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THÉOLOGIE. DU XVII* SIÈCLE A NOS JOURS


emprise partout. C’est ainsi que parfois la théologie, dans sa partie argumentative, semblera avoir pour objet d’établir apologétiquement la vérité de la religion et donc les vérités de la religion : la substitution fréquente du mot « religion au mot « foi » apportant ici sa nuance. Cette conception est au fond, avec une forte accentuation positive et une timide mention de la déduction de conclusions, celle qui s’affirme dans les c. i et m de la Méthode pour étudier la théologie d’Ellies du Pin, 1716 : « Toute l’étude de la théologie consiste à chercher les moyens par lesquels on peut s’assurer quelle est la Religion véritablement fondée sur la Révélation divine et quelles sont les vérités certainement révélées. » C. i.

Notons ici un dernier fruit de ces positions chez des théologiens modernes. Tandis que les anciens commentateurs de saint Thomas cherchaient la valeur scientifique de la théologie dans sa continuité à la science de Dieu et des bienheureux dans laquelle ses principes sont possédés avec évidence, cf. supra, col. 381, un certain nombre de théologiens, voulant donner à la théologie une valeur scientifique même au regard d’une raison humaine non croyante, trouvent le principe de cette valeur dans la jonction que la théologie peut avoir avec les évidences naturelles par le moyen de la crédibilité et de la démonstration apologétique. C’est la notion d’une « théologie fondamentale », entendue en ce sens que les fondements ou principes de la théologie y seraient établis de la manière qu’on vient de dire. Cette notion, qu’on rencontre par exemple chez A. Dorsch, S. J., Institutiones theologiæ fundamenlalis, t. i, Inspruck, 1930, p. 14, chez H. Dieckmann, S. J., De revelatione christiana, Fribourg, 1930, p. 24, etc., a été combattue, au nom de la tradition thomiste par le P. A. Gardeil, La crédibilité et l’apologétique, 2e éd., Paris, p. 221 sq., et Revue des sciences philos, et théol., 1920, p. 649. Elle garde pourtant des partisans, comme on pourra voir dans J. Bilz, Einfùhrung in die Théologie, Fribourg-en-B., 1935, p. 42, et P. Wyser, Théologie als Wissenschaft, 1938, p. 47, n. 3. B. Poschmann, Der Wissenschaflscharakter der katholischen Théologie, Brestau, 1932, p. 16-21, expose comment, encore que la théologie tienne sa qualité scientifique de la foi seule, une preuve scientifique et rationnelle, extrinsèque d’ailleurs, de l’existence de son objet, la Révélation, est cependant possible et convenable. Ainsi conçu, le rôle de l’apologétique dans le système scientifique de la théologie est non seulement acceptable, mais incontestablement heureux. Et, comme le note avec beaucoup de finesse B. Poschmann, c’est une manière de concilier « les deux voies » divergentes de K. Eschweiler.

K. Eschweiler, Die zwei Wege der neueren Théologie, Augsbourg, 1926 : on trouvera dans cet ouvrage, en particulier p. 263, n. 3 et 266, n. 12, la bibliographie afférente à la question de Vanalysis fldei ; P. Schutt.Das Verhâltnis von Vernunftigkeit und Gôltlichkeit des Glaubens bei Suarez, Warendorꝟ. 1929 ; F. Schlagenheufen, Die Glaubensgewissheit und ihre Begriindung in der N euscholastik, dans Zeitsch. f. kathol. Theol., t. lvi, 1932, p. 313-374, 530-595 ; F. de B. Vizmanos, La apologetica de los escolasticos postridentinos, dans Estud. eclesiast., 1934, p. 418-446 (bibliographie p. 422, n. 8).

VIII. Coup d’œil sur la théologie du xvir » siècle a nos jours. — Après avoir vu les problèmes nouveaux posés devant la théologie à l’époque moderne, puis l’effet de dissociation et de spécialisation causé par ces problèmes, il reste à esquisser les vicissitudes de la notion de théologie du xviie siècle à nos jours : 1. La forme de théologie déterminée par les attitudes nouvelles ; 2. Le marasme de la théologie au temps du philosophisme ; 3. Le renouveau de la théologie au xix » siècle et à l’époque contemporaine.

