Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.1.djvu/199

Cette page n’a pas encore été corrigée

383

TU Ko LUC I E. SA I NT T 1 1 o M VS

; s’,

de multiples analogies empruntées à l’ordre naturel. In Boet. de Trin., q. n. a. 3. Ajoutons que de tels arguments, s’ils ne constituent pas des preuves, ont cependant une réelle valeur apologétique et apportent une aide à la foi. In I" m Sent., prol.. a. - r > ; In Boet. de Trin., q. ii, a. 1, ad 5um ; Sum. theol., IIa-IIæ, q. i, a. 5, ad 2um. b) La pratique de saint Thomas. — La méthode théologique que saint Thomas a réellement pratiquée répond à ce programme. Nous ne traiterons pas ici la question de la documentation de saint Thomas, ni même celle de sa manière de se référer au donné révélé et de traiter les documents de ce donné et en particulier les Pères ; cf. ici, art. Frères-prêcheurs, t. vi, col. 876 sq. ; l’art. Thomas d’Aquin. Mais nous voulons reprendre rapidement les quatre chefs d’intervention de la raison distingués plus haut et voir comment saint Thomas en a entendu l’usage.

a. Les preeambula fidei. — On sait que, là où il peut prouver des vérités transcendantes, saint Thomas y apporte une rigueur jamais surpassée. Ainsi de l’existence de Dieu, Sum. theol., I », q. ii, a. 1, du pouvoir créateur réservé à Dieu seul, q. xlv, a. 5, de l’immortalité de l’âme, q. lxxv, a. 6, de l’impossibilité pour l’homme de trouver la béatitude dans un bien créé, I a - 11^, q. ii, a. 8, etc. Par ailleurs, il est utile de noter que des expressions telles que oportet, patet. necesse est, ne comportent pas toujours, chez saint Thomas, le sens le plus rigoureux ; cf. P. Rousselot, L’intellectualisme de saint Thomas. 2e éd., p. 149 sq.

b. La fonction de défense. — On sait avec quelle richesse d’argumentation saint Thomas l’a exercée contre les Gentiles. Mais il y a lieu de souligner, dans son travail spéculatif lui-même, l’importance de la fonction de défense. La garde de la pureté de la doctrine, la poursuite et la réfutation des hérésies lui ont toujours paru être au premier plan dans la mission du docteur chrétien. Dans beaucoup d’articles, l’élaboration spéculative est destinée à bien montrer de quelles méconnaissances ont procédé les erreurs sur le sujet et comment il faut construire intellectuellement le mystère pour éviter lesdites erreurs. Cf. Q. disp. de potentia, q. ii, a. 5 ; q. x, a. 2 ; Sum. theol., I a, q.xxvii, a. 1 ; Comp. theol., i, c. 202 sq., et surtout le 1. IV du Contra Gentiles et tout l’opuscule De arlic. fidei et Ecclesiæ sacram.

c. Rôle d’inférenec et de démonstration. — Saint Thomas semble avoir peu exercé cette fonction de la théologie dans le sens de l’obtention de conclusions théologiques objectivement nouvelles par rapport au donné révélé. Sans doute faudrait-il ranger dans cette catégorie certaines thèses concernant la morale ou la christologie, où l’introduction de principes éthiques et anthropologiques a permis une élaboration nouvelle. Ainsi la distinction des vertus et des dons, le système des vertus dans la IIa-IIæ, l’affirmation de l’unité d’être dans le Christ, de l’exercice d’un intellect actif en lui, etc.

Mais, dans la pratique, saint Thomas s’en tient le plus souvent à fonder une vérité qui fait partie de l’enseignement sacré sur une autre vérité mieux connue, qui en fait également partie, de manière à joindre à la connaissance du pur fait la connaissance de sa raison, propter quid sit verum, et à doubler les pures adhésions de la foi d’une connaissance scientifique établie à l’intérieur même de ces adhésions, par une mise en ordre rationnelle des dogmes. Tel est évidemment le cas pour les vérités accessibles à la raison qui rentrent dans les præambula fidei et dont saint Thomas n’établit pas l’an sint sans donner la raison propter quid sint ; mais tel est aussi le cas de pures vérités de foi et d’abord de celle dont il donne lui-même l’exemple, notre résurrection en tant que non seulement aflirmée comme un fait, mais fondée dans

