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THÉOLOGIE. LA THÉOLOGIE POSITIVE


{’Évangile de Pierre, sinon en vertu de critères propre-J ment théologiques reçus du magistère de l’Église ? De môme en matière patrislique.

C’est de cette différence de crilère et de source réelle de connaissance et d’appréciation que provient, entre la théologie positive et l’histoire pure, une certaine différence dans les résultats, différence dont la constatation provoque parfois une sorte de malaise. Il y a, en effet, parfois, du point de vue de l’historien, une certaine disproportion entre les affirmations que la théologie tient comme données et les preuves positives ou les appuis documentaires qu’on invoque en faveur de ces affirmations. Certes, comme nous le dirons à propos de la méthode, la théologie positive n’est jamais dispensée de loyauté et de rigueur ; mais, déjà guidée dans sa lecture des documents par un certain sens et une certaine connaissance de ce qu’elle y cherche, elle y découvre plus que ne peut le faire l’historien. A. Landgraf, Les preuves scripluraires et palristiques dans i’argumentation théologique, dans Revue des sciences philos, et théol., t. xx, 1931, p. 287-292 ; F. Cavallera, dans Bull, de littér. ecclésiast., 1925, p. 39 sq.

La méthode de la théologie positive.

Ce que nous

venons de dire de la lumière de la théologie positive nous indique la méthode qu’elle doit suivre. D’un mot, elle utilise les ressources de la raison historique à la manière dont la théologie spéculative utilise les ressources de la raison philosophique. Ceci comporte deux affirmations, dans la délicate conjonction desquelles réside le secret de la théologie positive : ces deux affirmations concernent respectivement les deux notions de ressources de la raison historique et d’utilisation.

1. Ressources de la raison historique.

Ce que la théologie spéculative demande à la raison philosophique, c’est qu’elle soit loyalement elle-même : de manière à lui apporter un service au’hentique et vrai. De même la théologie positive réclame-t-elle le service d’une raison historique loyale, maîtresse au maximum des différentes techniques. Il s’agit ici d’apporter au service de la connaissance théologique du révélé le maximum des ressources authentiques par lesquelles la raison croyante peut entrer en contact avec la Paradosis ecclésiastique, grâce aux documents bibliques et historiques, il est bien clair d’ailleurs qu’on ne peut demander au même homme de posséder toutes les compétences ; le travail théologique est un travail social et réclame des instruments de communication et de collaboration : collections, congrès, bibliothèques, revues surtout, qui sont, depuis le début du x : xe siècle, l’instrument le plus efficace des échanges et de la collaborât ion scientifiques.

Si des progrès sont encore à faire dans la théologie catholique en ce qui concerne l’ampleur et l’exactitude de l’apport positif, surtout peut-être en matière biblique, un progrès considérable a déjà été fait depuis le xix° siècle. On comprend que les exigences de chaque époque soient différentes en ce domaine. La théologie positive a du suivre les évolutions de la raison exégétique et historique. Celle-ci, dans son sens moderne, ne s’est pleinement affirmée qu’après la critique nominaliste et la renaissance humaniste, et plus tard au xixe siècle, déterminant alors la crise que nous avons évoquée plus haut ; mais, avant cela, la raison a eu sa manière de se référer au donné documentaire, et ce qui ne suffirait plus aujourd’hui à une raison historique plus avertie a pu suffire en un autre temps.

2. Leur utilisation.

De la même manière dont la raison philosophique n’est pas maîtresse en théologie spéculative, mais servante, c’est-a-dire accomplissant son travail sous la direction et le contrôle de la foi, de même la raison historique en théologie positive. C’est la condition pour que ses résultats soient vrai ment théologiques. La positive cherche à enrichir, par la connaissance de ses sources, la connaissance da la Paradosis ecclésiastique, qui est le « donné » de la théologie, et c’est pourquoi elle doit employer aussi loyalement et aussi intégralement que possible les ressources de la raison historique. Mais elle ne cherche dans le passé que le témoignage sur le mystère de Dieu révélé. Si elle s’intéresse à saint Augustin ou à la liturgie syrienne, ce n’est pas pour eux-mêmes, c’est en tant que ces choses représentent une expression de la Paradosis ecclésiastique et que le révélé s’y trouve développé et attesté. Aussi la positive ne cherehe-t-elle pas à en faire l’histoire pour elle-même ; mais surtout les étudie-t-elle sous la direction et selon les indications de la prédication ecclésiastique actuelle, en prenant son départ dans la pensée de l’Église actuelle. Cf. Rabeau, op. cit., p. 153 sq.

La méthode de la théologie positive, parce qu’elle est théologique, sera donc « régressive » selon le mot proposé par le P. A. Gardeil, dans Revue thomiste, 1903, p. 1 ; cf. Rabeau, op. cit., p. 155 ; ici, art. Dogmatique, col. 1524, 1533 ; H.-D. Simonin, dans Angelirum, 1938, p. 409-418. La théologie positive prend son point de départ dans le présent, dans l’enseignement actuel de l’Église, mais elle s’efforce d’enrichir ce que lui livre cet enseignement par une connaissance, obtenue en mettant en œuvre toutes les ressources de la raison historique, de ce que livre à ce sujet l’enseignement total de l’Église, le témoignage social intégral sur le révélé, lequel comprend avec l’Écriture, sa principalinr pars, tout le développement et toutes les expressions que le révélé a reçus dans l’Église à travers l’espace et le temps.

Voilà pourquoi la théologie positive trouve parfois dans un document qui, pour l’historien, n’aurait pas un semblable sens, un indice, une expression de la foi actuelle de l’Église ; ainsi, là où l’historien n’aurait pu conclure, le théologien positif, interprétant l’indice, retrouve la continuité du développement. C’est qu’il procède avec la certitude de l’homogénéité de celui-ci, le sens de cette homogénéité et la connaissance du résultat final, au moins en sa substance. Quand l’infaillibilité pontificale, par exemple, est officiellement acquise à la foi commune de l’Église, le théologien positif la retrouve exprimée ou suggérée en des textes, des faits ou des institutions où l’historien, légitimement, ne la voit pas. Car l’historien ne peut donner de sens à un texte que ce qui ressort du texte pris en lui-même ; pour lui, l’implicite n’existe pas, les indices de développements ultérieurs homogènes ne sont admis que difficilement et l’existence d’une doctrine n’est reconnue que si l’on en trouve l’expression documentaire explicite. Cf. Draguet, dans Apologétique, et cf. H.-D. Simonin, dans Angelicum, 1937, p. 143 sq. Pour le théologien positif, la signification d’un texte est éclairée par le dedans ; la plénitude de son sens lui est donnée du dedans, par la voie d’une lecture intérieure qui, sous le bénéfice de la continuité doctrinale, éclaire l’implicite par l’explicite et donne aux indices le sens que manifestera un développement ultérieur. Le texte n’est pour le théologien que le moyen d’une communion plus pleine avec une pensée vivante dont l’âme lui est actuellement donnée ; il s’agit pour lui de retrouver dans le passé les éléments de sa propre vie, de sa propre pensée. La référence au donné documentaire n’est pas, en théologie, une preuve extrinsèque aux assertions proposées ; elle est un élément même de la parole apostolique ou du savoir théologique. Cf. pour l’Antiquité, D. vanden Eynde. o/>.c17..p. 54 ; M.-J.Congar. L’esprit des Pères d’après Môhler, dans Vie spir., avril 1938, suppl., p. 1-25 ; pour le Moyen Age, J. de Ghellinck, dans À us der Geisteswelt des Mittelalters, Festgabe Grabmann, t. i, p. 413 sq., et R. Gagnebet,