Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.2.djvu/98

Cette page n’a pas encore été corrigée

1697

    1. SCOLASTIQUE OCCIDENTALE##


SCOLASTIQUE OCCIDENTALE, LA PRÉPARATION

L698

Plusieurs écrivains appartenant à cette époque cncore primitive ont grandement contribué au progrès de la scolastique. En premier lieu il faut citer Alcuin,

auxiliaire sinon inspirateur des mesures prises par Charlemagne en laveur de l’enseignement. Sur l’inQuence de cet auteur, voir ici t. i. col. 689. Mais il faut peut-être corriger quelque peu l’appréciation trop optimiste de Picavet : M. Godefroy Kurth, Les origines de la civilisation moderne. 3e édit., t. n. Bruxelles, 1892, p. 208. a très bien marqué le caractère de la science d’Alcuin : Son rôle, dit-il, a consisté à maintenir les esprits de sou temps au niveau de ceux des siècles écoulés. Alcuin n’est donc pas créateur. C’est un esprit aise qui s’assimile les choses d’une façon fæile. Quand on l’a appelé l'Érasme de son temps. il ne faut pas oublier, dit doin Cabrol, que ce temps était une époque presque barbare et que la distance est grande entre l’humaniste raffiné de Rotterdam au modeste et en somme médiocre écolâtre d’York. Il ne savait que très peu de grec. Sa connaissance de l’hébreu était plus rudimentaire encore. » L’Angleterre chrétienne avant les Normands, Paris, 1909, p. 164 ; cf. Hauck. Kirchengeschichte Deutschlands, t. ii, Die Karolingerzeit, Leipzig, 1912, p. 134, n. 4. Mais si. en introduisant le trivium et le quadrivium à l'école du palais, il a répété ce que d’autres ont dit avant lui, ses livres sont pourtant un point d’appui pour les initiatives suivantes. Cf. Hauréau, Histoire de la philosophie scolastique, Paris, 1889, p. 267, et Esquisse d’une histoire générale et comparée des philosophics médiévales, Paris, 1907, p. 117-127. D’ailleurs sa conception même de la science est vraiment originale ; sa méthode dialoguée, avec ses répliques à l’emporte-pièce, habitue l’esprit à une gymnastique utile ; il a le sens des différents aspects d’une question ; au point de vue dialectique, il a préparé la philosophie scolastique en lui donnant une méthode. Sur l’activité intellectuelle des écoles de la Renaissance carolingienne, voir É. Amann, L'époque carolingienne, Paris, 1938, p. 93-106 (t. vi de l’Histoire de l'Église, publiée sous la direction de A. Miche et V. Martin).

Bien que Raban Maur († 856) manque d’originalité et soit plutôt, d’ailleurs dans le meilleur sens du mot, un compilateur, voir ici, t. xiii, col. 1609, son nom doit prendre place parmi les écrivains qui ont, de loin, préparé la scolastique du xiir 3 siècle. Son De elericorum institutione vise, en adoptant le plan d'études d’Alcuin, à « faire tourner toutes les sciences profanes au profit des divines Écritures ». Léon Maître, Les écoles épiscopales et monastiques en Occident avant les universités, dans les Archives de la France monastique, t. xxvi, 1921, p. 141. De plus, ses deux ouvrages, De universo et De anima, préludent aux travaux philosophiques et théologiques de la scolastique médiévale. Dans le premier, il demeure en dépendance étroite d’Isidore de Séville ; dans le second, il emprunte presque toute sa matière à saint Augustin et à Cassiodore. Mais cette dépendance et ces emprunts sont bien la marque caractéristique de Raban Maur.

