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THÉOLOGIE. L’UTILISATION D’ARISTOTE
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à Vincent de Beauvais et Raymond Sebond) ; V. Me Nabb,

St. Thomas and moral theologg, dans The Irish theological quarterlg, 1919, p. 326-336 ; B.-H. Merkelbach, Le traité des actions humaines dans la morale thomiste, dans Revue des sciences philos, et théol., t. xv, 1926, p. 185-207 ; O. Lottin, Les premières définitions et classifications des vertus au Moyen Age, ibid., t. xviii, 1929, p. 369-107 ; La psychologie de l’acte humain chez saint Jean Damascène et les théologiens du XI IIe siècle occidental, dans Revue thomiste, 1931, p. 631661 ; H. -M. Martineau, Le plan de la « Summa aurea de Guillaume d’Auxerre, dans le recueil Théologie, I, Ottawa, 1937, p. 79-114.

3. Une structure scientifique.

Le développement de l’influence d’Aristote devait engager un jour la théologie à se donner un statut épistémologique aristotélicien. A vrai dire, cette évolution ne sera pas acquise d’un coup ; elle ne sera vraiment consommée que chez les commentateurs de saint Thomas. Cf. L. Charlicr. Essai sur le problème théologique, Thuillies, 1938.

Jusqu’ici, la théologie est conçue comme constituée par un certain usage de la raison s’appliquant aux choses de la foi, à l’intérieur de la foi. Ce sont les énoncés de foi qui forment son objet. Aussi posait-on en ces termes la question de l’usage de la raison en sacra doclrina : la raison peut-elle fournir des preuves de la foi, peut-elle apporter des arguments qui prouvent les énoncés de foi ? l’ropter quid ad probationem /idei adducantur rationes’.'

Cette position s’( x prime chez Guillaume d’Auxerre, au débul de sa Summa aurea. La théologie y est conçue comme une promotion de la foi, fldes faciens rationem, laquelle est présentée comme un don surnaturel de lumière qui a en soi. de par Dieu, sa justification, et qui ouvre BU Adèle un monde nouveau de connaissances. Summa aurea, proL.éd. Pigouchet. Paris. 1500, fol. 2. Cette notion de la foi engage Guillaume à mettre celle-ci en parallèle avec la lumière naturelle des premiers principes, qui s’imposent par eux-mêmes. c’est i dire sont <cr se nota et ouvrent à l’intelligence tout l’ordre des connaissances naturelles : Habet ergo (theologia) principia, scilicei articulas, qui (amen solis fidelibus su ni principia, qui bus fidelibus su ni per se nota, non aliqua probatione indigentia. L. III, tract, m. c. i. q. I, fol. 131’; cf. aussi Iracl. VIII, cap. de sapienlia. q. i, fol. 189’et l. IV, tract, de baptismo, cap. de hapl. parvul., q. i, fol. 25 1’. Mais, en ces trois passages, pris à des questions qui concernent la foi. Guillaume n’a qu’un souci : rendre compte de l’immédiatelé de la foi. qui ne s’appuie à rien d’autre qui lui serait supérieur. Même au fol. 131° où il déclare : si intheolo qui non rssent principia. non essel ars pel scierilia, et au fol. 254e ou il (lit : Sicut alite scientite habent sua principia et conclusiones suas, iiu etiam theologia, il ne

pense pas a développer le parallèle entre la foi et les principes premiers en ce sens que la I héologic part irait des principes de la foi, comme la science des principes de la raison, pour se livrer a une opération de déduction ci pour tirer, à partir de ces principes, de nouvelles conclusions qui seraient son objet proprr parallèle, ou il est toujours parlé des principia pet se nota, et non proprement des principia scientite, est Invoqué en faveur de la foi et n’est pas développé en faveur de la théologie, dont les rationes semblent bien avoir pour rôle, simplement, de probare (Idem, ostenilen ftdem ; cf. prol., fol. I ».

