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THÉOLOGIE. CONDITIONS DE TRAVAIL


gramme tracé par saint Paul : In captivitatem redigentes omnem intelleclum in obsequium Christ i. II Cor., x, 5. Se vouer à l’étude théologique est une œuvre éminente de la foi et de la charité et peut, à ce titre, devenir une matière spéciale de religion et la fonction de choix d’un ordre religieux. S. Thomas, Sum. theol., 1I » -II ». q. clxxxviii, a. 5 ; Contra impugnanles Dei cultum. c. xi.

2. Ce que la vie spirituelle peut et doit apporter à la théologie. — Tout d’abord, la grâce de la foi est consul ulionnellement nécessaire à la théologie, cf. supra, col. 451 i q. Chez le théologien qui viendrait à perdre la foi, l’habitus de théologie disparaîtrait ; il s’y substituerait un habitus opinatif qui n’aurait plus aucun rapport avec cette science de Dieu et des bienheureux à laquelle la théologie s’appuie et en laquelle elle tend à se résoudre. Il convient pourtant de noter que la théologie n’est pas liée à la charité du point de vue de sa structure noétique ; comme nous l’avons vii, col. 485, le mode de son union à son objet est intentionnel et intellectuel, non réel et affectif : ce qui est de nature à mettre au point certaines formes de Lebenslheologie, voir supra, col. 446, 447, et l’augustinisme bonaventurien tel que le présente le P. Th. Soiron, Heilige Théologie, Pauerborn, 1935, p. 65 sq., 68. 76 sq.

Il faut cependant bien voir tout ce qui manquerait à la théologie d’un théologien qui aurait perdu l’état de grâce. Il lui manquerait d’abord le moteur religieux de sa recherche et les conditions sans lesquelles il n’aura plus de goût pour la théologie ; il n’aura pas le goût de tirer de ses principes les conclusions pratiques qui intéressent la vie, non plus que de contempler les mystères qui sont liés aux attitudes les plus délicates de l’âme : les vérités concernant la vie spirituelle, les anges, la sainte ierge, le péché et la pénitence, etc. bref, toutes les choses qui accompagnent ce qu’on appelle l’esprit de foi.

Mais la charité, le goût et une certaine expérience personnelle des choses de Dieu sont nécessaires surtout pour que le théologien traite les mystères et parle d’eux de la manière qui leur convient. Bien que l’objet de la théolofrfe soit de l’intellectuel et du scientifique, il est surnaturel par sa racine et essentiellement religieux par son contenu, ea quorum visione perjruemur in nita a-trrna et per qum ducimur in vitam œternam. La connaissance de foi, qui donne à la théologie ses principes, ne se termine pas à des énoncés, à des formules, mais à des réalités qui sont les mystères de la vie de Dieu et de notre saint ; et nous avons vu plus haut, col. 470. combien la foi tendait à la perception surnaturelle des réalités divines. Il conviendra donc que 12 théologien mène une vie pure, sainte, mortifiée, priante. Son travail ne peut bien se fi. ire qu’avec le secours de grâces actuelles et sur la base d’un certain potentiel religieux. Et si, d’après saint Thomas, les dons d’intelligence et de sagesse sont nécessaires au Adèle pour perce oir droitement le sens des énoncer de la foi. on peut penser que le théologien ne saurait se passer de leur secours. Sur la nécessité de conditions morales pour la connaissance des choses spirituelles, nombreuses références aux auteurs anciens dans M. SchmaUl, bf p^grlinloqische Trinitatslehre du hL AugiUlintU, Munster, 1 ! » ’27, p. 171, n. 4. Plus spécifiquement sur les coi ni i lions spirituelles du travail I héologique et l’influence de la vie religieuse : Sehccben, Dogmatique, t. i. n. 997-1010 ; Mysterien drs Christentuinx, S H18 ;.1. Didiot, Logique surnaturelle subjective,

ll.eor. i.xxxi sq., 2° éd., 1894, p. 503 sq. ;.1. BilL, KinfOhrung in ihe Théologie. Pribourg-cn-Br., 1 p. 73 sq., ii. blekamp, Tlvologia dogmattese manuale, l. i. i’, p. 86 ; B. Garrignu-Lagrange, L" théo

togle ri i, i vie <ir in /m, dans Revue thomiste, ’< p. 492 sq. ; De Deo uno, Paris, 1938, p. 30 sq.. i<

La vie du théologien dans l’Église.

