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357 THÉOLOGIE. L’HÉRITAGE DU Vie SIÈCLE 358

d’une manière assez constante la qualité d’auctorilales aux textes des Pères et de certains auteurs ecclésiastiques. Et ces auctoritates furent considérées comme un donné indiscuté, qu’on pouvait bien interpréter, mais non récuser ou nier. Cf. M.-D. Chenu, « Authentica » et « Magislrali a ». Deux lieux théologiques aux XIIe xiii e siècles, dans Divus Thomas, Plaisance, 1925, p. 257-285.

Le Moyen Age reprendra un procédé déjà employé avant lui : il constituera, de ces textes qui étaient pour lui un donné de base, des recueils accessibles et pratiques. On recourra d’abord au procédé de la defloratio, constitution de flores des Pères, de « chaînes » et de « florilèges », puis aux recueils de Sententiæ, assumant un certain travail d’harmonisation. Beaucoup de citations, d’» autorités » reproduites dans les œuvres théologiques du Moyen Age viendront non d’une lecture directe des textes intégraux, mais d’une utilisation de florilèges et de recueils. Cf. Grabmann, Gesch. der schol. Méthode, t. i, p. 92, 114-116 et t, ii, p. 82, pour les Grecs ; t. 1, p. 182-188 et t. ii, p. 81 sq. pour les Latins.

Dès qu’on travaille sur un donné considéré comme l’imposant sans discussion, on doit en affirmer l’homogénéité et l’on est ainsi conduit à s’engager dans la voie d’une exégèse plus ou moins laborieuse, qui réduise les discordances et résolve les conflits. Dès le début, les Pères avaient tait ce travail pour le texte biblique, en particulier en vue d’établir la concordance de l’Ancien et du Nouveau Testament ; quand les Pères furent eux-mêmes traités comme un « texte », un travail analogue fut poursuivi à leur sujet. Le Moyen Age, en effet, ignorait le point de vue historique qui permet, en situant un texte dans les circonstances de ses origines, d’établir son sens et sa portée et ainsi de réduire son apparente opposition avec un autre texte de sens et de portée différents. D’où, à côté d’interprétations d’un sens historique et critique tout à fait notable, loute une jurisprudence Idéologique d’inlerprél al ion des lextes. La fortune d’un au leur de second ordre, comme Pierre Lombard, viendra en partie (le son succès a établir une espèce de via média I héologique et a concilier, dans un respect total, les autorités. On consultera sur tout cela : J. de (ihellinck, op. cit., p. 22-28, 45 sq., 73 sq., 102 sq. (.S/Y et non d’Abélard), 137 sq. (Pierre Lombard), 317-338 (les canonistes), 351-355 (sur le principe Non sunt adversi, sed diversi, qu’Abélard évoque au début du Sic et non, en suggérant son insuffisance ci son inefficacité) ; Chenu, art. cité, en particulier p. 276 sq. (sur Vexpositio reverens) ; M. Piquet, Saint Thomas et les « Auctoritates » en philosophie, dans Areh. de philOS., t. iii, 1925, p. 117 155 ; J. Cottiaux, dans Revue d’histoire ecclés., 1932, p. 796.

L’héritage philosophique.

Il ne s’agit pas pour nous ici de relever le contenu matériel de l’apport philosophique a la pensée des l’ères mi même du Moyen Age : voir les articles Aristotélisme de la scolastique et Platonisme des Pères ; mais bien de noter brièvement l’héritage que le Moyen Age reçoit de l’Antiquité quant a la structure méthodologique du til théologique. De ce point de vue, il s’agit surtout d’Aristote.

1. Aristote chez les Pères.

Aristote intervient relalivement peu chez les Pères ; ceux-ci le soupçonne raient plutôt d’inspirer des hérésies. Si l’on se plaie au poinl de vue de la méthode, son influence se montra plu, considérable, mais elle fut plutôt tardive. La méthode aristotélicienne du problema et de Vaporie’Imposa ei eui une uiiliieiiee dans le néoplatonisme .premiers, iècles chrétiens avanl d’en avoir une la patriotique proprement dite des w et vil* sic lors. Aristote joue un mie. en technique théologiqui. dans la pensa di - Pi r< orientaux i i liez Léonce de Byzance, chez qui l’on trouve non seulement la technique de la « question » aristotélicienne, mais une utilisation, d’ailleurs nullement servile, des catégories philosophiques du Stagirite dans l’approfondissement de la christologie. Cf. M. Bichard, Léonce et Pamphile, dans Revue des sciences philos, et lhéol., t. xxvii, 1931, p. 27-52.

