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    1. THEODORE DE MOI’SUESTE##


THEODORE DE MOI’SUESTE. LES CATÉCHÈSES

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t-il ensuite expressément les deux natures qui s’y rencontrent : nature divine et nature humaine. En quoi il se conforme à la parole de Paul qui, parlant de la race juive, déclare « que vient d’elle le Christ selon la chair, qui est Dieu au dessus de tout ». Rom., ix, 5. Où l’on voit que les mots « selon la chair » expriment la nature humaine, et les mots « Dieu au-dessus de tout » la nature divine, les deux expressions étant employées à propos d’une seule personne, pour nous enseigner l’union intime des deux natures et rendre manifeste la majesté et l’honneur qui revient à Vhomo assumptus.

De même fait aussi le symbole qui, par la double épithète attachée à l’unique Seigneur : uniyenilus d’une part, primogenitus de l’autre, désigne les attributs de l’une et de l’autre nature. Car chacun de ces mots a un sens exclusif de celui de l’autre. Qui dit « fils unique », dit quelqu’un qui n’a pas de frères, « premier-né » dit celui qui en possède. Ces frères de Jésus, ce sont les élus « que Dieu a formés à l’image de son Fils, de telle sorte qu’il soit, lui, le premier -né de beaucoup de frères ». Rom., viii, 29. S’il est primogenitus in multis fratribus, l’Homme-Christ est d’ailleurs aussi primogenitus omnis creaturæ, Col., i, 15, en fait de la création renouvelée. Car lui, Vhomo assumptus, fut le premier à être renouvelé par la résurrection, amené par elle à une nouvelle et ineffable vie. Voir ci-dessous, col. 262.

En attribuant ainsi à une seule personne ces deux attributs dissemblables d’unigenitus et de primogenitus, le symbole montre l’étroite union des deux natures et aussi l’unité de filiation, cette union s’étant effectuée par la bienveillance divine (xoct’eùSoxtav).

Toutes les idées exprimées ici se retrouveraient ailleurs. Pour ce qui est en particulier du moyen par lequel s’est réalisée l’incarnation, à savoir par l’assomption d’une nature humaine complète et concrète, c’est le thème spécial du De incamatione, où se retrouvent à tout instant les expressions d’assumens et d’assumptus. C’était aussi l’idée du Contra Apollinarem. Cf. les citations de Facundus, t. IX, 3, col. 755 sq., qui sont tout à fait parallèles à l’homélie m : il n’y a qu’une personne propter adunationem quæ fada est assumpti ad assumentem. N’en déplaise aux ennemis posthumes de Théodore, le De incamatione accentue avec force l’unité de personne ; un long passage du t. VII, transmis par Léonce est consacré à faire la théorie de cette union. Cf. P. G., t. lxvi, col. 972-976.

Cette union se réalise par l’inhabitation du Verbe divin dans Vhomo assumptus : Théodore ne voit que cette expression qui laisse possible l’existence des deux natures avec toutes leurs caractéristiques. Mais cette inhabitation pourrait, dans la théorie, se concevoir de plusieurs manières : elle pourrait être xoct’oùaîocv, xoct’èvépYst.ocv ou enfin xoct’sùSoxîav. Éliminés les deux premiers modes, il ne restera plus que le troisième. L’inhabitation de Dieu dans Vhomo assumptus « par essence » reviendrait à dire que la nature divine est circonscrite dans les limites mêmes de cet homme, ce qui serait absurde : Dieu est incirconscriptible. L’hypothèse d’une inhabitation par action en ce sens que la nature divine pousserait à l’action la nature assumée, cette hypothèse ne vaut pas mieux. Tout autant que par sa nature, Dieu est présent partout par son action, opère partout ; ce mode de présence ne constituerait pas pour Vhomo assumptus un privilège spécial. Reste donc que l’inhabitation se réalise par le fait d’une complaisance spéciale de Dieu par rapport à cet homme, par une bienveillance toute particulière qu’il lui témoigne. Et que l’on ne dise pas que c’est ici le même phénomène qui se passe pour toutes les âmes justes, en qui Dieu se complaît, que c’est le rapprochement moral, l’union morale de la nature

