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133 SYRO-MALABARE (ÉGLISE). RAPPORTS AVEC LA MÉSOPOTAMIE 3134

écho dès 1855, en rappelant à la Propagande les termes de l’Etsi pastoralis, qui enjoignait le respect des rits orientaux. N’espérant guère recevoir la permission de consacrer un évêque pour le Malabar, Audo proposait enfin, le 7 novembre 1856, une autre mesure : que la Propagande choisisse deux visiteurs non-cannes et lui aussi ileux visiteurs, dont un serait un ancien élève du Collège urbain, qui s’en iraient tous les quatre au Malabar pour examiner la situation.

Au Malabar cependant se produisait un événement signalé plus haut, col. 3129. 1.e vicaire apostolique avait créé des séminaires diocésains et déclaré qu’il n’ordonnerait plus les clercs qui auraient étudié seulement à la mode ancienne chez les malpân. Dans le cours de l’année 1858, Mp r Baccinelli refusa d’ordonner les quinze candidats que lui présentait Antoine Thondanatta. Celui-ci, avec deux autres prêtres et douze de ses étudiants, prit le chemin de la Mésopotamie. Il y resta quelques mois, plusieurs de ses élèves moururent et le patriarche Joseph VI Audo n’osa rien faire. Antoine rentra aux Indes, y fut frappé de censures. Cependant, il y avait de fréquents échanges de correspondance entre le patriarche chaldéen ou son entourage et le Malabar ; on conseillait l’envoi à Rome de nombreuses pétitions, dans lesquelles devait être demandé avec insistance le rattachement des chrétiens de Saint-Thomas au siège qui les avait administrés avant l’arrivée des Portugais. Le ton s'élevait peu à peu : écrivant à la Propagande le 12 décembre 1859, Joseph VI menaçait de donner sa démission si le Saint-Siège ne lui permettait pas de consacrer un évêque pour le Malabar, car ce serait, disait-il, une intolérable violation des droits de son Église.

La réponse de Rome, au printemps de 1860, sans traiter la question au fond, enjoignit au patriarche et aux évêques chaldéens de ne s’immiscer en rien dans les affaires du Malabar. Mais le parti de la désobéissance prévalut et, nonobstant les textes formels présentés au patriarche par le délégué apostolique, Mgr Amanton, un évêque fut élu pour le Malabar, le 12 septembre 1860, et consacré le 30 du même mois, sous le nom de Mar Rokos, avec le titre de Perath d’Maisan (Bassorah). C'était un ancien domestique du patriarcal, élevé au sacerdoce sans préparation sérieuse et sur lequel la Propagande avait déjà fait des réserves deux ans plus tôt, alors que le patriarche pensait à lui pour un autre siège. Récit détaillé de C. Korolevskij, dans l’art. Audo (Joseph), Dictionn. d’hist. et de géogr. eccl., t. v, col. 326-332.

Mgr Amanton interdit au nouveau consacré l’exercice des fonctions pontificales, comme aussi de quitter Mossoul, sous peine d’excommunication majeure latae sententise, et ce dès le 4 octobre. La veille, Antoine Thondanatta, qui se trouvait de nouveau en Mésopotamie, avait écrit à ses compatriotes pour leur annoncer la prochaine arrivée de Mar Rokos et les inviter à lui faire un accueil grandiose. Mais la condamnation portée par le délégué, en plus de sa répercussion sur la hiérarchie chaldéenne et sur la population entraînée vers un schisme, qu'à peu près personne ne voulait, eut encore pour effet que le consul anglais de Bagdad refusa d’autoriser rembarquement de Mar Rokos pour les Indes. Il ne put partir que le 17 janvier 1861, après que le patriarche, ayant reçu une lettre qui l’appelait à Rome, eut réussi à la faire passer pour une approbation de ses actes : il avait écrit à ses prêtres de Bagdad que les questions pendantes allaient être résolues conformément à ses désirs et qu’il avait été invité à se rendre à Rome avec deux évêques, afin que l’entente fut plus facilement obtenue sans intermédiaire. Encouragé par cette lettre, Rokos pouvait, en naviguant vers les Indes, prétendre qu’il était de bonne foi ; mais débarquant à Cochin le jour de l’Ascension, c’est

chez l'évêque jæobite qu’il fut conduit par le cassanare Antoine.

