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THÉOLOGIE. PROBLÈMES D’AUJOURD’HUI


objet, bien plutôt, dans l’interprétation du révélé et sa construction en un corps organisé.

Enfin, pour se constituer ainsi en science de la foi, la théologie doit avoir une certaine activité visant à établir les propositions de foi. Par cette fonction, la théologie cherche à établir : 1. que les enseignements dogmatiques proposés par l’Église sont véritablement renfermés dans les sources divines de la Révélation ; 2. que la proposition qu’en fait l’Église repose réellement sur une mission divine. C’est la fonction dogmatique, positive ou apologétique de la théologie. Dogmatique, n. 926 sq. La théologie positive est donc cette activité par laquelle la théologie établit l’accord de l’enseignement ecclésiastique, qui est son donné immédiat, Dogmatique, n. 763 sq., avec les sources dans lesquelles la Révélation nous est présentée et transmise ; cf. Mysterien, § 105, n. 2 ; Dogmatique, n. 3, 926 sq., 930 sq., 940.

Au point de vue de la méthodologie théologique, c’est aussi une synthèse, et d’une inspiration semblable à celle de Scheeben, qu’apporta le P. A. Gardcil, avec Le donné révélé et la théologie, Paris, 1910, 2e éd., 1932. Bien au delà d’une polémique ou d’une apologétique liées aux difficultés du moment, le P. Gardeil remontait aux principes propres de la connaissance religieuse, dogmatique et théologique. Sur les points vraiment structuraux, le Donné révélé rétablissait la théologie dans son vrai statut : homogénéité relative du travail théologique au révélé, unité de la théologie qu’intègrent les deux grandes fonctions positive et spéculative, définition de la positive comme une fonction théologique et un travail sur les principes mené sous la régulation de la foi, distinction de la science et des sytèmes théologiques, pleine valeur rationnelle et pleine valeur religieuse du travail théologique, etc. Plusieurs des travaux contemporains les plus notables de méthodologie théologique procèdent de l’ouvrage du P. A. Gardeil : c’est le cas en particulier de L’évolution homogène du dogme catholique, du P. Marin-Sola, qui développe et systématise, au regard du problème du développement du dogme et de la conclusion théologique, l’idée maîtresse du P. Gardeil sur l’homogénéité de la théologie au dogme et du dogme au révélé primitif.

Fr.-J. Clemens, 75e scolasticorum sententia : Philosophiæst ancilla theologiæ. Munster, 1860 ; Die Wahrheit in tlem Streite ùber Philosophie und Théologie, Munster, 1860 (contre Kufm) ; Fr, Lakner, Kleulgen und die kircldiche. Wissenscha.fi Ueutscldands im 13. Jahrhunderl, dans’Leilsch. f. kathol. Throl., t. i.vii, 1933, p. 161-21-1 ; J.-B. Aubry, Essai sur la méthode des études ecclésiastiques, Lille, 1890 sq., 2 vol. ;.J. Didiot, Cours de théologie catholique. Logique surnaturelle subjective. Logique surnaturelle objective, Lille, 1892 sq. ; C. Labcyrie, La science de la loi, La Chapelle-Montligeon, 1903 ;. J.-B. Franzelin, Traclalus de divina Tradilione et Scriptura, Rome-Turin, 1870. — M.-.l. Scheeben, Mysterien des Christentums, c. xi : Die Wissenscha/t von den Mgslerien des Christentums oder die Théologie, 1865 ; llandbuch der kalholischen Dogmalik, Fribourg-en-B., 1873, trad. fr. P. Belet, Paris, 1877 sq., t. i, 2e partie, p. 417 sq. ; art. Glaube, dans le Kirchenlexikon, 2° éd., t. v, col. 616-674 ; sur Scheeben, cf. K. Fschweilcr, Die zivei Wege der neueren Théologie, Augsbouig, 1926, p. 131 sq. ; M. Schmaus, Die Stellung Matthias-Joseph Hcheebens in der’Théologie des 10. Jahrhunderts, et M. (jrabmann, Matthias-Joseph Schcebens Auflassung vont Wesen und Wert der theotogischen Wissenschaft, dans le recueil publié pour le centenaire de la naissance de Scheeben : Multlùas-Joseph Scheeben, der Erneuerer katholischer Glaubenswissenschuft, Mayence, 1935, respectivement p. 31-54 et 57-108. — A. Gaideil./^a re/or/ne de la théologie catholique, dans lievue lliomiste, 19U3, p. 5-19, 197-215, 428-457, 633-649, et 191M, p. 48-76 ; Le donné révélé et la théologie, Paris, 1910 ; sur l’œuvre du P. Gardeil, cf. Bulletin thomiste. Notes et Communications, octobre 1931. — Fr. Marin-Sola, La rvoluciôn hoinogénea del dogma catôlico, Madrid et Valence, 1923, trad. fr. en 2 vol., L’évo lution homogène du dogme catholique, Fribourg-en-Suisse, 1921.

