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Nous connaissons ces formules qui caractérisent la théologie antiochienne : quel est le théologien de cette école qui ne parle pas de l’homme assumé, qui n’emploie pas la comparaison de temple et de son habitant ? Mais ces formules n’aboutissent pas nécessairement à la dualité des personnes. Chaque nature garde sans doute dans l’union ses propriétés et son action : xoàç èvepYet « i.ç |J.èv Sijiprj[iévx< ; (çùoeiç), tw rcpoaûjrop Se auv7)fji.[i.£vaç…, tocç te tôv çùoecov ! 816t7)tocç xal toû 71poaa>Ttou xr)pÛTT£i (ô IlaûXoç) ttjv ëvcootv. Ibid., c. xxi et xxii, col. 1456 A, 1460 A. « Évitons en parlant des natures du Christ tout ce qui pourrait insinuer une idée de mélange, xpôcoiç, de confusion, cÛYXuciç, de changement, ipÔTcq. En effet, si un changement se produisait, Dieu ne conserverait pas sa propre nature, ni l’homme la sienne. Nécessairement, l’un et l’autre sortiraient des limites de leur essence. Dieu ne serait plus Dieu et l’homme ne serait plus homme. » C. xxxii, col. 1472-1473.

Théodoret insiste même sur certains aspects délicats du problème. Il ne rejette pas l’expression Œotôxoç à propos de la très sainte Vierge. Bien plus, il l’admet expressément et il l’emploie volontiers, surtout dans les ouvrages composés après sa soumission à l’Acte d’union. Mais il se refuse à condamner le mot àvOpcoTtotôxoç, en dépit des suspicions que divers propos de Nestorius avaient valu à ce mot et il le croit orthodoxe pourvu qu’on l’entende correctement. De inc, c. xxxv, col. 1477. De même, il se refuse à accepter que l’on puise parler des souffrances et de la mort de Dieu et du Verbe. « L’anathématisme xii de saint Cyrille lui paraissait intolérable et il s’est moqué agréablement dans l’Eranistes, de l’explication qui consistait à dire que le Verbe a souffert impassiblement, iTraôsv ô Aôyoç à-rcaOûç. Eran., III, t. lxxxiii, col. 264 sq. » Dans le fragment de son discours prononcé à Antioche, en 444, lors de la mort de saint Cyrille, il pousse la chose à l’extrême : Nemo jam neminem cogit blasphemare. Ubi sunt dicenles quod Deus est qui crucifixus est ? Non cruci/igitur Deus. Homo crucifixus est, Jésus Christus qui ex semine est Davidis, filius Abrahse. Homo est qui mortuus est, Jésus Christus. T. lxxxiv, col. 62. Cf. J. Tixeront, Histoire des dogmes dans l’antiquité chrétienne, t. iii, p. 100-101.

De même, lorsqu’il s’agit de la science humaine de Jésus-Christ, Théodoret ne fait nulle difficulté d’admettre que cette science était limitée et que Jésus, en tant qu’homme, était sujet à l’ignorance. Dans le De incarnatione, c. xx, aussi bien que dans le Pentalogus, P. G., t. lxxxiv, col. 68-73, il s’appuie sur le texte de saint Luc, ii, 52, pour prouver que Jésus-Christ était vraiment homme et possédait une âme humaine, car seule pouvait croître en sagesse l’âme humaine qui apprend peu à peu les choses divines et humaines. Dans le critique de l’anathématisme iv, P. G., t. lxxvi, col. 411, il tire la même conclusion du texte de saint Matthieu, xxiv, 36 : Jésus, dit-il, avouait ici une ignorance réelle du jour et de l’heure du jugement, car en lui l’humanité ne savait que ce que lui avait révélé la divinité.

Cependant, bien que les natures soient distinctes et non confondues, Théodoret admet la communication des idiomes et il en parle correctement dansV Eranistes, II, P. G., t. lxxxiii, col. 148, 240, 280. Il admet surtout que le Christ n’est pas deux, mais qu’il est un. Il peut bien dire que, dans l’union, tout est affaire de bienveillance, de philanthropie et de grâce ; il ajoute aussitôt que cette union n’est pas seulement morale, qu’elle est physique : 7tX ?]v xal puaxxîjç èvraûGoe tïjç évaxrewç ouctt)ç, dcxépoaa [xsjxévy)xs rà tùv cpûaewv ÏSia. Eran., II, t. lxxxiii, col. 165 A. Par suite en Jésus-Christ, il n’y a qu’une personne, un fils : ëv y.zv 7Tpôco)Tcov xal ëva uîôv xal Xpi<rr6v. Critique de l’anathem. in, t. lxxvi, col. 404.

