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THÉOLOCxIE. SAINT THOMAS


premier, tout ce qu’on peut y rattacher comme une conclusion.

Par ce travail, la sacra doclrina reproduira, autant qu’elle le pourra, la science de Dieu, c’est-à-dire l’ordre selon lequel Dieu, dans sa sagesse, rattache toutes choses les unes aux autres, selon leur degré d’intelligibilité et d’être, et finalement toutes à lui-même. Nous sommes ici au cœur de la notion thomiste de théologie et ce ne sont plus seulement les a. 2 et 8 de la Somme que nous y trouvons, mais aussi l’a. 7 et les affirmations de saint Thomas sur les arliculi et les per se crcdibilia. II s’agit, pour le théologien, de retrouver et Je reconstruire, dans une science humaine, les lignes, les enchaînements, l’ordre de la science de Dieu. Dans l’enseignement sacré, le sage chrétien s’appliquera à rattacher les choses plus secondaires, qui ont eu soi moins d’être et moins de lumière, aux réalités plus premières qui en ont davantage.

Ce rattachement des vérités-conclusions aux véritésprincipes, saint Thomas l’a conçu selon le schème que voici : les principes sont les arliculi ftdei, qui sont per se et directe objets de Révélation et donc de foi, c’est-à-dire, essentiellement, les articles du Symbole promulgués par l’Église : cf. Sum. theol., II 1 - II*, q. i, a. 8 et 9. Ces articles du Symbole ne sont qu’une première explication (par voie de révélation, et non par voie de science théologique : cf. Sum. theol., II » -II", (]. h. a. (i) de deux credibilia absolument premiers et qui contiennent implicitement toute la substance de la foi chrétienne. Ces deux credibilia premiers sont ceux qui énoncent le mystère de Dieu lui-même, son mystère nécessaire, a savoir celui de son existence comme Être Trine et Un, et son mystère libre, à savoir l’incarnation rédemptrice et déificatrice des hommes. Au delà des arliculi fidei qui sont essentiellement les énoncés du Symbole, c’est à ces deux credibilia que tout le reste sera ramené et suspendu. Ce sont ces deux credibilia qui, étant révélés et faisant l’objet de notre foi directement, on raison de ce qu’ils sont et de leur contenu, sont comme un critère pour toute l’économie de la Révélation ; une chose, en elfet, est révélée et proposée par l’Église à notre foi, en tant qu’elle a rapport a ces deux vérités premières : cf. Sum. theol., IIa-IIæ, q. i, a. 6, ad l um et a. 8, corp. ; q. n. a. 5 ct7 ; Comp. theol., i, c. i ; De artic. ftdei et Kccles. sacram., in pr. Ces deux objets premiers nous apparaissent ainsi connue fournissant un principe de définition des revelabilia : rentrent dans les revelabilia et donc dans la considérai ion de la science sacrée, tout ce qui, ayant rapport aux deux mystères de Dieu et du Christ -Sauveur, tombe sous la Révélation dont ces deux mystères font l’objet essent lel,

Ainsi la doctrine sacrée, en tant qu’elle est science, reproduit lie autant qu’il est possible, mais par un ordre de remontée au principe la vision de la science rie Dieu, finissant par tout rattacher a Dieu lui même, en son mystère nécessaire et libre. I.e sujet de la niera doctrina, c’est Dieu, car c’est en vertu de leur

rapport a Dieu lui même que toutes i hoses la concernent. I.’effort de la théologie, c’est, par les articles de foi, de tout rattacher a Dieu comme celui ci. en sa

science, voit toutes choses en lui-même.

De Ion !. i-l, i il dei ouïe encore que la doctrine sacrée

igesse, qu’elle est la sagesse suprême. Mais, comme saint Thomas le remarque. Sum. theol.. [ », q. I. a. t.. ad’’.’Ile sagesse est une sagesse acquise.

de mode Intellectuel, au titre de science suprême, et

on doit la distinguer de la sagesse infuse, de nature

proprement mystique, qui constitue cette promotion

de la (huile qu’est le don do sagesse. Cf. [I » -II*, rj. xi.v, a. I, ad 2 m et a. 2, et cf. Gagnebet, L</ milurc

dr la théologie spéculative, dans Rn-ur thomiele, l : ».’( « .

(pu a mis en lumière l’originalité do la position de

saint Thomas sur ce point au regard des autres docteurs du xine siècle.

