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THÉOLOGIE. CONDITIONS DE TRAVAIL


de la sacra doctrina ou enseignement chrétien, dont la théologie est la forme scientifique. La théologie est vraiment un critère dernier et universel ; elle est reine et dominatrice de tout savoir ; on peut lui appliquer le mot de saint Paul : Spiritualis judicat omnia. De là découlent les conséquences suivantes :

1. La théologie étant sagesse, c’est-à-dire science suprême, n’a rien au dessus d’elle. Dans l’échelle des sciences, chaque discipline prouve ses propres conclusions, mais laisse à une discipline supérieure le soin de défendre ses principes ; mais la science suprême assure elle-même la défense de ses propres principes et des principes communs de toutes les autres sciences. C’est ainsi que la métaphysique se développe en « critique » pour défendre la valeur des principes premiers de la raison et la validité de la connaissance elle-même. De même la théologie doit-elle défendre ses principes, qui sont les vérités révélées proposées par l’Église. Elle le fait en se développant en une parlie critique qu’on appelle apologétique ou encore théologie fondamentale, sans préjudice de la défense particulière de tel ou tel point que la théologie assure dans ses différents traités, cf. ici, art. Dogmatique, t. iv, col. 1528, et supra, col. 430. Cette idée de l’apologétique conçue comme critique théologique et comme partie de la théologie nous paraît la plus satisfaisante ; c’est celle qu’appuient les textes de saint Thomas, Sum. theol., I a, q. i, a. 8, et Ia-IIæ, q. lvii, a. 2, ad 2um ; c’est celle qui est défendue ici à l’art. Apologétique par M. Maisonneuve et à l’art. Crédibilité du P. A. Gardeil, ainsi que dans La crédibilité et l’apologétique, du même auteur, 2e éd., Paris, 1912, par J. Didiot, Logique surnaturelle objective, p. v-vi et 4, par le P. Garrigou-Lagrange, De revelalione, t. i, 3e éd., Rome, 1931, p. 3 sq., 43 sq., 52 sq., L’apologétique dirigée par la foi, dans Revue thomiste, 1919, p. 193-213 et L’apologétique et la théologie fondamentale, dans Revue des sciences philos, et théol., 1920, p. 352-359.

2. La théologie est apte à utiliser pour sa propre fin toutes les autres sciences ; elle est fondée également, dans les conditions qu’on précisera plus loin, à exercer à l’égard de toutes autres sciences une certaine fonction de règle et de contrôle. Ce qui, d’ailleurs, comporte pour ces sciences un bénéfice de sécurité et de vérité.

3. D’un côté par le fait qu’elle utilise le service de nombreuses sciences auxiliaires, d’autre part en raison de l’ampleur et de la richessedesonobjet.lathéologiea une diversité de fonctions et de parties, telle qu’aucune science purement rationnelle n’en présente de-pareille.

4. La théologie tient de sa qualité de sagesse suprême, et donc de modératrice des autres savoirs, un rôle d’accomplissement, d’unification et d’organisation à l’égard des acquis spirituels de l’homme. C’est grâce à elle et soit à son service, soit sous sa direction, que les diverses acquisitions de l’intelligence peuvent être orientées vers Dieu et tournées à son service, non pas seulement du point de vue de l’exercice et de l’usus, mais selon leur contenu et leur richesse intrinsèque eux-mêmes. C’est pourquoi la théologie, comme sagesse, apparaît comme le principe nécessaire, sinon à tel ou tel individu, du moins à la communauté comme telle, d’un humanisme chrétien et d’un état chrétien de la culture. Un siècle laïcisé veut nécessai- ! rement qu’on supprime les facultés de théologie ou qu’on en nie la raison d’être, cf. supra col. 444.

