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il, l’opinion même à laquelle s’arrête Théodoret, après Théodore de Mopsueste. L’évêque de Cyr ne rejette pas l’expression oV TloO : elle est trop répandue, trop classique pour être abandonnée. Il ne se borne pas davantage à condamner ceux qui feraient de l’Esprit-Saint une créature du Fils : cette opinion avait été soutenue par les macédoniens, mais elle est trop violemment opposée à la doctrine orthodoxe pour avoir besoin d’être à nouveau condamnée. D’ailleurs, Théodoret déclare, Eranistes, III, t. lxxxi, col. 264, que le Saint-Esprit tient son être du Père : èx toû LTocTpàç xal 0eou xocl toûto (tÔ Ilve5(jia)£-/ et ttjv ÛTrap^tv, et cela ne signifie pas que l’Esprit soit créature du Père, mais seulement qu’il procède de lui. On peut donc croire que, pour Théodoret, la doctrine condamnable est celle qui attribue au Fils un rôle actif dans la procession de l’Esprit-Saint. Celui-ci ne procède que du Père ; et s’il procède par le Fils, il passe seulement par lui ; il le traverse, mais ne lui doit rien de sa subsistence.

4° L’homme. La chute et le relèvement. — Le premier homme, déclare Théodoret, a été élevé par Dieu à une condition meilleure que la terre, c’est-à-dire à l’immortalité. Quæst. in Gènes., 28, 37, t. lxxx, col. 125, 137. Mais l’évêque de Cyr ne s’explique pas très longuement sur la nature et les privilèges reçus par Adam. Il constate seulement que son péché l’a rendu mortel, sujet à la corruption, à la concupiscence, au péché et il ajoute qu’Adam a engendré des enfants sujets comme lui-même à la mort, à la concupiscence et au péché. In psalm. L, 7, t. lxxx, col. 1244 ; Qusest. in Gènes., 371, ibid., col. 136. Tous, dit-il, nous avons été condamnés à la mort et toute la nature humaine est devenue captive à la suite du péché d’Adam. In psalm. lx, 7-8, ibid., col. 1328. Adam et Jésus-Christ sont les deux pôles entre lesquels se meut l’histoire de l’humanité : tous les hommes sont solidaires de la faute du premier comme du triomphe du second. Eran., III, t. lxxxiii, col. 245 sq.

Si nous subissons la peine du péché d’Adam, est-ce à dire que nous héritions de ce péché même ? L’École d’Antioche a toujours été soucieuse d’affirmer l’intégrité de la nature humaine et Théodoret reste fidèle, sur ce point, aux leçons de ses prédécesseurs ou de ses maîtres. Il pose en principe que l’action du péché n’est pas naturelle en nous, que le péché n’est pas l’œuvre de la nature, mais du choix mauvais. In psalm. L, 7, t. lxxx, col. 1244 ; Eran., i, t. lxxxiii, col. 40. S’il a raison d’interpréter dans Rom., v, 12, les mots ecp' d> dans le sens de « parce que », il ajoute que chacun de nous subit la sentence de mort non pas à cause du péché du premier père, mais à cause de son péché propre. In epist. ad Rom., v, 12, t. lxxxii, col. 100. Beaucoup sont devenus pécheurs à cause du péché d’Adam, comme beaucoup sont devenus justes par l’obéissance de Jésus-Christ : il y a eu d’ailleurs des justes sous la Loi, comme il y a des pécheurs sous la grâce. In epist. ad Rom., v, 19, ibid., col. 101-104. Enfin, si l’on baptise les enfants, ce n’est pas parce qu’ils auraient goûté le péché, oùSÉ7tco tîjç à|i.ap-rwcç yeuaà[i.eva, c’est parce que l’effet du baptême n’est pas seulement de remettre les péchés, c’est aussi d’assurer la possession des biens futurs dont il est le gage. Hseret. fab. comp., v, 18, t. lxxxiii, col. 512.