Dans cel usage des rationes naturales, Guillaume

marque très fortement le primai du donne de foi. Les

ies, dit Guillaume, sont venues d’une application

indue des principes et des naturels aux

i de Dieu. Il > a des considérations qui valent vu philosophie, mais qu’on ne peut appliquer en théologie ; par exemple : /"" régala Artêtotelis, quod per se est Iule, ma g il Ut taie quam tllud quod non est per se Iule,

irnrt m natwaltbus, uhi naturalla naturalibus confe runtur. Sed ubi naturalia conferuntur primas, causa’, non tenet. L. II, tract, v, q. i. fol. 46°. Ainsi Guillaume a-t-il senti le problème de la théologie rationnelle que nous allons rencontrer désormais dans toute sa force. Il lui a donné une solution clairvoyante. Nous verrons, dans tout le xiiie siècle et jusqu’à Luther, se développer l’idée que la philosophie et la théologie représentent deux compétences dont il faut respecter les exigences et la spécificité. Sur Guillaume d’Auxerre, cf. Th. Heitz, Essai histor. sur les rapports de la philosophie et de la foi, Paris, 1909, p. 92 sq. ; J. Stracke, Die scholastische Méthode in der « Summa aurea » des Wilhelm von Au.rcrrc, dans Théologie und Glaube, t. v, 1913, p. 549-557 ; M.-I). Chenu, La théologie comme science au xiw siècle, dans Archives d’hist. doctr. et littér. du Moyen Aqe. t. ii, 1927, p. 31-71, cf. p. 49 sq.

Le parallèle, lancé par Guillaume, entre la foi et les principes per se nota sera repris et développé dans un sens qui cherchera à concevoir la théologie sur le type de la science aristotélicienne. Le P. Cuervo a peut-être un peu exagéré la portée de quelques textes d’Albert le Grand en ce sens. Cependant, si l’ensemble du Corn, in I Sent., dist. I. éd. Horgnet, t. xxv, p. 15-20, n’est guère explicite pour une théorie de la théologiescience, plusieurs passages de la Summa theologia’, de rédaction plus tardive, sont plus formels et plus rigoureux ; cf. [ pars, tract, i, q. iv, sol. ; q. v, memb. 2, ad 2um ; memb. 3, surtout contr. 3, éd. Horgnet, t. xxxi. p. 20, 24-26. Albert ne fait d’ailleurs pas intervenir l’idée de science subalternée. Nous n’insisterons pas autrement sur sa notion de théologie, qui n’est pas, techniquement, d’une très grande originalité. Par contre. Albert commence l’espèce de révolution que saint Thomas fera aboutir, en faveur d’une distinction nette entre philosophie et théologie et surtout en faveur de la consistance des natures créées et de la connaissance rationnelle qui leur fait face.

Le parallélisme suggéré par Guillaume d’Auxerre est plus nettement marqué, peut-être, dans les quæstiones de quelques auteurs franciscains antérieures à la Summa d’Albert et même à celle de saint Thomas. Soit dans les Quæstiones d’Odon Rigaud, vers 12111250, soil dans celles de Guillaume de Meliton, vers 1245-1250, soit dans celles.lu Cod. Vatic. lai. l’idée aristotélicienne de science se trouve appliquée à la théologie et l’objection caractéristique tirée des objets singuliers de celle ci. abondamment développée : Theologia, quantum ad acceptionem illarum dignilatum. quæ menti hominum sunt impressss, quas etiam ah aliis seientiis non mendient, dicitur sapientia quasi cognitio causarum altissimarum ; sed quantum ad

conclusiones ex illis pnnrifiiis illalas est scienlia dit

Odon Rigaud.

Sur Albert le Grand : cf. Cuervo, La teologia a uni, ciencta,

etc., dans Clencia lomlsta, I. KLVI, 1932, p. 173-199 ;.

Belzendôrfer, Glauben und Wlssen bel Albert dem Grossen, dans Zeltsch. I. Theol. u. Kirche, I. vii, 1926. p. 280-300 ; (’.. l’eckes, Glauben und Glaubenswisscnschaft nacii Albert item Grossen, dan-. Zeltsch. I. katlnl. Theol., t. liv, 1930, p. 1-39 ; M. Grabmann, ih queestlont i tram theologia sit tclentta speculativa un practica< a B, Alberto Mm/no et.s. / homa Aquinate pertractata, dans Atti délia Seltunana albertlna, Rome, 1932, p. 107-126 ; A. Etonner, />< natura théologies juxta s. Albertum Magnum, dans Angellcum, t. wi, 19 19, p. 3-23.

Sur les ailleurs Franciscains cites : is. Peigamo, De queestlonibu » inedili » l r. Odonls Higaldl, l r. Gitlielmi de Vfeli loua il Codlcli Val. lut. 788 iiri-n naturam theologtm deque earum relatione ad Summam theologicam l r. Alexandri Halensls, drus Irch. francise, hlst., t. wi, 1936, p. 3-54, 308 364,

2° L’/ théologie Chei suint Thomas <Pqnin. Sans

entrer dans un grand détail, nous nous arrêterons un peu sur la notion de théologie chez saint Thomas, car