I. LA THÉO W 01 E NÉE DES TENDANCES U0DERNE8 : DOGMATIQUE ET THÉOLOGIE SCOLASTICO-DOOMATIQUE.

— Au point de vue de la notion de théologie, c’est vers les dernières années du xviie siècle que se fixent les formes modernes de cette science, issues à la fois du mouvement moderne de la Renaissance et du mouvement de défense du concile de Trente. Les grandes écoles de pensée qu’étaient les écoles conventuelles, ou les universités perdent leur éclat. Un fait notable au point de vue de la théologie est la mort des universités comme centres de pensée originale ; elles sont absorbées par les querelles du gallicanisme, du jansénisme, ou se discréditent dans la domestication du joséphisme. L’enseignement de la théologie y continue cependant, ainsi que dans les séminaires et les écoles des ordres religieux. À cela répond le fait que signale Hurter, Nomenclator, t. iv, 3e éd., col. 317 : aux commentaires sur saint Thomas ou sur les Sentences, se substituent, vers 1680, des cours et des manuels systématisés de théologie, où les points de vue positif, scolastique et polémique sont adoptés à la fois et harmonisés. Trois choses, qui se sont suivies chronologiquement, nous semblent caractéristiques de la théologie entre 1680 environ et la fin du xviiie siècle : 1. la méthode dogmatique ; 2. la tendance à se constituer en « système » ; 3. l’organisation pédagogique de la théologie en « Encyclopédies ».

La méthode dogmatique.

Elle est issue de la

nouvelle « positive » et du besoin de proposer, pour l’enseignement, au delà des controverses qui divisent les écoles, une doctrine qui s’impose à tous. L’idée de « dogmatique » est liée au désir d’une doctrine non soumise à disputes, celles-ci se produisant au delà, dans une marge laissée à la liberté. C’est l’époque où se répand la formule célèbre, In dubiis libertas, et où, par exemple, le servite G. -M. Capassi publie un livre intitulé Inlellectus triumphans, in dogmaticis captivus, in scholasticis liber, Florence, 1683.

Le mot dogmaticus existait déjà en théologie et il avait été déjà employé par opposition à moralis ou ethicus, ou encore pour signifier quelque chose de théorique, comportant des positions et des affirmations idéologiques fermes. Cf. O. RitschI, Das Wort dogmaticus in der Geschichte des Sprachgebrauchs bis zum Aufkommen des Ausdruckes theologia dogmatica, dans Festgabe J. Kdjtan, Tubingue, 1920, p. 260-272. Dans la théologie catholique, le mot, employé en opposition non plus à ethicus ou à historiens, mais à scholasticus, prend, vers 1680, semble-t-il, un sens que le texte suivant suffira à faire entendre : Theologiam dogmalicam et moralem in qua, sepositis omnino queestionibus scholasticis, prætermissis etiam positivée theologiæ quæstionibus. .. ea dumtaxat tractentur quæ in concilio Tridenlino fmita sunt aut trad.ta dogmata, vel in ejusdem concilii catechismo exposila… Noël Alexandre, Theologia dogmatica et moralis, 1693, 1. 1, præf. Le mot est encore employé en distinction avec moralis, mais il prend un sens très net de doctrine commune dans l’Église, telle que, évitant les disputes d’école, elle se fonde immédiatement dans les documents du magistère.

Cette idée d’une théologie « dogmatique » est liée, à cette époque, à tout un mouvement de pensée concernant la notion de dogme et les lieux théologiques. On trouve fréquemment, dans les auteurs de cette époque, des précisions nouvelles et passablement compliquées sur le dogme et ses différentes variétés. La division faite par le P. Annat dans son Apparatus ad posilivam theologiam melhodicus, t. I, a. 7, Paris, 1700 (2° éd., 1705, p. 31 : nombreuses éditions), entre dogma imperatum, liberum et toleratum, est acceptée par les auteurs. Gotti, Theol. scholastico-dogmatica, tract. I, q. i, dub. vi, §1 ; Gautier, Prodromus ad theol. dogmatico-scholasticam, Cologne, 1756, diss. II, c. i, a. 2.