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SCOLASTiniE- ÉPOQ1 I. MÉDIÉVALE, L’OCCIDENT

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raison naturelle, déjà travaillée par la grâce de Dieu qui la meut et la rappelle à lui, mais sans lumières pour comprendre une vérité à laquelle elle n’adhère pas encore. Avant la foi, la connaissance humaine ne porte donc pas sur le contenu de la foi, mais sur les raisons naturelles que nous avons d’y adhérer. Cf. Confess., t. VI, n. 7, 8, t. xxxii, col. 722, 723 ; De libero arbitrio, t. II, c. i. n. 5, t. xxxii, col. 13 12 : De utililate credendi, t. xlii, col. 65 sq. Après la foi, l’intellection porte sur la lui même qui l’illumine et la transforme, engendrant par là cette connaissance que nous étudierons plus tard sous le nom de sagesse. L’intelligence qui précède relève de l’ordre naturel et humain : l’intelligence qui suit est d’ordre surnaturel et divin : intellige ni credas verbum rneum, crede ut intelligas Verbum Dei. Introduction à l'étude de saint Augustin, p. 34-35. L’article Augustin a fait voir les diverses applications de ce principe général dans la synthèse théologique augustinienne. L’ouvrage d'É. Gilson en montre les aspects multiples. Voir surtout I" partie, p. 31-138.

Parmi les auteurs dont l’influence est à l’origine de la scolastique, il faut encore citer Cassiodore, dont les Inslituliones fournirent leurs programmes aux écoles médiévales. Comme la Doctrina christiana de saint Augustin, les Instilutiones proclament « l’union de la science sacrée et de la science profane, pour former un enseignement complet et véritablement chrétien ». Voir ici t. ii, col. 1832.

Après Augustin une manifestation nouvelle de l’usage des concepts philosophiques dans l’exposé systématique du dogme se t’ait jour : les Sentences. On étudiera plus loin, voir l’art. Sentences, l’origine et le développement de cette nouvelle méthode d’exposition. Cf. J. de Ghellinck, Le mouvement théologique du .iie siècle, p. 75-94. Qu’il suffise ici de citer les noms de Prosper d’Aquitaine, avec son Sententiarum ex operibus S. Augustini delibalarum liber (392 sentences), P. L., t. li, col. 427-496, et ses Epigrammata ex sententiis S. Augustini (106 morceaux de plusieurs distiques chacun), col. 197-532 ; d’Isidore de Séville, avec ses trois livres de Sentences, extraites presque toutes de saint Augustin et de saint Grégoire, et qui constituent un vrai manuel de dogmatique, de morale et d’ascétique, P. L., t. lxxxiii, col. 537-738 ; enfin de Taïon de Saragosse, compilateur, lui aussi, de sentences tirées de saint Grégoire, P. L., t. lxxx, col. 727-992.

IL L'ÉPOQl l MÉDIÉVALE. — I. SCOLASTIQUE

latine. — 1° Transition : Boèce. Entre l’antiquité et le Moyen Age, Boèce forme le trait d’union. Sur les ouvrages philosophiques et théologiques de cet auteur, voir t. ii, col. 919-920. Dans son œuvre proprement philosophique, le De consolationc lient la place d’honneur. Dans ce traité, où « tout s’inspire d’un néoplatonisme amendé de certaines idées péripatéticiennes, avec une teinte de stoïcisme », ici, t. ii, col. 920, on voit quelles ressources la religion simplement naturelle peut déjà trouver dans la philosophie. Aussi l’ouvrage a-t-il obtenu, près des SCOlastiques du Moyen Age, un immense succès et a-t-il provoqué de leur paît d’innombrables traductions, commentaires et imitations. Mais, là où Boèce prélude plus immédiatement

a la scolastique postérieure, c’est dans ses cinq OpUS cilles consacres a la théologie : l.'autcur s’y attache

de préférence aux mystères dont l’exposé attend l’aide île la philosophie. Ainsi a t il précisé les rapports de la nature et de la personne, a propos de la Trinité (opusc. i, ii, /'. /… t. lxiv, col. 1217 12." !.'.. 1299 L302) ;

..n an sujet de l’incarnat ion, dans l’opuscule v (col.