1. Le théologien

doit vivre dans l’Église. — Cela lui est nécessaire à plusieurs titres : a) du fait que, la théologie est science, elle suppose collaboration ; or, il s’agit d’abord de la collaboration des autres croyants, soucieux de porter leur foi à un état rationnel et scientifique, par où nous voyons que le théologien ne peut s’isoler de la communauté des croyants qui est l’Église. — b) La théologie est dépendante, dans son développement, du développement de la foi. Or, d’après saint Paul, Eph., iv, 13 ; Phil., i, 9, etc., le développement de la foi en connaissance, yvcôaoç. est lié à notre croissance dan., le corps mystique, comme membre de ce corps.

— c) La condition d’une connaissance orthodoxe des objets de la foi est la communion dans l’Église catholique, car la droite vue de ces objets est donnée par le Saint-Esprit, lequel ne dévoile la vérité qu’à ceux qui vivent dans la communion de l’amour ; cf. M.-J. Congar, L’esprit des Pères d’après Môhler, dans la Vie spir., avril 1938, Suppl., p. 1-25, et dans L’Église est une. Hommage à Môhler, Paris, 1939, p. 255-269. — d) Le critère dernier et finalement seul efficace de cette connaissance orthodoxe est l’Église enseignante : car l’Église ne peut vivre comme corps et ecclésiastiquement dans l’unité de la vérité, que grâce à un critère ecclésiastique d’unité et de croyance. M.-J. Congar, Chrétiens désunis, p. 105 et 166. C’est pourquoi, tant à propos de l’auditus fidei et de la théologie positive, qu’à propos de i’intellectus fidei et de la théologie spéculative, nous avons marqué plus haut la nécessité, pour le théologien, de se référer sans cesse à l’enseignement de l’Église, d’avoir le sens de l’Église et le sens du magistère.

La théologie sans doute est une science, mais c’est un fait que les Pères et les plus grands théologiens ont orienté leur travail vers la satisfaction des besoins de l’Église à un moment donné : défense de la foi, besoins spirituels des âmes, exigences ou amélioration de la formation des clercs, réponse à des formes nouvelles de la pensée ou à des acquisitions nouvelles de l’intelligence. Si l’on soustrayait de la théologie les œuvres qui répondent à ces divers appels pour ne garder que celles dont le seul souci du savoir a été l’inspirateur, on rayerait la plupart des plus grands chefs-d’œuvre. Toutefois ce serait un danger d’accentuer ou de développer, aux dépens d’un équilibre authentique de la doctrine et parfois même aux dépens de la vérité tout court, les thèmes qui « rendent » à un moment ou dans un milieu donnés. Le théologien ne doit pas se refuser à t-availler pour le service de l’Église ; mais, pour éviter ce danger qui, scientifiquement, ressemblerait à l’amateurisme, il doit aussi entourer son travail des conditions qui sont de rigueur pour tout travail scientifique : des exigences critiques, un certain recul par rapport à l’actualité immédiate, une atmosphère de désintéressement et de contemplation, une part de loisir, de dépouillement et de solitude.

2. L’Église doit laisser ou procurer au théologien les conditions de liberté qui sont nécessaires ù son travail. — Non que l’on veuille en aucune manière réclamer la liberté de l’erreur ou le droit à l’erreur. Mais il s’agit simplement de tirer une conséquence nécessaire de la distinction, expliquée plus haut, col. 180, entre dogme et théologie. L’Eglise enseignante propose et interprète la foi avec l’autorité souveraine du magistère apostolique. Mais, à l’Intérieur de cette unité de la foi dont elle est gardienne et juge, il y a place pour une recherche de type scientifique, que le théologien mènera sous sa piopre responsabilité et pour laquelle vaudra l’axiome :

in nrcessariis imitas, in diibus librrlas.

Ainsi celle distinction entre le dogme et la science

théologique correspond elle a une différenciation fort Importante, au sein de l’Église, dans les fonct ions rcla-