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THÉODORE DE MOPSUESTE. HERMÉNEUTIQUE


per allegoriam dicta, dont s’autorisaient les allégoristes pour substituer à l’histoire de vaines fables et de dangereuses et ineptes rêveries, il dresse contre les disciples d’Origène un réquisitoire en règle. » Pirot, op. cit., p. 182. Entre la manière de Paul et la leur, dit-il, il y a un abîme. Paul part du fait historique et en tire un enseignement moral et doctrinal. Sous la plume des allégoristes, au contraire, les faits historiques se volatilisent en vues philosophiques qui ne sont pas sans péril, quand ce n’est pas en rêveries et en insanités.

2. La recherche du sens littéral.

Ainsi le premier devoir de l’exégète est-il de préciser le sens littéral du texte. La grammaire, le dictionnaire, sont évidemment les premiers instruments à mettre en œuvre. Sweete a noté avec beaucoup de finesse qu’à cet égard l’exégèse du Nouveau Testament est plus facile à Théodore, élevé dans un milieu profondément hellénisé. Quand il s’agit de l’Ancien Testament, notre auteur se trouve moins à son aise, car sa connaissance de la langue originale est fort déficiente. Il ne laisse pas d’ailleurs de faire appel à l’hébreu. Dans le commentaire des Psaumes il fait ainsi justice de certains contre-sens commis par les Septante. Telle explication, dit-il, doit être rejetée comme contraire à l’hébreu, « qui est le premier guide en herméneutique ». Devreesse, op. cit., p. 195. De même a-t-il remarqué qu’en de multiples endroits le futur du grec doit se rendre par un imparfait ou un parfait et que ce simple redressement des temps rend clairs des passages qui demeurent sans cela inintelligibles. Faute de pouvoir recourir au texte original, Théodore a d’ailleurs la ressource de comparer entre elles les diverses versions. Dans le même commentaire il recourt très fréquemment à celle de Symmaque, qu’il déclare plus claire que le texte des Septante ; plus réduit est l’usage qu’il fait de Théodotion, qu’il ne laisse pas cependant d’utiliser. Il n’est pas jusqu’à la Peshita qu’il n’ait étudiée. Si plus tard, à la suite sans doute d’objections qui lui ont été faites, il devait se montrer sévère à l’endroit de cette version « sans autorité », il n’en était pas là au début de sa carrière ; à tel endroit il déclare que le texte fourni par elle est plus clair que les autres. Devreesse, op. cit., p. 93, 1. 16 sq. ; p. 395, 1. 15 et 25.

Mais la simple philologie ne permet pas de saisir complètement le sens littéral d’un texte. Bien plus importante se révèle la connaissance des conditions diverses dans lesquelles le texte a été composé. La question d’auteur est primordiale. Théodore ne s’y attarde guère, n’ayant point de raison pour contester les indications qu’il trouve en tête des divers livres ou que lui fournit la tradition. Pour le psautier il n’a pas une minute d’hésitation : il est tout entier de David, quoi qu’il en soit des litres qui se lisent, dans les Septante, en tête d’un certain nombre de psaumes. Quanl au contexte historique de charpie livre, il a été étudié par lui avec beaucoup de soin ; Théodore s’est fait de la chronologie et de l’histoire du peuple d’Israël nnv représentation qui, pour l’époque, est très

exacte. Chacune des préfaces aux commentaires des douze petits prophètes est à ce point de vue digne d’étude. Voir surtout l’introduction à Aggée, P. G.,

t. I.xvi, COl. 173 sq.. qui es ! un bon résumé de la chronologie générale et aussi du sens quc prend, dans ce

contexte, chacun des petits prophètes. Dès le commentaire des psaumes, d’ailleurs, il s’était fait sut ce point une doctrine. David n’est il pas le chef de (ile de la

longue série de prophètes qui, reprenant en sou^ m

vre le travail de Moïse, doivent prépara le peuple de Dieu à son rôle historique et religieux ? Voir par

exemple l’argument du pl. i.xxi, dont, malgré l’indication du titre. Théodore tait une œuvre de David. Devreesse, op. cit., p. 170. Et notre auteui s’efforce de distinguer les plans successifs que dis* erne dans l’ave nir le voyant éclairé par Dieu. On trouvera peut-être qu’il y a une large part d’arbitraire dans la discrimination de ces plans.