1337-1354). Il a aussi parle de la bonté essentielle aux

substances en tant qu’elles ont l'être, dans l’opuscule m, dédié au diacre Jean (le futur pape Jean [ « )

(col. 1311 131 li ; ici écrit est beaucoup plus philoso phique que théologique. Par contre, le De fuie catholica i opusc. iv, col. 1333-1338) traite surtout de la vérité révélée : c’est une rapide esquisse des dogmes fondamentaux du christianisme. » Sur l’authenticité de cet opuscule, voir ici t. ii, col. 920. < L’influence exercée par lioèce fut considérable. Dans la manière dont il conçoit la théologie, il annonce de loin les travaux des scolastiques. Il accepte le dogme, mais il applique toutes les ressources d’une froide raison à le prouver et à le pénétrer. La foi s'élève ainsi à l’intelligence a l’aide de la philosophie, qui bénéficie à son tour des lumières de la révélation. Il a fourni aux scolastiques plusieurs définitions célèbres, notamment celles de béatitude, d'éternité, de providence, de destin (fatum), ainsi que celles de nature et de personne… Boèce est, sans contredit, après Aristote, la plus grande autorité des scolastiques du Moyen Age. fout ce que le .Moyen Age, avant la moitié du xii siècle, avait connu d’Aristote, il l’avait lu dans les écrits de Boèce (et ses traductions d’Aristote) ; c’est de l’habile interprète de la logique péripatéticienne que la scolastique a tout reçu, langue et méthode ; c’est l’interprète de Porphyre qui a donné le branle aux longues et ardentes querelles du nominalisme et du réalisme. Il a lui-même professé sur l’objet de l’intelligence, sur l’universel et Je particulier, un réalisme modère, analogue à celui que défendra saint Thomas. Boèce, cpie son caractère et sa langue ont, non sans quelque exagération, fait appeler le dernier Romain, mérite aussi d'être appelé l’initiateur de la scolastique. » F. Cayré, Précis de palrologie, t. ii, Paris, 1930, p. 217 ; voir ici t. ii, col. 921 et M. Grabmann, op. cit., t. i, p. 1 IS-177.

2° Période des primitifs. - 1. Avant le a/ siècle. — L'âge d’or de la scolastique, qui fut une véritable renaissance de la philosophie antique pénétrée d’un esprit chrétien, ne fut pas le fruit spontané de l’activité intellectuelle et religieuse de quelques esprits supérieurs du xiir siècle et sans attaches dans le passe. Nous avons montré, dans la première partie de ce travail, combien profondes et lointaines sont les racines de la scolastique. Mais la période que nous appellerons la période des primitifs et qui va du viir au XIIe siècle est une longue et lente préparation de l'âge d’or. Trois éléments contribuent à la fécondité de cette préparation : la conservation par les moines des œuvres des Pères, qui fournissent la base doctrinale : l’influence persévérante de l’augustinisme, qui maintient le principe de la foi cherchant l’intelligence et de l’intelligence orientée vers la foi ; enfin, élément nouveau qui devait revigorer tout renseignement du dogme, la pénétration de la pensée aristotélicienne dans les écoles catholiques. Mais, pour que ces éléments conjugués produisissent pleinement leurs fruits, il fallait de plus créer un mouvement en faveur des études : ce fut, au ixe siècle, l'œuvre de Charlemagne ; les écoles, ouvertes par lui, sous sa protection et à son exemple, furent les vrais points de départ du mouvement scolastique.

On a dit ici, voir t. i, col. 1872, comment, du vi" au xir siècle, la pénétration de l’aristotélisme avait été progressive. Au rxe siècle, on ne connaît encore d’Aristote que les traductions par l'.occe des Catégories et de l’Interprétation (Periherméneias), auxquels il faut ajouter la traduction du commentaire de l’Introduction de Porphyre. Vers M 10, parut la traduction des Premiers Analytiques, suivie bientôt de celle des Seconds, des Topiques et des Sophismes, soit tout VOrganon d’Aristote. Voir ici t. i, col. 1872. Sur une métaphysique à base augustinienne et dans laquelle règne

un mélange bizarre et souvent contradictoire d’idées platoniciennes et de thèses aristotéliciennes, les auteurs utilisent unanimement VOrganon pour la dialectique. Voir col. 1873. Cf. M. De YYuli. Histoire de la philosophie médiévale, 5' dit., t. t, 1925, p. 26 29