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THÉOLOGIE. POSITIONS D’ÉCOLE


Il est clair qu’à mon : - de faire de la théologie une dialectique purement forme le et d’aller jusqu’à admettre, comme on le fera plus tard, qu’il peut y avoir théologie sans la foi, ou ne pouvait soutenir sa qualité de science qu’en marquant fortement sa jonction à la science de Dieu et des bienheureux, c’est-à-dire en affirmant son caractère de science subalternée. Plus tard. Cajétan soulignera cette exigence de continuatio moyennant quoi la science des théologiens ne se réduit pas à scire illationcs tantum : Coin, in 7° iii, q. i, a. 2, n. 12 ; cf. Bafiez, Coin, in / iiii, q. i, a. 2, éd. de 1934, p. 20 ; Jean de Saint-Thomas, etc. Cette qualité de science subalternée, attaquée par Uuns Scot, Op. Oxon., . III, dist. XX IV, q. unie, n. 2-4, est critiquée par beaucoup de théologiens du début du xive siècle et n’est admise par eux que dans un sens large et impropre.

Parmi les docteurs de la fin du xiiie siècle, Henri de Gand demeure assez isolé dans sa position quant à la cause formelle de la théologie et plus précisément quant à sa lumière. Elle consiste à admettre, entre la foi et la vision, une lumière intermédiaire spéciale, infusée par Dieu, illustratio specialis, lumen supernaturale, qui serait la réalité propre de la science théologique.

Cause matérielle.

C’est la question, maintes fois

agitée et sur laquelle tout théologien devait bien prendre parti, du sujet de la théologie, c’est-à-dire : de qui ou de quoi parle-t-on en théologie ? La question est posée en réféience aux classifications d’Aristote, Anal. Post., t. I, c. vu et x. Nous ne pouvons ici que classer les opinions d’une manière documentaire. On peut, semble-t-il, en dénombrer sept, que nous énumérerons sans souci de classement selon la chronologie ou selon la valeur :

1. Christus tolus ou Christus inleger.

Position attribuée à Cassiodore, In Psalmos, prsef., c. iii, P. L., t. lxx, col. 15, et qui eût pu se réclamer aussi de saint Augustin. Elle est partagée par Robert de Melun, Sententiæ, t. I, part. I, c. vin (Cod. Brug*n. 191, fol. 11°, cité par Mersch, art. cité infra, p. 137) ; Roland de Crémone (cf. E. Filthaut, Roland von Cremona, O. P., und die Anfdnge der Scholastik im Predigerorden, Vechta, 1936, p. 122) ; Kihvardby, De natura theologiæ, éd. Stegmùller, p. 13 sq. ; Odon Rigaud, dans ses Quæstiones theol., q. iii, cité dans Archiv. francise, hist., 1936 ; Guillaume de Méliton, Qusest. theol., q. iv, n. 1 ; Robert Grossetète, Hexæmeron, in princ, texte édité par J.-G. Phelan, An unedited lext of Robert Grosseteste on the subject-matter of theology, dans Revue néoscol. de philos., t. xxxvi, 1934, p. 172-179 ; plus tard enfin, par Gabriel Biel et Pierre d’Ailly. Cf. E. Mersch, L’objet de la théologie et le « Christus totus », dans Rech. de science relig., t. xxvi, 1936, p. 129-157.

2. Res et signa.

C’est la division techniquement augustinienne, Augustin, De doctr. christ., t. I, c. ii, n. 2, P. L., t. xxxiv, col. 19, reprise par Pierre Lombard.

3. Opéra conditionis et reparationis.

C’est la division d’Hugues de Saint-Victor, de Pierre le Mangeur, de ceux qui dépendent de l’un et de l’autre. Hugues, De sacram. christ, fidei, prol., c. ii, P. L., t. clxxvi, col. 183 ; De Scripturis, c. ii, P. L., t. clxxv, col. Il ; Excerp. prior., t. II, c. i, P. L., t. clxxvii, col. 203.

4. Deus inquantum est oc et a, principium et finis. — Opinion d’Albert le Grand, In I" m Sent., dist. I, a. 2, et de son disciple Ulrich de Strasbourg, Summa de bono, I, tract, ii, c. ii, éd. Daguillon, p. 33. Albert semble bien, dans sa Summa theol., tr. I, q. iii, memb.2, critiquer la position de saint Thomas sur l’unité de la théologie prise dans le revelabile.

