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THÉODULFE


et même de la réforme des abbayes qui lui avaient été données. Près de Fleury, à Germigny-des-Prés, où il avait une villa, Théodulfe fit construire une église qui subsiste encore aujourd’hui et, bien que très restaurée, est un vestige intéressant de l’architecture carolingienne.

Une lettre d’Alcuin, du 22 juillet 798 (Mon. Germ. hist., Epistolæ, t. iv, p. 241 ; cf É. Amann, L’adoptianisme espagnol, dans Revue des se. rel., juillet 1936) nous apprend que Théodulfe fut appelé en consultation sur le cas de Félix d’Urgel et de son adoptianisme. On ignore s’il répondit par écrit et quelle fut sa participation aux divers conciles qui traitèrent de la question. Nous avons plus de détails sur son rôle dans l’affaire du Filioque et au concile d’Aix-la-Chapelle en 809, dont il fut, avec Smaragde, abbé de Saint-Mihiel, chargé de préparer les travaux ; il ne fit point partie de la légation qui porta au pape Léon III les conclusions du concile. Entre temps, en 798, avec Leidrade, qui venait d’être nommé archevêque de Lyon, il fut chargé comme « missus » d’une inspection en Provence et en Septimanie ; lui-même nous en a laissé le récit dans un poème.

Ce sont là quelques épisodes marquants de sa vie, mais l’impression que nous laisse la lecture de son æuvre est qu’il fut avant tout un évêque aux préoccupations pastorales. Théologien assez érudit pour qu’on le consultât dans les problèmes qui surgissaient, il tourna cependant le principal de son activité vers l’évangélisation des populations qui lui étaient confiées, la bonne tenue du clergé, la vie religieuse des abbayes. Ami d’Alcuin, malgré une brouille momentanée à propos d’un clerc d’Orléans qui s’était enfui et réfugié à Saint-Martin de Tours, en relations avec tout ce que la cour de Charlemagne comportait de notabilités, apprécié par le roi des Francs, il ne se mêla guère de politique, comme le faisaient Alcuin lui-même ou Adhalard, l’abbé de Corbie.

Ce fut pourtant la politique qui lui valut une fin presque misérable. Il avait pour Charlemagne et tout ce qui touchait à sa personne une admiration profonde, même en tenant compte des exagérations inévitables du style poétique, puisque c’est surtout dans ses poèmes que se révèlent les pensées et les sentiments de l’évêque d’Orléans. Sans être un théoricien de cet « augustinisme » qui s’efforçait alors d’appliquer à la politique de Charles les considérations de la Cité de Dieu, Théodulfe croit certainement à la mission divine du fils de Pépin : les victoires remportées sur les Huns, les Arabes et autres peuples païens lui apparaissent comme autant de victoires du Christ. Il fut de ceux qui contribuèrent à créer cette atmosphère impériale dont la cérémonie de Noël de l’an 800 fut l’aboutissement concret : aussi ne doit-on pas s’étonner qu’il ait chanté l’événement avec enthousiasme. Le partage de l’empire entre les trois fils de Charles, pourtant conforme au vieux droit germanique, lui inspire de l’inquiétude. Que Dieu, dit-il, préserve le siècle présent de ressembler à Géryon, le monstre aux trois têtes 1 Theodulphi carmina, P. L., t. cv, col. 315, 327, 330, 374. Qu’il ait tenu en médiocre estime le pâle successeur de Charles, c’est possible, mais rien dans son attitude ne le fait supposer. L’auteur anonyme de la Vie de Louis le Pieux, toujours très attentif à nous décrire les faits et gestes des personnages de la cour royale, nous apprend qu’à peine connue à Orléans la mort de Charles, Théodulfe envoya ses condoléances à Louis qui se trouvait alors près d’Angers et lui manifesta le désir de le voir à Orléans. Vita Ludovici, P. L., t. civ, col. 940. Effectivement Louis se rendit à Orléans, où Théodulfe le reçut avec toute la solennité possible et lui exprima son loyalisme dans un poème que Mabillon a retrouvé, Vêlera analecta, Paris, 1723, p. 411, 412 ; P. L., t. cv,

