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THÉODORE DE MOPSUESTE. LE CANON


christologiques. On s’en fera une idée en lisant dans Léonce de Byzance le réquisitoire prononcé contre l’évêque de Mopsueste, Contra nestor. et eutijch., t. III, 7-43, P. G., t. lxxxvi a, col. 1364 sq. Théodore y est représenté commençant, à peine âgé de dix-huit ans, à déblatérer contre les saintes Écritures, rejetant ce qu’avaient dit avant lui les docteurs autorisés, retranchant arbitrairement du canon les livres qui ne lui convenaient pas, Job, l’épître de Jacques, Esdras et les Paralipomènes, s’escrimant contre le psautier, dans lequel il supprimait les titres mis en tête de chaque psaume, interprétant tous les cantiques sacrés d’une manière judaïque, en les rapportant à Zorobabel ou à Ézéchias, n’en accordant que trois, et de quelle manière dédaigneuse, à Jésus-Christ.

L’accusation est chargée. Que faut-il en retenir ? Que pensait Théodore du canon biblique ? Quelle était sa doctrine de l’inspiration ? Quels étaient les principes généraux dont il faisait la règle de son interprétation ? A-t-il vraiment été trop sévère dans la discrimination des prophéties messianiques ? Ces questions ont d’autant plus d’intérêt que, sur ces divers points, l’évêque de Mopsueste est loin d’être un novateur. Il ne fait que reproduire, en somme, l’enseignement qu’il tenait de Diodore de Tarse, lequel était, à son tour, l’héritier d’une tradition exégétique remontant jusqu’au martyr Lucien. Et ses doctrines générales sont aussi les mêmes que professèrent saint Jean Chrysoslome et Théodoret. Mais « Diodore a laissé trop peu pour être représentatif de son école, Chrysostome fut un prédicateur bien plus qu’un exégète de cabinet ; Théodoret n’est guère qu’un compilateur judicieux de Chrysostome et de Théodore. Théodore, lui, est un écrivain indépendant et néanmoins plus profondément pénétré que Chrysostome ou Théodoret des traditions de l’école antiochienne. Il n’avait pas d’auditoire à flatter, pas de concile à craindre. Il allait devant lui avec la fermeté d’un homme conscient de représenter un grand principe et pleinement convaincu de la vérité de celui-ci. » Sweete, dans Diction, of Christian biography, t. iv, p. 947 b.

Le canon scripturaire de Théodore.

Au dire de

Léonce, Théodore aurait donc rejeté du canon : Job, le Cantique, les litres des psaumes, les deux livres des Paralipomènes et Esdras (c’est-à-dire Esdras et Néhémie), l’épître de Jacques et les épîtres catholiques des autres apôtres. Par les Actes du Ve concile nous apprenons aussi que Théodore avait exprimé sur Job et le Cantique des appréciations sévères, semblant indiquer qu’il ne recevait pas ces livres comme canoniques. Dans la iv srss.. n. 65-67, 68-71. Est-il possible de préciser ces accusations demeurées vagues ? L. Pirot s’y est efforcé dans sa thèse sur L’œuvre exégétique de Ion et Mopsueste. Rome, 1913, p. 121-153. De son étude il ressort que l’Exégète dans son appréciation s’est le plus ordinairement laissé guider par eignement de l’Église d’Antiocbe sur le canon script maire. (.elle < i, pendant longtemps, ne considéra point comme canoniques l’ensemble formé par I et II Parai, et I et II Esdr. ; fidèle, par ailleurs, au canon pii’. i in i en, elle n’acceptait point les deutérocanoniques de l’Ancien Testament encore que l’Ecclésiastique servit a Antioche a l’instruction des catéchumènes. Dans le Nouveau Testament elle ne faisait pal

de place aux petiies epîires catholiques, c’est-à-dire

Il Pet., Il et III.loa.. el.Inde ; et elle restait hesi

tante sur la question de l’Apocalypse.