5. Deus ; omnia sub ralione Dei. — C’est la position vigoureuse et simple de saint Thomas, Suin. theol., 1°, q. i, a. 7. Elle a été aussi, fin du xiiie et début du

xiv c siècle, celle de Duns Scot, Opus Oxon., prol., q. m late’., n. 4 ; Report. Paris., q. ii, n. 4, et de son disciple Jean de Basoîiis, de Hervé Nédellec, Henri de Gand et Godefroid de fontaines, etc. Cf. Krebs, op. cit.

6. Une position que l’on pourrait appeler synthétique et qui, malgré leur indéniable tendance christologique, est celle d’Alexandre de H aies, saint Bonaventure, Odon Rigaud et Pecham. Alexandre, Sum. theol., t. I, trac, intr., q. i, c. iii, accueille à la fois les opéra reparationis, Christus et aussi Deus sive divina substantia ; il se résume lui-même, en fin de question, p. 13 : Doctrina theologia-est de. substantia Dei efficiente per Christum opus reparationis humonæ. Bonaventure propose une vue synthétique encore plus complète, distinguant Je sujet auquel tout se réfère ut ad principium, et c’est Dieu ; celui auquel tout se réfère ut ad totum integrum, et c’est le Christ total ; celui enfin auquel tout se réfère ut ad tohim universale, et c’e t res et signa, ou credibile prout transit in rationem intelligibilis per additionem rationis. In l um Sent., prorem., q. i, t. i, p. 7 ; Brevil., prol., § 4, t. v, p. 205.

7. Enfin, nous aurons la réponse d’Olieu, qui représente une autre manière de mettre tout le monde d’accord, en disant qu’il n’y a pas lieu de rechercher une unité de sujet dans une matière sublime, transcendens omnem materiam et genus ; cf. Krebs, p. 56*-57*.

4° La cause finale peut être abordée de deux points de vue, ainsi que le fait, par exemple, Hervé Nédellec. Du point de vue de la nécessité d’une science surnaturelle et, à cet égard, comme le dit le même Hervé (Krebs, p. 84*), il n’y a pas de difficulté. Du point de vue de la finalité de cette science, et c’est la question, fort discutée, du caractèie spéculatif ou pratique de la théologie. Il est très notable, que, sous des positions systématiques diverses et dont la diversité n’est certes pas superficielle, nos théologiens obéissent tous au sentiment du caractère original de la théologie, qui ne peut rentrer univoquement dans les catégories d’Aristote. Rares sont ceux qui acceptent de dire purement et simplement que la théologie est une science pratique, ainsi Odon Rigaud, Guillaume de Méliton, Auriol, Scot enfin, mais en élargissant la notion aristotélicienne de science pratique par l’idée de praxis circa finem.

Le plus grand nombre des théologiens médiévaux voient dans la théologie une science d’un genre spécial, à la fois spéculative et pratique, ordonnée principalement à nous unir à notre fin, et qu’ils appellent affective. Albert le Grand a, mieux que tous, formulé cette qualité originale de la théologie : Ista scientia proprie est affectiva id est veritatis quæ non sequestratur a ralione boni, et ideo perficit et intelleclum et affectum. In 7um Sent, , dist. I, a. 4, éd. Borgnet, t. xxv, p. 18.

Saint Thomas fut presque seul, au xiir » siècle, à affirmer le caractère principalement spéculatif de la théologie, tout en soulignant que, au titre de sagesse communiquée de la science de Dieu, elle comprenait à la fois et dépassait le pratique et le spéculatif. Sum. theol., I », q. i, a. 4 et 6. Mais le plus grand nombre des théologiens dominicains de la fin du xiiie siècle et du début du xiv furent fidèles à la position du Docteur commun.

Sur la question : « spéculative ou pratique ?, cf. E. Krebs, op. cit., p. 85* sq. ; M.Grabmann, De qua’stione : « L’irum theologia sit scientia speeulatiua seu practica’aB. Alberto Magno et S. Thoma Aq. pertractata, dans Alberto Magno. Alti delta Selliwana albertina, Rome, 1932, p. 107-126 (textes de saint Thomas, Albert, Ulrich de Strasbourg, Bombolognus, Jean Quidort, Gilles de Rome, Thomas de Strasbourg, Prosper de Reggio) ; L. Amorôs, La teologia como cieticia prâctica en la escuelo franciseanu en los tiempos que preceden a Escoto, dans Archives d’hist. doctr. et liltér. du Moyen Age, t. ix, 1934, p. 261-3(13 (textes d’Alexandre de Halès, Bonaventure, Gauthier de Bruges, Richard de Mediavilla,