Ce dernier point tient spécialement à cœur à Théodore ! . Lors des premières manifestations du monophysisme, les Alexandrins reprochent en effet à l’évêque de Cyr d’avoir soutenu la doctrine des deux (ils, d’avoir divisé le Christ. Théodoret proteste de toutes ses forces contre une pareille accusation. « Jamais, déclare-t-il, il n’a enseigné deux fils. Personne, affîrmet-il, ne m’a jamais entendu prêcher deux fils. » Epist., civ, P. G., t. lxxxiii, col. 1297 B. Et ailleurs : « Je n’ai pas conscience d’avoir jamais enseigné jusqu’à ce jour qu’il fallait croire à deux fils. » Epist., cix, col. 1304 A. Il va même plus loin, car il met au défi ses accusateurs de trouver dans ses œuvres antérieures un seul passage où il ait enseigné une semblable doctrine. Ne fallait-il pas qu’il fût bien sûr de lui pour oser lancer un tel défi, alors que ses livres étaient de notoriété publique et que plusieurs d’entre eux avaient été écrits, les uns avant le début de l’affaire nestorienne, les autres, au plus fort de la controverse, qui opposait l’un à l’autre l’évêque de Cyr et celui d’Alexandrie ?

On voit dès lors comment on peut répondre à la question posée tout à l’heure ? Théodoret a-t-il été « nestorien » ? Quelques auteurs le croient. M. Bertram, en particulier, estime que l’évêque de Cyr a réellement, dans le principe, partagé l’erreur de Nestorius et qu’il ne s’en est dégagé que plus tard, peut-être vers 435. Cette conclusion ne saurait être retenue. Il est vrai qu’au début de sa carrière d’écrivain et de théologien, Théodoret a employé, sans faire de réserve, les formules en usage dans l’école d’Antioche. Il a parlé de’assumptus homo, de l’habitation du Verbe comme dans un temple, de la complaisance que le Seigneur a témoignée à l’égard de l’homme qu’il s’était uni, etc. Mais ces expressions étaient alors reçues, au moins dans de larges milieux, et saint Cyrille se trompe certainement lorsqu’il écrit : « Cette opinion qu’un homme a été assumé par Dieu est étrangère aux saints Pères ; ils n’ont jamais pensé cela. Ils disent bien plutôt que le Verbe du Dieu Père, lui-même, s’est fait homme en s’unissant à une chair douée d’une âme spirituelle. » P. G., t. lxxvi, col. 449.

Plus tard, c’est-à-dire après sa réconciliation définitive avec l’évêque d’Alexandrie, Théodoret s’est rendu compte des imperfections ou des insuffisances du langage qu’il avait employé jusqu’alors ; on ne trouve plus, dans ses derniers ouvrages, les formules discutables dont il s’était servi tout d’abord. Il évite, par exemple, de parler de Vassumptus homo pour employer de préférence les expressions abstraites et enseigner l’humanité assumée. Il est remarquable que, même après avoir obtenu de saint Léon, puis du concile de Chalcédoine, des lettres d’absolution, Théodoret ne revient pas à ses premières formules. Dans la lettre clxxxi au légat Abundius de Côme, il fait une profession de foi explicite : Nunc vero Salvatoris nostri in corpore humano prsesentiam, et unum Filium Dei et perjectam ejus deitatem, et perfectam humanitatem confltemiir et non in duos ftlios unum dominum nostrum Jesum Christum dinidimus : est enim unicus ; sed difjerenliam Dei et hominis rognoscimus et scimus quod alternm ex Pâtre est, alterum ex semine David et Abraham, juxta diuinas Scripluras. P. G., t. lxxxiii, col. 1492. Mais il parle de la divinité et de l’humanité du Sauveur, bien plus que de l’homme et de Dieu, tout en rappelant ces dernières expressions. Et ensuite, il restera fidèle à la ligne de conduite qu’il s’est imposée. Même si quelque opportunisme a joué un rôle au début dans ce changement d’attitude, il est manifeste que Théodoret a fini par se rendre compte de l’ambiguïté ou de l’insuffisance de certaines expressions : c’est en toute loyauté, encore que de mauvaise grâce, qu’il avait rendu hommage à l’orthodoxie de saint Cyrille, après la signature de l’Acte d’union. Sa foi à lui