On ne saurait faire reproche a Théodore d’avoir suivi en ceci les directives générales de son Église. on remarquera d’ailleurs que Léonce de Byzance, qui,

pour son compte personnel, a la suite de nombreux

de l’Église grecque, n’acceptai ! pas les deutérocanonlquesde l’Ancien Testament, était bien mal venu

à reprocher à l’évêque de Mopsueste des lacunes dans son canon scripturaire. Reste à examiner les points sur lesquels Théodore aurait rompu en visière avec la doctrine de son Église : il s’agit pour le Nouveau Testament de l’épître de Jacques, et, pour l’Ancien, de Job et du Cantique à quoi l’on peut ajouter la question des titres des psaumes.

Pour ce qui est de l’épître de Jacques, nous n’avons que l’affirmation de Léonce ; encore manque-t-elle de précision. Le théologien byzantin semble mettre le rejet par Théodore de ladite épître en relation avec les critiques adressées par celui-ci au livre de Job : « C’est sans doute pour ce motif, à mon avis du moins, qu’il n’accepta pas l’Épître de Jacques et rejeta ensuite les épîtres catholiques écrites par les autres apôtres. » Dans sa généralité cette dernière phrase est inexacte, car il est certain que Théodore acceptait la I » Pétri et la I » Joannis. Il y a tout lieu de penser que l’afïirmation de Léonce sur l’épître de Jacques a la même valeur.

Les critiques faites par Théodore du livre de Job, critiques qui ont été relevées par le Ve concile, sess. iv, n. 64-67, ne doivent pas faire oublier que l’Exégète avait consacré à cet écrit de l’Ancien Testament un commentaire qu’il dédia à saint Cyrille d’Alexandrie. Ce fait doit rendre circonspect dans l’explication des phrases de Théodore qu’a conservées le Ve concile. À prendre celles-ci pour des affirmations sans appel du commentateur, on serait amené à conclure que notre exégète ne croyait pas à l’inspiration du livre. Mais ne pourrait -on supposer qu’il s’agit là d’objections, d’ailleurs assez pertinentes, qui auraient été faites contre l’inspiration du texte sacré, objections qui auraient servi de point de départ aux exégèses rectificatives de Théodore ? Le Ve concile a purement et simplement entériné sur le sujet les conclusions des théologiens de Justinien. Ceux-ci, nous aurons encore l’occasion de le constater, n’étaient pas tellement scrupuleux quand ils maniaient les ciseaux ! On remarquera, d’ailleurs, que le pape Vigile, dans son Constitutum, a laissé tomber ces propositions censées extraites du commentaire sur Job. Ci-dessus, col. 243.

On serait tenté d’appliquer le même traitement aux propositions retenues aussi par le concile et relatives au Cantique. Remarquons d’abord qu’il ne s’agit pas ici de phrases extraites d’un commentaire : les critiques faites par Théodore proviennent d’une lettre adressée par lui à un ami, qui, sans doute, lui avait demandé son sentiment sur l’explication du Cantique. L’Exégète avoue qu’il n’a pu se faire encore une religion sur le genre littéraire auquel appartenait le livre en question. Finalement il jette sur le papier une tentative d’explication et, s’en tenant aux premières apparences, il voit dans le Cantique un épilhalame, composé par Salomon pour célébrer ses noces avec la fille du roi d’Egypte, (allé circonstance historique exclut elle une signification plus profonde ? Théodore paraît le dire. Pourtant, flans sa jeunesse, il avait donné du psaume xi.iv, Eructavii cor meum. qui est un épithalame lui aussi, une interprétation d’ordre plus relevé. II appliquait à l’union du Christ avec l’Eglise son épouse, les louanges adressées par le psalmisle au couple royal. Il interprétait au sens spirituel ce qui était dit dans le psaume des charmes de la reine, de la splendeur de ses vêlements, de la richesse de sa corbeille de mariage, du virginal cortège qui l’accompagnait Jusqu’au palais de son époux. El il concluait : « Toute la suite des développements montre bien qu’il n’est pas possible d’appliquer le psaume a d’autres qu’au Seigneur et a son Église, i Voir R. Ocvrecsse.

Le commentaire < ! < Théodore sur 1rs psaumes, p. 274 299

(le texte es| conserve dans son Intégrité). L’1 I

a-t-il complètement renié a L’Age mûr les vues qui