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THÉOLOGIE. SOLUTIONS DES HUMANISTES


reviendront, vers la fin du xixe siècle, sous la forme des problèmes et des tentatives de solution qui, mal engagés dans les déviations du « pragmatisme » et du « modernisme », battent encore le seuil de notre théologie.

II. les solutions.

L’humanisme.

L’humanisme

comporte un aspect très marqué de réaction : réaction contre la forme extérieure, peu élégante et fort appauvrie dans ses modes littéraires, de la scolastique. Souvent, le nom de « scolastiquc » sera donné à la théologie qui en reste à la forme « barbare » du Moyen Age. Mais au delà de la question de style, c’est le procès de la méthode dialectique, de la quæslio et de la dispulalio que l’humanisme institue. Car les « questions » sont barbares, excessivement et inutilement subtiles, elles n’ont apporté et n’apportent aux esprits que division et incertitude. De plus, ces questions ne représentent qu’une attitude sèchement intellectuelle de l’esprit, elles se prêtent à l’invasion de la philosophie et des problèmes purement philosophiques dans la théologie, alors que celle-ci ne doit que parler du Christ, mener au Christ, ouvrir le sens profond des Écritures à l’âme intérieurement illuminée. Voir surtout le traité typique de I.eonardo Bruni, Libellas de disputationum excrcilalionisque sludiorum usu, de 1401 (cf. Ph. Monnier, Le Quattrocento, t. i. 6e éd., p. 105 sq.) ; Érasme, Encomium Morias et la préface de son édition du Nouveau Testament, 1516, publiée à part en 1518 sous le titre de Ratio seu methodus compendio perveniendi ad veram theologiam ; enfin, A. Lang, Die Lnci Iheolotjici…, p. 32 sq., 50 sq. ; Petau, Theol. dogm., Proleg.. c. iv, n. 1 (t. i, p. 21), et c. v, n. 6, p. 33, qui répond aux critiques d’Érasme.

Les humanistes n’attaquent que pour remplacer. Au lieu de la dispulatio et de la méthode dialectique, ils veulent voir cultiver les textes et la méthode exégétique, le texte de la Bible d’abord, celui des auteurs anciens ensuite’. La sincera theologia, la philosophia Christi, c’est l’Écriture lue pour elle-même, dans son texte original, grec, ou hébreu et. en second lieu, les cci il s de ceux qui, plus proches des origines, avaient un sens plus pur et plus simple de l’Évangile. Il ne , pour le théologien, que de les comprendre et de les proposer. Aussi r’est-on pas étonné de voir les humanistes reprendre, pour nommer cette doctrine chrétienne sans adjonction, le vocable par lequel déjà les Pères, les Pères grecs surtout, avaient désigné l’Évangile : Philosophia Christi ou Philosophia christiana. Ainsi, après son Epislola de philosophia christiana, 1518. l’.rasme publiera une Lxhortatio ad philosophia christianæ studium, 1519-1520. qui, en moins de vingt ans connaîtra Irente-cinq éditions.

Il y avait d’abord, dans le programme humaniste, tout un côté positif, correspondant à l’apparition d’une ressource nouvelle de l’esprit humain que la théologie se devail d’assimiler. Comme avènement du point de vue et de la méthode historiques, comme rappel aux sources de la théologie et comme pourvoyeur de textes, l’humanisme représentait un mouvement normal et fécond. Aussi bien le progrès réalisé par Érasme ou ^rà* à son influence dans les études bibliques fut il. en partie du moins, consacré dans la du concile de In nie ; cf. Ail geler, Enunuu und Kardinal Ximenns in’/<vi Verhandlungen des KontiU ion Trient, Uurgeach, Spa tlfens, lus ; —, von II. Iinke, t. iv, Munster, 1033, p. 193 int, le pr. gramme érasmien ne se contentait