col. 377. Deux ans plus tard, toujours d’après la Vita Ludovici, il fut désigné pour accompagner le pape Etienne IV venu à Reims pour sacrer l’empereur, P. L., t. civ, col. 9 14 ; ce fut à cette occasion sans doute qu’il reçut le pallium, auquel il fera plus tard allusion dans sa justification. Carmina, P. L., t. cv, col. 340 13. D’autre part, bien que, d’après Éginhard, il ait été appelé — parmi beaucoup d’autres d’ailleurs — à apposer sa signature au testament de Charlemagne, il n’était pas l’un de ces personnages encombrants contre qui un gouvernement nouveau doit prendre ses précautions. Quoi qu’il en soit, il fut impliqué dans la révolte de Bernard d’Italie ; la Vita Ludovici l’accuse positivement de complicité : hujus sceleris conscii. P. L., t. civ, col. 947 C. Théodulfe se trouva donc compris dans cette proscription générale qui envoyait en divers exils les principaux conseillers de Charlemagne : Adhalard, Wala, Leidrade, etc. Carmina, P. L., t. cv, col. 337-340. Mais il semble avoir été traité plus sévèrement que d’autres. Emprisonné dans un monastère à Angers, il se refuse à toute bassesse pour obtenir sa liberté ; il prend le pape lui-même à témoin de son innocence. Ibid., col. 340 C. Il ne vécut pas assez longtemps pour profiter de l’amnistie de 821. Depuis 818, il était remplacé par Jonas sur le siège d’Orléans. Il y a deux traditions sur sa mort, l’une, la plus vraisemblable, le fait mourir en exil ; l’autre le ramène à Orléans, pour y mourir bientôt empoisonné. D’après un nécrologe, la date serait le 18 septembre 821.

IL Œuvres. — 1° Œuvres théologiques. — La plus considérable est son traité De Spirilu Sancto, P. L., t. cv, col. 259-276, qu’il composa à la demande de Charlemagne pour justifier l’addition du Filioque par les Francs au symbole de Nicée. À vrai dire c’est moins une œuvre composée qu’un recueil de textes patristiques en faveur de la thèse. De la plume même de Théodulfe, on ne peut relever que la préface (en vers) à Charles empereur, mais le choix des textes montre l’érudition de l’évêque d’Orléans et, par la même occasion, nous apprend, si c’était nécessaire, quelles connaissances patristiques possédaient les théologiens du ixe siècle. Plusieurs textes cités n’appartiennent pas en réalité aux auteurs à qui ils sont attribués, par exemple les textes de saint Athanase sont tirés d’un De Trinitate qui n’est pas de lui mais figure sous son nom dans l’édition latine de ses œuvres. Le symbole Quicumque également est attribué à tort à saint Athanase, mais il n’est pas nécessaire d’insister, l’erreur étant beaucoup plus ancienne que Théodulfe. Parmi les extraits de saint Augustin, plusieurs ne figurent pas dans ses œuvres authentiques, mais la tradition fut toujours généreuse à l’égard du grand docteur. À cette question il faut rattacher un commentaire très sobre du Quicumque, publié par Ch. Cuissard, Théodulfe, sa vie et ses œuvres, Orléans, 1892, p. 343.

Comme plusieurs évêques d’alors, Théodulfe composa un traité De ordine baplismi, P. L., t. cv, col. 223240, pour répondre à l’enquête proposée par Charlemagne en 811. L’ouvrage est adressé à Magnus, archevêque de Sens, pour être transmis à l’empereur ; il consiste dans l’explication détaillée des rites du baptême ; on trouve à l’occasion du symbole deux allusions aux controverses du moment : et in Jesum Christum. .. verum Dei filium, non factum aut adoptivum sed genitum (col. 227 B), et plus loin sur le Saint-Esprit : Deum verum ex Pâtre Filioque procedenlem (col. 227 D).

2° Œuvres scripluraires. — Charlemagne avait chargé Alcuin de mettre de l’ordre parmi les textes bibliques aux variantes multiples qui étaient en circulation ; son esprit simplificateur envisageait une sorte de textus receptus qui réalisât l’uniformité ; Alcuin se mit à l’æuvre et s’efforça de restituer la Vul-