6° Les problèmes, les tendances et les tâches d’aujourd’hui. — Depuis une quarantaine d’années, la théologie, plus que jamais, s’interroge sur elle-même, sur son objet, ses méthodes, ses possibilités, sa place parmi les autres disciplines. Cet effort semble pouvoir être caractérisé ainsi : après une période de mise en question et de tâtonnements, la théologie cherche, au delà des dissociations introduites par le nominalisme, la Réforme, la théologie du xviie siècle, le rationalisme et le modernisme, une unité semblable à celle qu’elle a connue dans son âge d’or médiéval, mais enrichie par l’apport des données, des questions, des méthodes nouvelles, par la mise en œuvre et l’assimilation des disciplines auxiliaires nées depuis le Moyen Age. En même temps, la théologie réalise davantage sa dépendance à l’égard de la communauté et du magistère ecclésiastiques.

La crise par laquelle commence l’effort de réflexion de la théologie sur elle-même, a eu deux points d’application principaux : la question de la valeur scientifique de la théologie et celle du statut de la théologie positive.

Il était fatal que depuis le xve siècle on ait été amené à dénoncer la valeur scientifique de la théologie. La crise n’intervint pourtant que quand des chrétiens, et non pas seulement des incrédules, posèrent la question de savoir si une discipline inféodée à une foi et à une orthodoxie pouvait encore être comptée parmi les sciences et faire, comme telle, l’objet d’un enseignement dans les universités. C’est en Allemagne et dans le protestantisme que la question fut posée par le livre fameux de C.-A. Bernouilli, Die wissenschajlliche und die kircldiche Méthode in der Théologie, Fribourgen-B. , 1897, auquel Overbeck, Lagarde, Duhm et Wellhausen donnèrent leur suffrage. Bernouilli voulait que l’on distinguât deux théologies : l’une affranchie de tout contrôle ecclésiastique, libre de sa recherche et digne du nom de science, l’autre adaptée à la finalité pratique de l’éducation des clercs et sous la dépendance des Églises. Le problème ainsi posé ne pouvait pas ne pas émouvoir les théologiens catholiques. Aussi ont-ils eu, dans ces quarante dernières années, le souci de justifier la qualité scientifique de leur discipline, de défendre la spécificité et la valeur de la connaissance religieuse, de trouver un statut pour la théologie dans l’ensemble des disciplines scientifiques. Sur ce dernier point, l’un des efforts les plus originaux et les plus réussis est sans doute celui de G. Rabeau qui, utilisant la théorie de la « collocation » proposée par Stuart Mil), a pu justifier l’existence et définir le statut, l’objet et la méthode de la théologie comme science d’un ordre de faits ayant sa spécificité ontologique et épistémologique.

Cependant, le problème du statut de la théologie a surtout été traité, ces quarante dernières années, à propos de la théologie positive. La nécessité de faire plus grande la place du donné et des résultats considérables acquis par le xixe siècle dans le domaine positif a déterminé, entre 1898 et 1910 environ, tout un débat sur la nature de la théologie positive, sa place dans la théologie, la nécessaire réforme de celleci, la place à garder à la théologie scolastique. Chez beaucoup d’auteurs le problème était de mettre dorénavant la théologie sous le signe de la positive, comme elle avait été jusque là sous celui de la scolastique. Plusieurs des études versées alors au débat sur la positive sont surtout des défenses de la scolastique, méconnue et rejetée par certains comme l’encombrant héritage d’un siècle révolu. Mais ce dont il s’agissait chez d’autres, c’était du statut et de la méthode de l’enquête positive au regard du travail théologique.