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THÉOLOGIE. LA CONCLUSION THEOLOGIQUE


distinction entre dogme et théologie, cf. A. Gardeil, Le donné révélé et la théologie, Paris, 1910 ; H. Pinard, art. Dogme, dans le Dict. apologét., t. i, col. 1144-1148 et 1183.

Cette distinction entre le dogme et la théologie a toujours été, sous une forme ou sous une autre, reconnue et surtout pratiquée dans l’Église : et ceci même lorsque, n’ayant pas encore nettement défini la théologie comme une activité rationnelle et scientifique du croyant, on ne laissait pas (te distinguer entre ce qui est tenu unanimement par l’Église et s’impose à la foi de tous, et ce qui est la manière de voir d’un individu proposant telle affirmation sous sa responsabilité personnelle, ou encore entre la simple affirmation des faits chrétiens, objet de la prédication ecclésiastique, et l’explication du comment et du pourquoi, à laquelle s’efforce la prédication des docteurs. Origènc en avait déjà fait la remarque au début du De principiis.

La distinction entre dogme et théologie n’a cependant pas toujours été as ; cz présente à la pensée des théologiens et de ceux qui, sans l’être, ont touché au domaine de la théologie. Plusieurs des difficultés soulevées par les modernistes contre le dogme viennent d’un manque de distinction entre le dogme de l’Église et les systèmes ou même la science théologiques. Ainsi de M. Ed. Le Roy dans son fameux article Qu’est-ce qu’un dogme ? repris avec des éclaircissements dans Dogme et critique, Paris, 1907 ; ainsi encore de G. Tyrrell, cf. supra, col. 440. Ce fut donc l’un des bénéfices de la crise moderniste que de faire mieux distinguer du dogme la théologie, la science théologique et les systèmes particuliers de théologie. Les éclaircissements donnés alors n’ont cependant pas suffi et l’on a vii, récemment, soulever contre le catholicisme des difficultés qui, arguant de la présence dans le dogme d’éléments philosophiques périmés, reposaient pour une part sur la vieille méprise et sur le manque de distinction entre dogme et systèmes theologiques. Sur la distinction entre dogme et théologie, au moment du modernisme, cf. les interventions des PP. Sertillanges et Allô dans le débat soulevé par M. Ed. Le Roy (bibliographie dans J. Rivière, Le modernisme dans l’Église, Paris, 1929, p. 250 sq.) ; A. Gardeil, Le donné révélé et la théologie, Paris, 1910 ; L. de Grandmaison, Le dogme chrétien, sa nature, ses formules, son développement, Paris. 3e éd., 1928 ; H. Pinard, art. Dogme, dans le Dict. apologét., t. i, col. 1116-1 148 ; R. Garrigou-Lagrangc, Le sens commun, la philosophie de l’être et les lormules dogmatiques, Paris 1909.

C’est dans la perspective de ce qui vient d’être dit sut dogme et théologie qu’il faut comprendre la différence entre la science théologique et les systèmes théologiques et l’inévitable diversité de ces systèmes dans Il e. Il y a la fui catholique, qui s’impose à tous les nils, parce qu’elle n’est point particularisée dans la pensée d’un seul homme, mais qu’elle est le bien de l’Église comme telle et il y a l’élaboration humaine’l' cette f"i. qu’est la théologie. Par le fait même que cette élaboration est l’œuvre de croyants particuliers et qu’elle s’opère par l’adjonction organique au dogme d’éléments empruntés à la connaissance rationnelle, son produit, la théologie, est. nécessairement Inadé quat à la fuies catholica et, un peu comme l’inadéquation d « i biens particuliers au bien universellement voulu fonde la liberté de choix, cette Inadéquation jusiiiie et, en quelque mesure, entraîne une certaine diversité de théologies. Cette diversité proviendra de ourees principales :