Le danger de la théologie serait ici dans son point de vue supérieur lui-même, qui pourrait tourner en mentalité théologique simpliste ; si c’est une erreur de n’admettre que des causes immédiates et de rester ainsi dans les limites d’un point de vue étroitement technique, c’en est une autre de ne s’attacher qu’à l’explication transcendante, par la cause efficiente et

finale dernière, en négligeant les causes immédiates. Cette mentalité aboutirait à des résultats parfois désastreux : en politique, à un régime théocratique qui pourait bien dégénérer en cléricalisme, en mystique à un faux surnaturalisme, en apologétique à un concordisme facile, parfois malhonnête, où la vérité, au lieu d’être recherchée et servie, serait utilisée et truquée, etc.

3° L’habilus de théologie est-il surnaturel ? — On connaît la position de Contenson, Theologia mentis et corrf /s, t. I, pncl. I, c. ii, specul. 3, éd. Vives, 1875, t. i, p. Il sq. Se fondant sur le fait, admis par tous les thomistes, que la théologie est surnaturelle radicaliter, originative, en sa source ou racine qui est la foi. il veut qu’elle soit aussi surnaturelle entitalive : car 1. son objet et sa lumière sont surnaturels, dépassant toute adhésion humainement possible ; 2. le motif de l’assentiment donné aux conclusions n’est pas le discours humain, mais la vérité de la foi que le discours ne fait qu’appliquer ; 3. la théologie a des caractères tels qu’ils ne peuvent appartenir qu’à un habitus surnaturel, tels que d’être subalternée à une science proprement surnaturelle, d’être plus certaine que tout savoir naturel, etc.

L’intention de Contenson est de marquer fortement l’homogénéité objective de la théologie à l’ordre de la foi. Mais Contenson admet que la théologie est un habitus acquis, dont le rôle est de disposer les facultés, non de donner la puissance elle-même. Il est donc fort éloigné de l’opinion apparentée à celle d’Henri de Gand et curieusement soutenue de nos jours par J. Didiot, Logique surnaturelle subjective, théor. xxii, 2e éd., d’un habitus theologicus infus. On ne peut cependant pas tenir avec lui pour un habitus intrinsèquement surnaturel : car l’objet de la théologie n’est pas purement et simplement surnaturel, non plus que sa lumière, non plus que sa certitude : objet, lumière ou motif d’adhésion, certitude, sont bien d’origine surnaturelle et participent de la qualité surnaturelle de leur racine, la foi ; mais objet, lumière et certitude sont intrinsèquement modifiés par le fait qu’ils sont considérés par la théologie dans le rayonnement qu’ils prennent par l’activité rationnelle de l’homme croyant, laquelle peut bien être dirigée, fortifiée et surélevée par la foi, mais non formellement prise en charge et qualifiée par elle. L’objet qui finalise, termine et qualifie le travail théologique n’est pas purement et simplement surnaturel, mais bien ce qui est vu par la raison croyante dans l’objet surnaturel de la loi.

II. CONDITIONS DO TRAVAIL ET OU PROGRÈS TIIÈO LOdiQŒS. — 1° Théologie et vie spirituelle. — Il y a lieu d’abord de montrer comment la vie religieuse et la spéculation théologique s’unissent et ce qu’elles reçoivent l’une de l’autre.

1. Ce que la théologie apporte à la oie religieuse. — Elle est, pour la vie spirituelle, une sauvegarde et un aliment ; elle l’empêche de s’égarer, elle la préserve du subjectivisnie sous toutes ses formes et du particularisme mal éclairé ; cf. Garrigou-Lagrange, La théologie et la vie de la foi, dans Revue thomiste. 1935, p. 492 sq. ; De Deo uno, p. 30 sq. Elle lui permet de rayonner plus complètement dans l’homme, car elle étend le règne lumineux de la foi sur un plus grand nombre de convictions, de conséquences et d’aspects. Enfin, la théologie est une œuvre éminente de foi et de charité, un culte très élevé rendu à Dieu, car elle lui consacre notre raison comme telle, achevant la consécration que la foi lui avait faite de notre entendement comme tel. Pour saint Thomas, l’œuvre théologique représente une consécration de la raison humaine comme raison, en ses acquisitions, ses procédés, son efficacité. Elle procède d’une foi fervente et en augmente le mérite, Sum. theol., II » - !  ! », q. ii, a. 10 ; elle réalise le pro-