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THÉODORE DE MOPSUESTE. HERMÉNEUTIQUE


tifie plus qu’amplement l’utilisation du texte de l’Ancien Testament. Ce dernier visait un fait qui s’était réalisé quelque temps après l’annonce qui en avait été donnée, mais ce fait était de trop mince importance pour autoriser les hyperboles du prophète. En appliquant les expressions de celui-ci à l’événement de la Nouvelle Alliance, l’apôtre, l’écrivain inspiré leur donnait leur pleine et complète signification. On ne saurait parler ici de sens « accomodatice » tel que le comprennent les exégètes modernes.

4. Le sens prophétique.

Tout ceci pose la question de savoir jusqu’à quel point Théodore a reconnu dans le Vieux Testament des prophéties au sens propre du mot et tout particulièrement des prophéties messianiques.

Que les écrivains sacrés aient été, en maintes circonstances, favorisés par Dieu de clartés sur l’avenir et aient annoncé des événements qui se sont ultérieurement réalisés, il est trop clair, par ce que nous avons vu, que Théodore l’admet. Nous avons également signalé la tendance qu’il a à situer dans un avenir qui n’est pas trop éloigné du prophète les événements prédits. Il n’est pas favorable à cette confusion des perspectives prophétiques dont certains exégètes anciens et modernes ont fait si grand état. À l’en croire, les voyants d’Israël distinguaient assez nettement dans l’avenir les plans successifs où se situaient les choses qu’ils annonçaient. Ceci posé, il est trop clair que Théodore devait accepter qu’un certain nombre des oracles de l’Ancien Testament se rapportaient, directement et au sens littéral, à la personne même du Christ, à des circonstances déterminées de sa vie, à son œuvre rédemptrice et à la continuation de celle-ci. En cela il ne se sépare point des exégètes qui l’ont précédé, accompagné ou suivi.

Où il en diffère, c’est par le caractère quelque peu pointilleux de ses remarques sur des textes à peu près universellement considérés comme messianiques, par les précautions qu’il accumule avant de prononcer que tel passage scripturaire est, dans son sens littéral, une prédiction relative au Sauveur, par les exclusives qu’il a prononcées contre des oracles que la tradition interprétait unanimement du Christ. Il faut voir en ces tendances l’effet de sa réaction vigoureuse contre les excès de l’école allégorisante. Instruit dès sa prime jeunesse à se mettre en garde contre ceux qui voyaient dans chaque ligne de la Bible d’Israël une allusion à l’économie chrétienne, une prophétie plus ou moins obscure du Christ et de son œuvre, peut-être a-t-il exagéré la sévérité des conditions nécessaires pour reconnaître dans tel oracle une prophétie messianique au sens littéral. Exagération d’une qualitél La méthode allégorisante était beaucoup plus nocive à une vraie compréhension de. la Bible que ces exigences critiques di’Théodore.

L. Pirot a relevé et classé avec beaucoup d’acribie les divers textes que Théodore considère comme se rapportant au Messie. Parmi les psaumes- — et les conclusions de I.. Pirol Boni renforcées par la publication de I’.. Devreesse Théodore recevait comme messianiques au sens littéral le l’s. ii, Quart fremuerunt Génies, le Ps. viii, Domine Domina » noslcr, pour des raisons

que nous avons signalées plus haut, le l’s. xliv,

l-.rin lai’il cor me u m l’crhum honum. célébrant à l’avance l’union du Christ avec l’Église son épouse, enfin le Ps. cix, Dixtt Dominas, annonçant la royauté et le

triomphe définitif de l’Homme-Dieu. Étaient considé rées comme l’appliquant directement a des types »

du Messie et des lors indirect etnent au Messie lui-même les l’s. x. Conserva me, i.iv, Exaudi Dais orationem meam (mais dont il faut restituer le commentaire a Théodoret), ucxxviii, Mtsericordiat Domini suivant ce que dit Théodore dans son commentaire

sur Michée, v, 1-2. Enfin plusieurs psaumes étaient regardés par lui comme messianiques au simple sens « accommodatice » : le Ps. xxi, Dens, Deus meus respice in me, le Ps. lxvii, Exsurgat Deus, le Ps. lxviii, Salvum me fac Deus, le Ps. lxxi, Deus judicium tuum régi da. Il n’y a guère que sur le premier des psaumes de cette série que Théodore se mette en contradiction avec l’enseignement unanime des exégètes, mais nous en avons dit ci-dessus la raison. Voir col. 250-251.