1, La théologie, pas plus que la philosophie, : une œuvre absolument Impersonnelle, une wrU di trurtion purement logique au regard de laquelle de l’homme pensant, son tempéra

ment, son histoire, on i rieure et inte rner. DE TIIKOL. CATHOL.

rieure, pourraient être considérés comme amorphes. En philosophie, par exemple, ces choses, au contraire, orientent vers certaines attitudes qui commandent elles-mêmes les options inspiratrices du système. Et certes la théologie a pour règle un donné proposé par un magistère ecclésiastique, comme la philosophie a pour règle le donné de la connaissance naturelle ; et il est bien établi que la première démarche du théologien est un acte de soumission à ce donné et à ce magistère. Mais ce donné est si riche qu’il autorise des manières différentes de l’aborder et, selon l’orientation d’esprit d’un chacun, des manières différentes de poser les problèmes eux-mêmes. Ce que la foi catholique nous dit de la connaissance et du vouloir de Dieu quant à nos actes libres autorise, à coup sûr, différentes constructions non seulement des réponses, mais des problèmes eux-mêmes, constructions qui dépendent d’un certain angle de vision, lui-même commandé par une orientation initiale dont la raison est à chercher dans une certaine expérience intime, une tradition, une compréhension personnelle des données tout à fait premières. C’est ainsi, par exemple, que les historiens les plus récents du nominalisme ont signalé en celui-ci une conséquence et comme une expression d’une intuition initiale très forte, celle de la souveraine et libre omnipotence divine ; cf. P. Vignaux.dans l’article Nominalisme, ici, t. xi, col. 741-748, et L. Baudry, dans sa préface au De principiis theologiæ, Paris, 1936, p. 35-40. On pourrait faire des remarques de même type sur le molinisme, sur l’augustinisme franciscain, cf. supra, col. o92 sq., sur la théologie de la grâce chez Augustin ou chez Pelage, sur l’ecelésiologie de saint Cyprien, etc.

2. Si la théologie est l’élaboration de la foi par une raison humaine usant de ses ressources propres, il est clair que le contenu et l’inspiration d’un « milieu », le contenu et l’inspiration d’une tradition de vie religieuse et de pensée philosophique détermineront dans une large mesure Pauvre théologique, la construction rationnelle de la foi. Le climat intellectuel d’Alexandrie n’était pas celui de Carthage et l’on a justement souligné l’importance de cette diversité au regard de la diversité des théologies qui ont fleuri ici ou là. D’une manière plus générale, la tradition théologique de l’Orient et celle de l’Occident, en matière trinitaire, ont chacune une homogénéité interne relative et sont cependant diverses en leur manière d’aborder le mystère et de le construire intellectuellement : cf. les Éludes de théologie positive sur la Sainte Trinité, du P. de Régnon, et en particulier la conclusion du t. iii, p. 564 sq., et. du t. iv, p. 533 sq. Des différences semblables existent sur d’autres points entre l’Orient et l’Occident. Elles proviennent d’une manière différente d’aborder les mêmes mystères, la différence étant due à une orientation diverse du regard et de l’effort spéculatif, orientation elle-même conditionnée par une culture, par une tradition de pensée philosophique et religieuse.

3. Au delà de l’intuition religieuse, initiale, au delà du milieu général de la pensée, la diversité des théologies pourra naître du choix délibéré d’instruments conceptuels et philosophiques divers. L’Église, en effet, impose à tous le même donné de foi, mais, en raison même de sa transcendance, ce donné supporte, dans son organisation rationnelle en théologie, le ser

vice d’appareils philosophiques divers. Si le projet,

formé par certains au xvr siècle et jusqu’en plein JCVIIIe siècle d’employer, au lieu de la logique et do la dialectique d’Aristote, celles de Platon avait | fruit, nous aurions eu peut-être, dans l’Eglise catholique, un type di théologie assez différent de celui qui y

a prévalu. I.a tentative d’appliquer a l’ciichari lie la théorie cartésienne île l’étendue, i été condamnée p, n

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