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TAMBURINI (PIERRE)

nées. Dès cette époque, il acquit une grande réputation pour sa vaste érudition ; mais son enseignement le rendit suspect à l’évêque et il dut se retirer à Rome. Là, par la protection du cardinal Marefoschi, il fut nommé directeur des études au Séminaire des Irlandais. L’impératrice Marie-Thérèse le désigna comme professeur de théologie morale à l’université de Pavie, où il demeura dix-huit ans ; c’est alors qu’il se lia d’amitié avec Joseph Zola, avec qui il publia quelques ouvrages et il jouit d’une grande autorité auprès de Joseph II et de Léopold II, les deux princes réformateurs de cette époque. L’empereur François-Joseph supprima son enseignement, mais le gouvernement français, durant l’occupation, lui confia la chaire de philosophie morale qu’il occupa jusqu’au moment où la Lombardie fut rendue à l’Autriche. Il mourut, comblé d’honneurs, à l’âge de 90 ans, le 14 mars 1827.

Tamburini est le principal représentant du jansénisme italien, avant et après le synode de Pistoie. Voici ses principaux ouvrages, dont les Nouvelles ecclésiastiques font un pompeux éloge : De summa catholicæ de gratia Christi doctrinæ præstantia, utilitate ac necessitate dissertatio ; accedunt theses de variis humanæ naturæ statibus et de gratia Christi ad tutissima et inconcussa SS. Augustini et Thomæ principia exactæ, Brescia, 1771, in-8o. Tamburini expose ce qu’il appelle la doctrine de l’Église (le jansénisme) et l’opinion erronée de Molina. L’Église tolère le molinisme, mais ne l’approuve point, car elle a fait sienne la doctrine de saint Augustin, avec laquelle le molinisme est en opposition complète, de l’aveu des molinistes eux-mêmes. Seule, la doctrine adoptée par l’Église permet de montrer la nécessité et l’efficacité de la rédemption, d’expliquer la discipline de l’Église par rapport à la pénitence et le dogme du péché originel. Le molinisme, en donnant naissance au système de l’état de nature, conduit directement à l’irréligion. Cet ouvrage de Tamburini, alors professeur au séminaire de Brescia, provoqua les répliques des jésuites contre Tamburini et son confrère Zola. Nouv. eccl., 4 juil. 1773, p. 105-108. L’ouvrage fut réédité à Vienne et à Florence et traduit en français en 1775. Nouv. eccl., 27 mars 1775, p. 51-52. Une septième édition publiée en 1790 fut mise à l’Index, avec d’autres ouvrages de Tamburini, par décret du 2 août 1790. — Lettere di un teologo piacentino, Plaisance, 1772, 3 vol. in-8o, et Lettera III, 1785, où il fait l’apologie de son œuvre. Le jésuite Bolgeni lui répondit dans un écrit intitulé : Il critico corretto, osia Ricerche critiche sopra la Littera III, Macerata, 1786, in-8o. — Analisi del libro delle prescrizioni di Tertulliano, Pavie, 1781, in-8o. L’auteur indique, en s’appuyant sur Tertullien, les caractères de la doctrine et des jugements de l’Église et tire des conclusions contre la règle des partisans de la bulle Unigenitus. qui prétendent donner pour la voix infaillible de l’Église celle du plus grand nombre des évêques, unis au pape. Il prétend que toujours on a reconnu la voix de l’Église dans le consentement libre et unanime du corps des pasteurs, soit assemblés en concile général, soit dispersés. Par suite, la bulle Unigenitus n’est nullement acceptable. Cet écrit fut vivement combattu par divers théologiens : Bruni, Muzzarelli, Nani, Noghera, Cappellari, dans plusieurs écrits : Osservazioni critico-teologiche sopra l’Analisi del libro delle prescrizione di Tertulliano, Assise, 1783 ; une édition de 1784, considérablement augmentée, signale les graves erreurs de Tamburini dans l’exposé du livre de Tertullien. L’ouvrage est de Joseph Fuensalida sous le pseudonyme de Gaétan de Brescia.