On voit sans peine les insuffisances et les lacunes de cette doctrine. Lorsqu’il s’agit de la grâce et de sa nécessité, Théodoret n’est pas moins incomplet. Sans doute, il déclare que tous les hommes, même ceux qui sont ornés des actes de vertus, ont besoin de la grâce divine, In psalm. xxxi, 10-11, t. lxxx, col. 1092-1093 ; qu’il est impossible que quelqu’un marche sans faute dans la voie de la vertu sans la grâce de Dieu. In psalm. xxxvi, 23-24, col. 1132. Il écrit : « L’apôtre appelle don de Dieu et d’avoir cru et d’avoir noble ment combattu, non pour exclure le libre arbitre de la volonté, mais pour nous enseigner que la volonté privée de la grâce ne peut d’elle-même opérer aucun bien. » In epist. ad Philipp., i, 29, t. lxxxii, col. 568.

Tout cela est excellent. Mais en d’autres passages, la pensée de l’évêque de Cyr semble beaucoup moins ferme. Il déclare, par exemple, qu’il y a des nommes qui ne connaissent pas la piélé ni les enseignements divins et qui cependant s’appliquent aux bonnes œuvres. Quæst. in Levit., 11, t. lxxx, col. 316. Il semble dire que les bonnes dispositions de l’âme précèdent la grâce et en méritent la venue. In epist. ad Ephes., v, 24, ibid., col. 557. Il ajoute que la liberté humaine reste entière sous l’action de la grâce et que la grâce, pour obtenir son effet, requiert notre correspondance et notre coopération : « Il est besoin des deux, à savoir de notre industrie et du secours divin. A ceux qui n’ont pas d’industrie, la grâce de l’Esprit ne suffit pas et l’industrie, si elle est destituée de la grâce, ne peut recueillir les richesses de la vertu. » In epist. ad Philipp., i, 29-30, ibid., col. 568.

Il ne faut pas chercher à concilier toutes ses affirmations pour en construire un système parfaitement cohérent. En réalité, Théodoret n’est le plus souvent amené à parler de la grâce et de ses rapports avec la liberté qu’à l’occasion des textes scripturaires dont il a entrepris le commentaire. Il est alors obligé de suivre son texte et, plus encore, de réfléchir sur les problèmes qu’il soulève. Hors de là, il tient, comme les autres Antiochiens, à sauvegarder les droits de la liberté humaine. Il serait injuste de l’accuser de pélagianisme, car il rejette l’essentiel de la doctrine pélagienne et il sait fort bien mettre en relief la nécessité de la grâce. Mais ses enseignements sont trop brefs, trop disséminés à travers ses œuvres, pour donner l’impression d’une doctrine mûrement réfléchie.

Conclusion.

L’importance de Théodoret de

Cyr, dans l’histoire des dogmes aussi bien que dans l’histoire générale de l’Église, tient à la place qu’il occupe parmi les Antiochiens. Les circonstances ont fait de lui un ami, un partisan de Nestorius : une longue fidélité l’a poussé à n’abandonner l’imprudent archevêque qu’au temps du concile de Chalcédoine, c’est-à-dire de longues années après qu’il avait apporté une adhésion entière au symbole d’union de 433. Cette fidélité lui a valu la condamnation de sa mémoire au concile de Constantinople en 553 et la postérité lui a été généralement sévère. Sur la portée de cette condamnation il faudra revenir à l’art. Tiiois-Chapitres.

En réalité, Théodoret n’a pas été nestorien ; et si, dans ses premiers ouvrages, il lui est arrivé d’employer des formules discutables, il a apporté, après sa réconciliation avec saint Cyrille d’Alexandrie, un louable souci de l’orthodoxie la plus stricte. Ce faisant, il n’a d’ailleurs pas eu la conscience de modifier quoi que ce soit à ses idées et il a pu, en toute assurance, renvoyer ses accusateurs à ses premiers écrits pour leur prouver sa loyauté et sa bonne foi.

Comme il a beaucoup écrit, sur les sujets les plus variés de l’apologétique, de l’exégèse, de la théologie et comme il s’est contenté le plus souvent de traduire les opinions reçues dans son milieu, il a joui d’une autorité considérable. Cette autorité s’est exercée surtout dans le domaine scripturaire où elle trouve des témoins dans les chaînes multiples qui reproduisent en tout ou en partie les commentaires de l’évêque de Cyr. Elle a été naturellement moins forte et moins respectée sur le terrain théologique.

Il faut ajouter que les temps modernes et contemporains ont trop peu étudié la personne et l’œuvre de Théodoret. Non seulement nous n’avons pas d’édi-