Jean Scot ou l'Érigène doit être également signalé. Son influence, en effet, sur la pensée occidentale est considérable, a la fois en raison de ses traductions de Denys l’Aéropayite et par son grand ouvrace en cinq livres, De divisione naturæ : synthèse audacieuse et puissante qui renferme en son cadre la plupart des sujets religieux ou théoriques. Voir ici t. v, col. lin sq. Le « rand mérite de l'Érigène a été de taire appel a la philosophie pour pénétrer le dogme : L'Écriture, l’enseignement ecclésiastique fournissent, sur l’ensemble des choses, de leur origine, de leur destinée, de leur devenir, un certain nombre de données auxquelles il faut absolument se tenir. Ces données, le croyant les admet sans discussion, au penseur de les o

Empruntant son schéma général à la philosophie néoplatonicienne, qui avait si profondément imprégné quelques uns des esprits auxquels il fait le plus confiance : Augustin. Grégoire de Nysse, pseudo-Denis, Maxime, notre théologien va présenter aux médita tions du penseur chrétien le mouvement général qui, partant de Dieu, lait venir à l'être l’ensemble de l’univers, puis le fait revenir à Celui qui en est la source. » 1- :. Amann. op. cit., p. 313-314. Après doin Cappuyns, Jean Scot Érigène, Paris, 1933, qui a renouvelé toute la question de l'Érigène, É. Amann pense qu’en démontrant que « le De divisione naturæ est essentiellement une synthèse théologique partant des données de la foi et les systématisant selon un schéma emprunté en grande partie au néoplatonisme », on l’ait tomber toutes les fausses interprétations qui ont fait de l'Érigène soit un libre-penseur précurseur du panthéisme allemand du xix l> siècle, soit un fauteur d’erreurs, comme ce fut le cas au début du xiiie siècle lors de l’explosion du panthéisme ahnaricien, quand Honorius III condamna l’ouvrage au feu. Op. cit., p. 314, note.

On doit noter également les essais d’explication — en sens assez divergents — du dogme de l’eucharistie, d’une part, dans le sens du réalisme, par Paschasc Radbert, voir ici : Badbert (Paschase) de M. Peltier, t. xiii. col. 1636-1637 (on y démontre que le réalisme de Radbert n’a rien d’exagéré), et le Pascase Radbert, Amiens, 1938, du même auteur ; d’autre part, dans le sens d’un symbolisme mitigé, par Ratramne, De corpore et sanguine Domini, dont la doctrine est approuvée par Raban Maur, mais sera condamnée ultérieurement, lors des controverses bérengariennes, par Léon IX. Voir ici, t. xiii, col. 1781-1784.

Le Xe siècle, quoi qu’on en ait dit, n’est pas absolument stérile pour la préparation de la scolastique postérieure. Sans cloute on n’y trouve pas de véritables écrivains, mais « il y a cependant des écoles. Beaucoup d'écoles monastiques, fondées au ixe siècle, ont pu se maintenir en dépit des conditions les plus défavorables, et nombre d'écoles cathédrales les égalent ou les dépassent. Celles de France notamment commencent à attirer la jeunesse étrangère. On y donne, avec une certaine culture classique, une formation dialectique, élémentaire, mais bien propre à affiner l’esprit et à préparer le renouveau philosophique des siècles suivants. La théologie, écrit J. de Ghellinck, Le mouvement théologique du XIIe siècle, Paris, 1914, p. 3 I, reste ce qu’elle était jadis : lecture intelligente de la Bible et de quelques saints Pères, connaissance des symboles, des canons et des cérémonies rituelles… Le xie siècle est beaucoup plus animé, mais reste un siècle de transition. » F. Cayré, op. cit., t. ii, p. 381-382.

2. Le XIe siècle. — Du point de vue qui nous occupe, ce qui caractérise le xi c siècle, c’est d 'abord la lutte entre dialecticiens et antidialecticiens. Pour faire admettre en fait la légitimité de son entrée sur le terrain des sciences sacrées, écrit encore le P. de Ghellinck, la dialectique eut à subir, au xisiècle, une lutte plus longue et plus violente qu’auraient pu le faire prés les éloges de Raban Maur et d’Alcuin. qui répétaient Cassiodore ou Augustin. Les serinons de l'époque, la correspondance des écolàtres ou des dignitaires ecclésiastiques, les commentaires des quelques rares exénètes, voire les chroniques ou les notices d’hisl

littéraire, trop brèves malheureusement, c me celle

de Sigebert ou du moine de Malmesbury, nous permettent de percevoir les échos, parfois bruyants, de ces controverses, i Voir les détails dans.1. de Ghelli Dialectique et dogme aux xi* et xir siècles, dans les Mélanges Bûumker, Studien zur Geschichte der Philosophie, Supplementband der Beitrâge, Munich, l !

99. L’oppOSil ion ne. pas d’ailleurs