Les préfaces à chacun des petits prophètes s’efforcent de préciser ceux-ci. Étudions ceux que Théodore imagine quand il s’agit des visions prophétiques de David. Parmi les oracles — ne faisons pas de ce mot le synonyme exact de prophétie — émis par le psalmiste, il en est bien qui visent directement l’époque du roi. Exprimant les sentiments de David en telle circonstance de sa vie, ils sont un avertissement pour les contemporains qui les entendent. Ils pourront eus ui te inspirer des pensées et des sentiments analogues à ceux qui, dans la succession des âges, connaîtront de semblables situations. D’autres oracles visent directement des périodes ultérieures de l’histoire d’Israël. Pénétré de l’importance religieuse du règne d’Ézéchias, Théodore rapporte à cette époque quatorze psaumes au moins, les uns exprimant, trois siècles à l’avance, les sentiments de crainte qui agitèrent le cœur du pieux roi, quand il se vit menacé par toutes les forces d’Assour, IV Reg., xviii, la confiance en Dieu qu’il ne cessa de garder dans sa pire détresse, les actions de grâces enfin qu’il fit éclater quand un coup miraculeux de la Providence l’arracha au danger. Ibid., xix, 20. Voir dans Devreesse, op. cit., la table alphabétique au mot Ézéchias. Une autre époque non moins importante dans la vie d’Israël, c’est la captivité de Babylone ; David l’a prévue. Il a prévu la carrière de Jérémie dont le ministère consista surtout à annoncer l’imminence du châtiment. Voir Devreesse, op. cit., p. 169. Il a mis sur les lèvres des déportés le psaume xxxix : Exspeclans exspectavi Dominum ; le ps. xli : Quemadmodum desiderat cervus ad fontes aquarum, d’autres encore (nous ne possédons pas le commentaire du ps. cxxxvi, Super flumina liabylanis, mais il n’est pas douteux que Théodore l’ait expliqué dans ce sens). La restauration du peuple juif sous l’action de Zorobobel est encore une époque capitale dans la vie d’Israël. David l’a vue en esprit et a mis sur les lèvres du prince et de ses contemporains un certain nombre de psaumes. Enfin la période machabéenne fut, elle aussi, présente aux yeux du roi-prophète ; la belle résistance du grand-prêtre Onias et des fils, de Mathatias aux séductions de l’hellénisme est annoncée aux ps. liv, LV, lvi, lvii, i.xi, Lxviii (ce dernier en dépit du t. 10 : Zelus domus tuiv comedit me, et du j. 22 : Drderunt in escam memn fel, etc., qui invitaient à en faire au Christ l’application directe). Sur ces psaumes « machabéens », voir I-’r. Bæthgen, Sicbenzehn malikabàische Psalmen nach Thcodor von M., dans Zeitsrhr. jùr die altlestam. Wissensch., t. vr. IN<SC>, p. 261-288 ; t. vii, 1887, p. 1-60. Qu’il y ait une part considérable d’arbitraire dans semblables déterminations du sens « littéral » des textes prophétiques, il serait vain de le nier. À bien des te prises les conjectures faites par Théodore pour déterminer les situations que vise l’écrivain inspiré égalent en fantaisie les plus belles trouvailles des allégoristes I

Nous n’avons pas le moyen de préciser les critères positifs qui orientaient Théodore vers telle ou telle

explication. Tout au plus les textes conservés per mettent-ils de relever la règle suivante. Pour saisir à quel événement, à quel personnage s’applique au sens littéral une prophétie, il faut avant tout en considérer l’ensemble. Il ne s’agit pas d’en arracher de ci. de la des lambeaux, qui paraissent clairs quand ils sont isoles de leur contexte, mais qui, remis a leur place, perdent beaucoup de leur évidence. Soil le psaume xxi ; à ne

considérer que les ï. 17 ci 18 : Foderunt monta meus.

i I’.. il semblerait bien se rapporter, au sens littéral, a la passion du Sauveur. Mais, si Ton observe que, dès le début, celui dans la I che de qui le psalntiste met

cette prière parle de ses péchés : Longe « sainte mea