Prælectiones de justitia christiana et de sacramentis, Pavie, 1783-1784, t. i et ii, in-8o ; le t. ier fut publié en 1783. Tamburini note le misérable état où le péché originel a réduit la nature humaine, l’étendue de la concupiscence et de l’ignorance, la nécessité d’une grâce toute puissante et les effets de cette grâce qui produit l’amour dominant. Dans cet écrit, l’auteur s’inspire de la fameuse Instruction pastorale de Rastignac sur la Justice chrétienne et des « bons ouvrages » du xviie siècle, de l’ouvrage d’or d’Arnauld. Le Traité des sacrements en général est exposé « d’après la méthode des Pères et des plus graves théologiens et non point d’après la méthode scolastique, aride et propre à dégoûter d’une si belle science, plus capable d’éteindre la piété que de la fortifier et de la nourrir ». Il insiste sur les questions pratiques, par exemple, les dispositions requises pour administrer ou recevoir les sacrements. Il fait de même pour le traité de l’eucharistie et il parle de la sainteté requise pour célébrer la messe. Le t. ii publié en 1784, traite des sacrements de pénitence, d’extrême onction, d’ordre et de mariage. Mais il parle surtout de la pénitence, « parce que c’est dans ce sacrement que les prêtres font les fautes les plus fréquentes et les plus dangereuses, soit par négligence, soit par défaut d’instruction, soit enfin parce qu’ils sont prévenus des opinions fausses et erronées qui ont eu tant de vogue ». Il s’inspire de la Fréquente Communion d’Arnauld et du Traité d’Opstræt, Pastor bonus… « Pour absoudre un pécheur, il ne suffit pas qu’on n’ait pas de preuves qu’il est mal disposé, mais il faut en avoir de positives de sa conversion sincère. Des marques extérieures de repentir ne suffisent pas. » À propos du sacrement de l’ordre, il souligne les droits des curés, et recommande les ouvrages approuvés par le parti : Institution des curés, Les droits du second ordre, Les prêtres juges, dans les conciles, avec les évêques. La puissance ecclésiastique et le soin des Églises ont été confiés solidairement au corps des pasteurs, tant du premier que du second ordre. Il demande la convocation des conciles généraux dont il déplore l’interruption, parce qu’on a introduit les chimères de l’infaillibilité. Pour le mariage, il soutient la thèse que le pouvoir d’établir des empêchements dirimants n’appartient qu’à la puissance temporelle. Nouv. eccl., 8 mai 1786, p. 73-76. Le t. iii a pour titre : De ultimo hominis fine deque virtutibus theologicis et cardinalibus, 1785 ; il insiste surtout sur la nécessité de la foi et de la charité, Nouv. eccl., du 12 juin 1787, p. 92-94 ; enfin le t. iv, De ethice christiana, 1788, fut vivement attaqué par Gusta dans Gli errori di P. Tamburini, 2 vol. in-8o. L’ouvrage de Tamburini fut mis à l’Index le 2 août 1790.

Vera idea della S. Sede, Pavie, 1784, in-8o, et Milan, 1818 ; traduit en français, Paris, 1818, in-8o. Cet écrit de Tamburini reprend et amplifie les thèses du richérisme. L’Église est composée de l’ensemble du clergé et du peuple chrétien. Le siège de Rome est indéfectible, mais l’Église particulière de Rome, gouvernée par le pape, n’est qu’une Église, comme les autres, et elle peut tomber dans l’erreur. Lorsque le pape, évêque de Rome, parle, il ne porte qu’un jugement particulier ; s’il parle avec l’Église de Rome, il n’exprime que le sentiment de cette Église. Pour que les jugements du pape aient une valeur universelle, il faut le consentement moralement unanime de toutes les Églises, comme l’évêque d’un diocèse n’exprime l’avis de son Église que s’il a le consentement de ses curés. Les congrégations romaines ne sont que le conseil privé du pape et, par conséquent, ne peuvent exprimer que l’avis de l’Église de Rome. Le pape ne doit absorber ni les droits des métropolitains, ni les droits des patriarches. La juridiction de primauté ne donne qu’un droit d’inspection et de vigilance ; elle donne au pape le droit de faire observer les saints canons que l’Église a établis pour conserver l’intégrité de la foi, la pureté des mœurs, le bon ordre de la discipline générale et les usages constants de chaque Église particulière. Le pape