Dans les autres livres de l’Ancien Testament dont il nous est resté des commentaires intégraux ou seulement fragmentaires, il faudrait retenir les oracles suivants : messianique au sens littéral serait Gen., xlix, 10-12, cf. P. G., t. lxvi, col. 645 ; messianiques au sens typique, Joël, ii, 28-29 (cf. ci-dessus, col. 252) ; Amos, ix, 11 ; Zacharie, ix, 9 ; Malachie, iii, 1. Par contre il ne faudrait pas voir d’allusion au Messie dans les textes suivants, cités comme messianiques par d’autres commentateurs : Os., xi, 1 ; Mich., iv, 1-3 ; v, 1-2 ; Agg., ii, 10 ; Zach., xi, 12-14 ; xii, 10 ; Mal., i, 11 ; iv, 5-6. On n’oubliera pas que nous n’avons presque rien des commentaires de Théodore sur les grands prophètes et que, dès lors, les listes précédentes sont très loin d’épuiser la somme des prophéties reconnues par lui comme messianiques.

5. L’exégèse du Nouveau Testament.

À l’heure présente il n’est guère possible de se faire une idée de la méthode de Théodore que par le commentaire sur les petites épîtres de saint Paul et sur l’épître aux Romains dont une partie notable est conservée ; le commentaire sur saint Jean reste encore pratiquement inutilisable.

Dans ce qui reste des explications sur les évangiles, on remarquera, avec Sweete, la précision avec laquelle Théodore s’attache à la lettre de l’auteur qu’il commente (cf. Matth., xxv, 24), l’habileté à mettre au service de l’interprétation ces petits mots d’un texte que les exégètes sont souvent tentés d’oublier (cf. Joa., xiii, 33, réflexion sur la particule apn), l’attention aux finesses de la grammaire, de la ponctuation, la discussion attentive des sens possibles (cf. Joa., i, 3, sur la coupure à faire dans la phrase : sine ipso factum est nihil quod factum est), le tact à faire ressortir tel point d’une parabole, d’un discours. Ce n’est pas à dire que tout y soit parfait. On aimerait à trouver parfois plus de pénétration mystique (cf. Joa., xi, 21) ou de sentiment (ibid., 30). À l’occasion les préjugés théologiques de l’auteur ont déteint sur son exégèse ; c’est le cas tout spécialement pour Joa., xx, 22 et 28. « I.e commentaire sur saint Paul, continue Sweete, est digne de la réputation de Théodore ; on y trouve beaucoup de soin et de précision, un effort soutenu pour suivre la pensée de l’Apôtre. Ceci est d’ailleurs un peu gâté par les questions théologiques qui interfèrent souvent avec l’explication du texte ; encore ces digressions ont-elles leur valeur comme exposition de la théologie antiochienne ; elles nous permettent aussi de surprendre le processus par lequel l’esprit subtil et pénétrant de Théodore pouvait faire sortir des épîtres pauliniennes sa propre théologie ou même concilier deux sysl emes de pensée qui semblaient d’abord diverger sans espoir « le Conciliation. » Sweete. dans Dut. oj

christ, biography, toc. ni., p. 9 17 <i.

Conclusion. — Que restc-t-il en définitive dis véh<

mentes Critiques adressées par Léonce de lîv/ancc a

de Théodore ? Il reste que l’ancien moine

origéniste les aurait épargnées a l’Exégèl ». si. au lieu de

se mettre au service « les vues intéressées de Justinien, il

avait pris la peine d’étudier aec impartialité la puis

saute création de Théodore, s’il s’était mieux renseigné sur l’étal exart de la tradition exégétlque a Antioche,

s’il s’était rendu compte qu’en face de l’exégèse Origé

nienne il y avait place pour une autre Interprétation