celle du Christ comme dans son principe. Cf. Corn, in I Cor., c. xv. lect. 2 (où saint Thomas institue précisément sur ce sujet une véritable quæstio) ; Sum. theol., III a, q. lvi. (/est vraiment investigare radicem et facere scire quomodo sit verum que de rattacher, dans la construction théologique, notre résurrection à celle du Christ. Chercher la raison des uns dans les autres, telle est cette fonction de la théologie, quand saint Thomas, par exemple, rattache le fait des perfections et des faiblesses du Christ à sa mission de Rédempteur, sur quoi il en assigne la raison et en dégage l’intelligibilité.

Ainsi le travail théologique établit-il une sorte de double scientifique des énoncés de la foi : non certes en prouvant par la raison le fait des vérités révélées, mais en trouvant, à l’intérieur de la foi et sous sa conduite, le fondement des vérités secondaires dans les vérités principales. De cette manière, ce qui était d’abord seulement cru devient à la fois cru et su : en tant que fait révélé, il est toujours cru, et non su ; en tant que rattaché à une autre vérité révélée et expliqué par la raison théologique, il est devenu, dans des conditions certes imparfaites, objet d’une science et d’un habitus scientifique : cf. De veritate, q. xiv, a. 9, ad 3°’" ; Sum. theol., II » -II « >, q. i, a. 5, ad 2um.

d. Rôle explicatif et déclaratif. — C’est une fonction extrêmement riche de la théologie, qui va de la simple explication, grâce à des analogies et des arguments de convenance, jusqu’à l’explication essentielle. Nous y trouvons d’abord des explications des énoncés de la foi ; elles consistent à interpréter en catégories justifiées en science humaine, les énoncés non systématiques de l’enseignement chrétien, soit qu’il s’agisse des notions premières mises en œuvre dans chaque traité, soit qu’il s’agisse de tout un mystère dont la construction intellectuelle se poursuit à travers tout un traité. C’est ainsi que les catégories d’une anthropologie scientifique servent constamment, dans le traité du Christ, à interpréter et à organiser rationnellement le donné révélé, ou, dans le traité des sacrements, les catégories de cause et de signe. Quant au premier cas (interprétation systématique des notions), la Somme en présente de nombreux exemples, en particulier dans la II a, où la plupart des traités commencent par une définition de la vertu dont il s’agit. Cf. la-II*, q. lv, a. 4 ; q. lxxi, a. 6 ; q. xc, a. 1 ; II » -II B, q. iv, a. 1 ; q. xxiii, a. 1 ; q. lviii, a. 1 ; q. lxxxi, a. 1.

Les arguments de convenance, qui s’efforcent de faire admettre et comprendre un mystère chrétien par analogie avec ce que l’on remarque dans l’univers connu, sont fréquents dans l’œuvre de saint Thomas. Ils constituent une des tâches principales de sa théologie et peut-être même sa tâche principale. Saint Thomas excelle à manifester ces harmonies du monde surnaturel avec le monde naturel et à insérer un fait particulier dans une loi universelle débordant l’ordre moral lui-même et régissant tout ce qui est. Exemples : Sum. theol., II’-II*, q. ii, a. 3, pour la question : Utrum credere aliquid supra ralionem naturalem sit necessarium ad satutem ? ; q. civ, a. 1, pour la question : Utrum homo debeat obedire homini ? ; III », q. vii, a. 9, pour la question : Utrum in Christo fueril plenitudo gratis ?? etc.

Certes il sait très bien que la loi générale invoquée n’est pas ce qui rend raison de l’existence du fait chrétien. Quand il invoque ce principe que plus un récepteur est proche d’une cause qui influe sur lui, plus il participe de cette influence, III », q. vii, a. 9, il sait très bien que ce n’est pas pour cela que le Christ a la plénitude de la grâce, mais il pense que cela peut aider quiconque sait déjà, par la foi, que le Christ est plenus gratiæ, à construire intellectuellement et à comprendre en quelque mesure ce mystère. Et, de