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THÉOLOGIE. LA CRITIQUE, SCOT


Roger Marston, Gonzalve de Balboa ou Valbonne ; textes inédits d’Odon Rigaud, Jean Pecham, Matthieu d’Aquasparta, Pierre de Trabibus, Guillaume de Ware) ; R. Gagnebet, La nature de la théologie spéculative, dans Revue thomiste, 1938, p. 1-39, 213-255.

Sur l’ensemble des débats concernant la théologie que nous venons d’évoquer : E. Krebs, Théologie und Wissenschaft nach der Lehre derllochscholastik an der Handderbis-’her ungedruckten Defensa duclrinæ S. Thomæ, dans Beitràge, t. XI, fasc. 3-4, Munster, 1912 ; A. Bielmeier, Die Stellungnahme des Jlervieus A’atalis.O. P. († 13231, in der Frage nach dem Wissenschajtscharakter der Théologie, dans Divus Thomas, Fribourg, 1925, p. 399-414 ; R. Egenter, Vcrnunfl und Glaubenswalirheil im Aufbau der theologischen Wissenschaft nach Aegidius Homanus, dans Philosophia perennis, Festgabe Geyer, t. i, p. 195-208 ; J. Kïuzinger, Alfonsus Vargas Toletanus und seine theologische Einleitungslehrc. Ein Beitrag zur Geschichle der Scholastik im li.Jahrhundcrl, dans Beitràge, t. xxii, fasc. 5-6, Munster, 1930 ; B. Pergamo, De quæslionibus ineditis Fr.Odonis Rigaldi, Fr. Guglielmi de Melitona et Cod. Vat. lat. 782 circa naturam theologiæ deque earum relatione ad Sunimam theol. Fr. Alexandri Halensis, dans Archiu. francise, hist., t. xxix, 1936, p. 3-54, 308-364.

IV. LE XIVe SIÈCLE. LA CRITIQUE THÉOLOOIQVE. —

Duns Scot.

Scot a exposé sa notion de théologie

le plus expressément dans VOpu.i Oxoniense (avant 1302), prol. et t. III, dist. XXIV, éd. Vives, t. viii, p. 8-293, t. xv, p. 32-53, et dans les Reporlata Parisiensia, prol., t. xxii, p. 6-53.

La position de Scot est originale par l’accent qu’elle met sur une critique de notre connaissance naturelle et surnaturelle de Dieu, des conditions et des limites de cette connaissance. Cette critique semble inspirée par la réaction contre le « naturalisme » philosophique albertino-thomiste et contre le naturalisme absolu des « artiens » d’inspiration averroïste. De ce côté, Scot continue la ligne de Bonaventure, Matthieu d’Aquasparta et Jean Pecham et reprend la direction qui venait de s’affirmer dans les condamnations de 1270 et 1277. D’autre part, Scot esquisse une réaction de défense contre le noininalisme naissant : d’où, chez lui, le souci de déterminer le domaine des certitudes métaphysiques, ce qu’il ne peut faire qu’en rentrant lui-même, fût-ce avec une intention résolument réaliste, dans le courant critique qui va miner la théologie.

Très tôt, l’école franciscaine a senti et affirmé la différence radicale entre le Dieu des philosophes et celui des chrétiens. Ce sentiment s’est exprimé dans un choix, non seulement en faveur d’Augustin contre Aristote et la philosophie, mais dans le choix, parmi les commentateurs d’Aristote, d’Avicenne contre Averroès. Ceci est vrai en particulier dans la question de l’objet de l’intelligence et de l’objet de la métaphygique. Il est remarquable que déjà Odon Rigaud, vers 1245, ait indiqué que peut-être l’objet, subjectum, de la métaphysique n’était pas Dieu, mais l’être ; cf. Archiv. francise, hist., 1936, p. 27-28. Scot reprend cette-idée : la métaphysique a pour objet l’être déterminé par les catégories et dénommé par les transi en dentaux. Aussi elle ne porte pas directement sur Dieu qu’elle n’atteint que confuse, dans son idée généiale d’être, et, lorsqu’elle veut poser des affirmations sur Dieu, elle ne peut que constater son Impuissance. < f. Op. Oxon., prol.. (|. i, n. 17, t. viii, p, 86 ; q. m et (|. iv lat., n. 29, p. 189 Rep. Paris., prol., q. iii, a. I, t. xxii, p. 17, et n. 15, p. 52 ; Theoremata, xiv, l, t. v,