divine avec des âmes qui possèdent une affinité morale avec sa propre volonté et son propre esprit. Il est bien vrai que Dieu habite dans les saints. Mais, si l’habitation de Dieu dans le Christ et dans les saints est génériquement la même, il y a pourtant une différence spécifique capitale à inscrire pour l’inhabitation du Verbe divin dans Vhomo assumptus. Outre qu’elle se réalise depuis le premier moment de la conception et qu’elle est indestructible, elle aboutit à un tout autre résultat que dans les saints. Dieu habite dans le Christ comme en un fils (wç èv uiw), entendons qu’il s’unit entièrement à lui-même Vhomo assumptus et partage avec lui tout l’honneur dont l’inhabitant, Fils de Dieu par nature, est susceptible. Si intime est l’union, que le Verbe et Vhomo assumptus peuvent et doivent être regardés comme une seule personne. Si, comme le dit plus loin Théodore, l’union de l’homme et de la femme fait de ces deux êtres « une seule chair », à plus forte raison, doit-on dire que les deux personnes (7rp6aa>Troc) du Verbe et de Vhomo assumptus ne sont plus deux mais un unique prosôpon. Sans aucun doute chaque nature a son propre prosôpon (car il est impossible de dire qu’une hypostase soit sans prosôpon), mais quand nous regardons l’union (auvàçeca) nous déclarons que les deux natures sont un seul prosôpon, une seule personne. De incarn., t. VIII, col. 981 AB.

Somme toute, bien que les Catéchèses n’insistent pas sur les explications techniques du De incamatione, elles ne laissent pas d’en reproduire l’idée essentielle et jusqu’au vocabulaire. On remarquera seulement l’insistance avec laquelle, dans les Catéchèses, Théodore accentue l’unité de personne dans le Christ et comment, au lieu de partir de la considération des natures pour aboutir ensuite à l’unité de personne, il commence à mettre en première ligne cette unité.

3. Les deux natures dans le Christ. Le pourquoi de l’incarnation (hom. iv et v). — La nature divine du Verbe est longuement décrite par le commentaire des expressions du symbole : ex Pâtre natum ante omnia ssecula, etc., et tout spécialement des mots consubstantialem Patri. L’Écriture justifie cette épithète, que ce soit le prologue de saint Jean : « Au commencement le Verbe était avec Dieu et le Verbe était Dieu », Joa., i, 1, ou la parole du Christ : « Le Père et moi nous ne faisons qu’un », Joa., x, 30, ou encore cette autre : « Je suis dans mon Père et mon Père est en moi. » Joa., xiv, 10. Ainsi le concile de Nicée pouvait légitimement emprunter à la langue philosophique des Grecs une expression qui rendait le sens même de l’Écriture. Nous passerons vite sur ces développements qui montrent au moins qu’au temps de Théodore il était encore utile de répondre aux difficultés des ariens et de leurs amis.

La cinquième catéchèse aborde la description philosophique de l’humanité assumée par le Verbe divin. C’est pour nous, pour notre salut, que le Verbe « descend du ciel », non point au sens local, mais en ce sens qu’il manifeste sa condescendance à notre égard. Il devient homme comme nous, en ce sens qu’il prend sur lui tout ce qui appartient à cet homme’Jésus. Cet homme, il le rend parfait par sa puissance, non qu’il ait éloigné de lui la mort, qui était conforme à la loi de sa nature, mais parce que, étant avec lui, il l’a délivré, par grâce, de la mort, l’a ressuscité, l’a élevé aux honneurs suprêmes, l’a fait monter au ciel, où il est présentement assis à la droite de Dieu et reçoit l’adoration de toutes les créatures, à cause de son union intime avec le Verbe divin.

Sans doute, Vhomo assumptus a pu, durant sa carrière terrestre, être pris pour un homme ordinaire. Mais combien la réalité était différente des apparences I Du moins cette opinion montre-t-elle la vérité de l’humanité intégrale assumée par le Verbe. Théodore y in-