riuer ou de compléter la scol astique ; il la

remplaçait et dune, en somme, la supprimait. Il n’y

voil plus de place, chez Érasme, pour une

ion intellectuelle de la doctrine chrétienne

sous une forme scientifique correspondant aux BXJ

gences de la raison spéculative. Il n’y avait place que pour une connaissance détaillée des textes, inspiratrice de vie morale, non pour une spéculation s’appliquant à élaborer une connaissance scientifique de la nature des choses chrétiennes. Aussi A. Humbert a-t-il dit très justement de John Colet et de ses émules que, catholiques d’intention et de position, « ils ne saisissent plus l’ensemble doctrinal de la foi ». Op. cit., p. 102 ; cf. p. 194 sq., et surtout Gœrung, op. cit., p. 148 sq., 186 sq., 214 sq., et R. Gagnebet, La nature de la théologie spéculative. Le procès de la théologie spéculative au x vie siècle : Luther et Érasme, dans Revue thomiste, 1938. p. 615-674.

Certes, l’humanisme avait représenté, lui aussi, surtout en son premier état, chez Ficin et chez Pic, une union de la Révélation chrétienne et de la pensée philosophique païenne. Mais cette union s’opérait en de toutes autres conditions que dans la scolastique. Dans celle-ci, Platon et Aristote intervenaient pour le seul contenu de vérité spéculative que leurs écrits révélaient ; leur pensée pouvait ainsi entrer dans la constitution même d’une doctrine proprement théologique. Ici, même lorsqu’on le joint à l’Évangile, Platon reste lui-même, Aristote reste lui-même ; ils ne sont pas réduits à un contenu de vérité spéculative qui ne soit plus ni Platon ni Aristote comme tels, mais vérité objective acquise par l’esprit. D’où le caractère de juxtaposition que présentent les traités humanistes, leur caractère composite, leur allure d’ « essai », leur aspect apologétique ; les philosophies païennes y semblent des illustrations ou des étais du dehors plutôt qu’un ferment interne de la pensée en travail de construction.

Chez Érasme lui-même, il n’est même pas question de cela. Il n’est pas seulement antiscolaslique, il est antispéculatif et, sans qu’on puisse dire qu’il ait été antidogmatique, il se serait contenté volontiers d’un certain fidéisme, avec une tendance à réduire la religion aux éléments moraux ; voir, par exemple, De servo arbilrio. éd. de Leyde, Opéra, t. ix, col. 1217. Par cet aspect antilhéologique, malgré leur attachement à l’Église, Érasme et l’humanisme ont préparé la religion sans dogmes qui, après Spinoza, sera celle du déisme moderne et sera d’un si grand rôle dans l’inspiration de 1’ « incroyance » actuelle.

Luther.

Nous voulons seulement caractériser

la position du réformateur, qui représente un augustinisme exaspéré et sorti de ses attaches catholiques. On peut résumer sans la schématiser à l’excès, la position de Luther en ces lignes :

1. Il ne s’agii, dans le christianisme que du salut. Or, mon salut est dans le Christ seul et il suppose que je me convertisse à lui, ce pour quoi nous a été donnée sa Parole, dans l’Écriture, et la prédication de cette Parole, dans l’Église. Ni l’Écriture, ni l’enseignement des docteurs n’ont d’autre but que de nous convertir de ce qui n’est pas le Christ à ce qui est le Christ et de nous mettre le Christ sauveur, c’est-à-dire crucifié, dans le cœur. Il y a là une double affirmation : 1° le salut, qui est le Christ, suppose qu’on se convertisse de ce qui n’est pas lui, c’est-à-dire de l’extérieur, de tout ce que saint Paul appelle la I ol > et qui englobe, selon Luther, tout ce qui est œuvre extérieure à l’Évangile, à une foi qui consiste essentl llement en une

totale défiance de soi et en nue confiance éperdue dans

le Christ sauveur et miséricordieux. 2° L’Écriture et la

doctrine chrétienne, qui ne concernent que le salut. c’est-à-dire la conversion susdite, ne nous apportent

pas une connaissance spéculai Ive des choses, mois sont

purement orientées à nous faire faire celle conversion du sensible et de nolie monde au monde du salut et du (.lirist. Il y a donc, entre la manière dont la philosophie, science de notre monde, et la théologie <>u la