Seule la théologie parle directement « le Dieu. Rncore faut il distinguer Ce dont il s’agit Ici, « ’est de connaître Dieu en lui-même, dur. on Individualité propre, connaître Dieu non plus confuse, mais ut hic. On, une telle connaissance ne peut être en toute vérité le

fait que d’une intuition de l’cssenci divine. Dieu seul, dont l’essence correspond à l’Intellect, a par nature cette Intuition. Ainsi, a considérer ce qu’on peut

appeler la théologie en soi. doit-on dire que Dieu seul est théologien. Op. Oxon., prol., q. n later., n. 4 et 23, t. viii, p. 122 et 175 ; Rep. Paris., prol., q. i, n. 40, t. xxii, p. 28. Mais nous pouvons, par révélation, en atteindre l’objet, Dcus ui hic, non pas intuitivement, mais à travers l’idée â’ens infmitum, qui est l’idée la plus haute que nous puissions nous former de Dieu. Tel est le statut de notre théologie. Op. Oxon., prol., q. n later., n. 1 et 12, t. viii, p. 123 et 150 sq. N’atteignant Deus ut hic, et donc n’étant théologie que par révélation, elle sera nécessairement positive et scripturaire, et ne pourra poser d’affirmation valide sur Dieu que de ce qui nous est livré, ex vohmlale Dei revelantis (notion ù’objectum voluntarium). Op. Oxon., prol., q. ii, n. 24, t. viii, p. 179. Scot accentue fortement le caractère singulier de tout ce qui concerne Dieu lui-même, essentia ut h&c, sur quoi la métaphysique, qui ne sait rien de cet être singulier et de son vouloir particulier, ne peut nous renseigner. Mieux, l’Écriture et la Tradition qui la complète ne nous étant données que dans et par l’Église, notre théologie sera nécessairement ecclésiastique, dépendante de l’Église.

Mais, bien que Scot ait reçu la marque du milieu plus positif d’Oxford et qu’il développe la critique théologique, nous n’en sommes pas avec lui au fidéisme qui sera la conséquence de cette même critique et surtout du noininalisme. Impuissante à fonder une science portant sur Dieu, lorsqu’elle est livrée à ses seules forces, la raison redevient, dans l’utilisation qu’en fait le théologien, une efficace pourvoyeuse de rationes necessariæ. Ce n’est pas que Scot pense qu’on puisse démontrer d’une façon évidente, même par la raison fortifiée par la foi, les vérités de la foi. Il faut en effet distinguer : on peut très bien proposer des rationes necessariæ qui cependant n’apportent pas l’évidence de la nécessité sur laquelle elles se fondent : Ad auctoritates Richardi et Anselmi dicendum, quod adducunt ipsi, sicut et cœteri doctores, rationes necessarias, sed non evidenter necessarias ; non enim onuie necessarium est evidenter necessarium. Rep. Paris., prol., q. H, n. 18, t. xxii, p. 43. Il ne peut y avoir, dans notre théologie, aucune démonstration par une raison nécessaire évidente, car une telle démonstration doit se faire ex aliquibus necessariis per se noiis médiate vel immédiate. Dès lors, ce que nous pouvons, c’est atteindre autant que possible la substance des raisons nécessaires, tendre le plus possible du moins probable au plus probable et au presqu’évident, mais sans jamais atteindre à l’évidence : Dieu seul est pleinement théologien. Il semble que, dans les meilleurs cas, de telles raisons puissent, aboutir normalement, selon Scot, à montrer la possibilité, non pas le fait du mystère, mais sa possibilité ; cf. liep. Paris., I. II, dist. I.q.iv, n. 18, t. xxii, p. 517 et Op. Oxon., I. II, dist. I, q. iii, n. 10, t. xi, p. 70.

Ce manque d’évidence dans les arguments de la théologie empêche radicalement celle-ci, selon Scot, d’être une science, du moins dans le sens propre du mot. Op. Oxon., prol., q. III et iv later., n. 26, t. viii, p. 1 s : -t ; I. III, dist. XXIV, q. unie, n. 13. On ne. peut sauver la qualité scientifique de notre théologie par l’idée <i science subalternée, dont il n’est pas sûr, à vrai duc. ipie Seul fasse une critique efficace. Op. Oxon., prol., q. m et IV later., n. Il sq.. t. viii, p. 102 sq. ; Rep. Paris., prol.. q, ii, n. 1 sq.. et I. III, dist. W1Y. (|. unie, n. 3 sq., t. xxii. p. 35 et t. xxiii. p. 117 sq.

Ainsi la théologie n’est-elle pas science, du moins au sens propre et rigoureux du mot. Mais, si Dieu n’est vraiment tclbiltt que par lui-même, dans la vision Intuitive de son essence singulière. Il est operabtlis, altingibllis par nous dès cette vie ; Nos (par opposition .m Philo ophe) autem ponimus cognoscibile operabtle, i attingibile per operationem, quet est vert praxis,