atteint d’abord la théologie au titre général de science. Elle se développe dans un régime de collaboration et par le commerce des spécialistes, grâce aux organes normaux d’un tel commerce : universités, instituts de recherche, congrès, collections, revues avec leur partie de critique bibliographique. Par ce côté, le progrès de la théologie est, au moins en partie, solidaire du progrès dans les autres sciences : sciences historiques, philologiques, liturgiques, sociologiques, etc. Par ce côté aussi, la théologie suivra en quelque mesure la loi de tout progrès qui se fait par spécialisation. Il appartiendra au théologien vraiment soucieux de la vitalité et du progrès de sa discipline de s’informer du progrès de toutes ces sciences dont il peut faire des auxiliaires de son travail.

Et en effet, le progrès atteint encore la théologie comme science d’un donné. Si progresser, pour tout être, c’est tendre à son principe, le progrès de la théologie consistera dans l’intelligence du donné tel quel de la prédication apostolique plus encore que dans le raffinement de la systématisation. Aussi la loi qui est celle de tout progrès vaut-elle d’une façon plus rigoureuse pour la théologie, qu’il n’y a de progrès véritable et de renouvellement fécond que dans la tradition. La nouveauté et le progrès, en théologie, ne sont pas dans un changement affectant les principes ou le donné, mais d’abord dans une prise de conscience plus riche ou plus précise de ce donné lui-même. Plusieurs questions de théologie peuvent être reprises, parfois révisées ou orientées d’une manière plus heureuse, par une étude plus critique du donné qui les concerne. C’est le cas, par exemple, de la notion de tradition, cf. supra, col. 464 ; ce pourrait être le cas, sans doute, pour plus d’une notion d’ecclésiologie ou de théologie sacramentaire. Cf., pour l’ensemble de la question du progrès en théologie, J. Kleutgen, Die Theologie der Vorzeit vertheidigt, t. v, 2e éd., Munster, 1874, p. 432-490 ; M.-J. Scheeben, Dogmatique, t. i, n. 1011-1026, trad. franç., p. 640 sq.

V. Divisions ou parties de la théologie. — La création progressive des diverses spécialités dans la théologie ne représente pas qu’un processus de désagrégation ou de décadence, mais bien aussi un processus normal de développement. Le progrès engage généralement une certaine spécialisation et donc une certaine division. Dans la partie historique de cet article, nous avons assisté à des spécialisations sucscessives au sein de la science sacrée : division de l’enseignement en lectio et quæstio, en commentaire de l’Écriture et disputes dialectiques, naissance d’une théologie positive et d’une théologie biblique, spécialisation d’une théologie morale, d’une théologie ascétique ou mystique séparées de la dogmatique, création d’une apologétique, développement séparé de la théologie polémique… Dans les tendances de restauration et de rénovation religieuses du début du xixe siècle, s’est formée une « théologie pastorale ». Nous avons vu aussi comment, vers la fin du XVIIe siècle, tout un mouvement s’était développé dans le sens d’une réintégration des différentes parties ainsi divisées dans un ensemble organique, dans un « système » dont les différentes parties seraient comme le développement d’une idée unique. C’est alors qu’on écrivit, surtout en Allemagne, des Encyclopédies dont l’objet était une distribution logique des sciences sacrées selon leurs articulations naturelles, cf. supra, col. 434. On trouvera un tableau de la distribution des disciplines théologiques telle que la proposaient Dobmaier, Drey, Klee et Staudenmaier, dans l’article Théologie du 'Dict. encyclopédique de la théologie catholique de Goschler, traduction de la 1re éd. du Kirchenlexikon de Wetzer et Welte, t. XXIII, p. 314 sq. ; cf. aussi l’article Encyklopädie de la Prot. Realencyklopädie, 3e éd., t. v, p. 351-364. Les auteurs modernes d’Introductions à la théologie présentent aussi, en la justifiant, une distribution de la théologie selon ses diverses parties ou sciences auxiliaires. Voici, par exemple, comment J. Bilz, qui semble s’inspirer un peu de Drey, divise et organise la théologie, soit dans son Einführung in dit Theologie, Fribourg-en-B.,