Il convient de compléter cet exposé de la théologiescience en résumant ce que dit saint Thomas des diverses manières dont la raison intervient dans la doctrine sacrée. Voir In I um Sent., prol., a. 3, sol. 2 et a. 5, sol. et ad 4um ; In Boet. de Trin., q. ii, a. 2 et 3 ; Cont. Gent., t. I, c. ix et x ; Sum. theol., I a, q. i, a. 2 et 8 ; q. xxxii, a. 1, ad 2um ; Quodl.. iv, a. 18. D’après ces textes, la raison, outre un rôle préliminaire, a trois fonctions en théologie :

a. Rôle préliminaire : établir, par une démonstration philosophique rigoureuse, les preeumbula ftdei : existence et unité de Dieu, immortalité de l’âme, etc. Cf. Sum. theol., II » -II", q. ii, a. 10, ad 2um ; In Boet. de Trin., q. ii, a. 3.

b. Rôle de défense des articles de foi : non pas en prouvant la vérité de ces articles, ce qui est impossible, mais en montrant qu’ils découlent nécessairement des parties de la Révélation qu’admet l’adversaire, s’il en admet quelqu’une, par exemple l’Ancien Testament pour les Juifs et qu’en tous cas les raisons apportées en difficulté par le contradicteur ne valent pas. Sum. theol., I », q. i, a. 8 ; II » - II", q. ri, a. 10, ad’2um ; q. viii, a. 2, corp. ; Contra Gent., t. I, c. ii, vu et viii ; In Boet. de Trin., q. ii, a. 3 ; Quodl., iv, a. 18.

c. Rôle de déduction, par quoi une vérité encore inconnue ou mal connue est éclairée par son rattachement à une vérité mieux connue qui joue, à son égard, le rôle du principe à l’égard d’une conclusion. C’est cette fonction que saint Thomas exprime en ces termes : Inventio veritatis in quæstionibus ex principiis ftdei. In I um Sent., prol., a. 5, ad 2° m ; et encore : Procéda ex principiis ad aliquid aliud probandum, Sum. theol., I », q. i, a. 8 ; ex articulis ftdei hsec doctrina ad alia argumentatur. Ibiii., ad l" ra. Cette argumentation peut se faire à partir de deux principes de foi et aboutir à une vérité qui no se trouve pas énoncée dans la Révélation. Il semble même qu’on doive dire que, pour saint Thomas, la doctrine sacrée puisse, dans celle fonction discursive, employer dos principes de raison, des prémisses philosophiques : Ista doclrina habet pro primis principiis articulos ftdei, et ex islis principiis, non respuens communia principia, procedit ista scientia. In I’" Sent., prol., a. 3, qu. 2, ad l" m ; cf. In Boet. de Trin., q. ii, a. 3, ad 7°"’; Com. in Galat., c. iii, lect. 6, et Contra impugn., part. III, c.xii, xiv cl xv II no nous paraît donc pas légitime do restreindre, comme certains ont voulu le faire, l’argumentation théologique selon saint Thomas au rattachement d’une vérité révélée secondaire à un article do foi. Par exemple. In ///""’Sent., dist. XXIII, q. ii, a. 1, ad 1 "’, saint’Thomas distingue le cas do la manifestation d’un article de foi par un autre article et le cas d’un rai sonnement par lequel ex articulis quædam alia in theologia syllogizantur.

d. Rôle explicatif et déclaratif s’exerçant a l’égard

même dos principes que sont les arliculi et visant a les

pénétrer, à les rendre, autant que faire se peut, compréhensibles a l’esprit do l’homme, en on fournissant dos analogies, dos raisons do convenance. Saint Thomas s’exprime ici avec une grande netteté : col apport d’éléments rationnels est ordonne ait majorem manifeatattonem eorum qua m hue scientia traduntur. Sum. theol., I », q. i, a..">. ad 2, m ; In Boet. de Trin., q, m. a. 2, ad l" m. Reprenant le moi qu’on a tant reproché a Ahclurd sur les arguments analogiques et moraux, saint’Thomas parle d’une mise en valeur do la vérité pour laquelle sunt rationu aliquee vcrltimilet a<l<tu cendëe. (.oui. Gent., I. I, c. x ; veras similitudines colli gère. Ibid., C. i. Ailleurs, il illustre celle fond ion par

l’exemple de saint Augustin qui, dans son De Trinilate, a cherché a manifester le mystère des Trois par