Mais c’est surtout chez saint Jean Damascène que cette double influence d’Aristote, méthodologique et idéologique, est remarquable. On a pu faire, entre Jean Damascène et les scolastiques, des rapprochements qui ne sont pas tout extérieurs. De fait, la Source de la connaissance représente un exposé synthétique de la doctrine chrétienne. Mais il est encore plus notable que Jean Damascène commence par des XEspâXaia cpt, XoaoqHxâ, des chapitres philosophiques, qui groupent, à titre d’introduction à l’exposé des dogmes, des définitions philosophiques empruntées aux philosophes, surtout à Aristote et à Porphyre, ainsi qu’aux Pères de l’Église. Par ce souci de précision technique, par l’usage fait de la philosophie d’Aristote en plusieurs questions théologiques, par exemple en morale, par une certaine élaboration du traité méthodologique De nominibus Dei, Jean Damascène a exercé une réelle influence sur le développement de la théologis. Influence d’ailleurs assez tardive pour ce qui est de l’Occident, puisque notre docteur n’y fut connu que vers le milieu du xiie siècle.

Sur Aristote chez les Pères : P. d’Hérouville, Quelques traces d’aristotélisme clœz saint Gréijoire de Nazianze, dans Recft. de science rclig., 1918, p. 395-398 ; G. Hardy, Paul de Satnosate, Paris, 1923, p. 292 sq. ; P. Hendrix, De Alexandrijnsche Hsresiarch Basilides…, Dordrecht, 1926, p. 114117 ; V. Valdenberg, La philosophie byzantine aux IV et V siècles, dans Byzantion, t. iv, 1929, p. 237-208 ;.1. de (jhellinck, Quelques appréciations île la dialectique d’Aristote durant les conflits trinitaires du I Ie siècle, dans Revue d’Iiist. ecclés., 1930, p. 5-42 ; G. Hardy, Uri<jène et lUwistotélisme, dans Mélanges Glotz, Paris, 1932, t. r, p. 75-83 ; A. -M. Festugière, L’idéal religieux des Grecs et l’Evangile, Paris, 1932, p. 221-263 ; H. Arnou, Unité numérique et unité de nature chez les Pères après le concile île Sieée, dans Gregorianum, 193 1, p. 212-254.

2. Introduction d’Aristote en Occident par Boèce.

On ne sait exactement si Boèce (t vers 525) traduisit Pieuvre entière d’Aristote, mais il est bien certain que seules furent connues du Moyen Age les œuvres logiques du Philosophe dans la traduction de Boèce : à sa oir les Catégories et le Pcriherménéias, à quoi il faut ajouter une traduction revue par Boèce sur celle de Marius Yietnrinus de l’Isagoge de Porphyre : le tout formant la Logica velus en attendant qu’une traduction des Analytica priori et poslerioru, des Topiques, des Sophistici elenchi donne, entre 1120 et 1160, la Logica noua. C’est donc comme un maître de penser qu’Aristote est reçu par le haut Moyen Age ; plus précisément d’abord comme un maître de grammaire, ensuite comme un maître de raisonnement, en attendant qu’il le soit, au xiii r siècle, comme un maître dans la connaissance de l’homme et du monde.

Boèce apportait encore au Moyen Age, outre.un exemple d’application des catégories rationnelle dogmes chrétiens, qui aura une grande influence, une elassitieal ion des sciences inspirée d’Aristide, qui distinguai ! , dans la philosophie, 1res speculativst parles. naturalis, mathematica et theologica, cf. De Triaitale, c. h. P. /… t. lxiv, col. 1250 ; comp. In Porphyr., t. i.xiii. col. Il B. Cette division sera adoptée d’une façon courante au xir siècle : on la retrouve chez Gerbert, Hugues de Saint-Victor, Raoul Ardent. Clarembald d’Arras. etc. Mais il n’y a là qu’une division de la philosophie, et la « théologie » n’y est nullement considérée comme une élaboration systématique du révèle, mais comme une partie de la philosophie