Rokos comptait sur l’appui des autorités britanniques ; le 13 mai, il signait une lettre au gouverneur de la Société des Indes orientales : « Mar Thomas, métropolite et commissaire des syriens romano-chaldéocatholiques au Malabar. » Ambroise de Jésus, Hierarcliia carm., dans Analecta…, t. xiv, 1939, p. 32. Il essayait de persuader les catholiques de la régularité de sa mission, disant que le patriarche avait été chargé par le Saint-Siège de le consacrer pour le soin de leurs chrétientés. Cependant, tandis qu’il attendait quelque temps à Cochin, ne sachant quelles paroisses étaient disposées à le recevoir, le vicaire apostolique envoyait partout les meilleurs prêtres du jeune tiers-ordre régulier, pour mettre le clergé et les fidèles en garde contre l’intrus et leur faire signer une protestation de fidélité au Saint-Siège. Le succès du nouveau pasteur fut sans doute assez médiocre, si l’on en juge par les termes de la circulaire adressée par lui le 13 août à tous les syromalabares ; il s’y plaint violemment des tertiaires et répète que sa consécration a été conséquente à l’arrivée de bulles pontificales. Les lettres testimoniales qu’Audo lui avait données, ou du moins les copies que Mar Rokos faisait circuler dans les chrétientés, portaient que tout avait été fait par l’autorité du SaintSiège. Il y avait de quoi ébranler les fidèles. Heureusement, les tertiaires formaient une armée de choc, peu nombreuse, mais sûre et bien compacte. Rokos tenta de gagner leur supérieur, le P. Cyriaque Élie Chavara, en lui offrant la consécration épiscopale, mais l’humble religieux esquiva la tentation et il fallut un précepte du vicaire apostolique pour lui faire accepter le titre de vicaire général. Bernardin de Sainte-Thérèse l’aurait vu volontiers d’ailleurs pourvu du caractère épiscopal.

Cependant le prieur des tertiaires prenait l’initiative d’envoyer au pape Pie IX une supplique pour lui demander un document qui fixât aux syro-malabares la ligne qu’ils devaient suivre. La réponse vint sous la forme d’un bref, en date du 5 septembre 1861. R. De Martinis, Jus pont, de prop. fide, t. vi a, Rome, 1894, p. 335 sq. Les signataires de la pétition étaient mis en garde contre l’intrus et, par un autre bref du même jour, le vicaire apostolique était invité à l’excommunier solennellement, s’il ne quittait aussitôt le Malabar. Deux jours plus tard, le patriarche Audo, arrivé à Rome depuis plusieurs semaines, envoyait à Mar Rokos l’ordre de rentrer à Mossoul ; c'était une des conditions que le pape avait imposées au patriarche avant de lui accorder audience. Mar Rokos, après les monitions d’usage, fut excommunié le 30 novembre, mais il ne quitta le Malabar qu’en mars 1852, emmenant le cassanare Antoine, porteur d’une lettre écrite par un groupe de rebelles, où ceux-ci demandaient qu’Antoine fût consacré, soit par Audo. soit par son prédécesseur démissionnaire, Nicolas Zayâ, soit au pis-aller par le patriarche nestorien. A Mossoul, le malheureux évêque agit d’abord, de connivence avec le patriarche, comme s’il n’avait été frappé d’aucune censure ; il ne fallut rien moins que le bref Nuper nobis du 26 septembre 1862, op. cit., p. 383 sq., pour faire accepter au patriarche la réalité des faits, et c’est seulement le 22 avril 1863 que Mgr Amanton put absoudre l’ancien domestique promu abusivement, qui prétendit encore à ce moment n’avoir jamais agi contre les ordres du Saint-Siège I

Le passage au Malabar de l'évêque Rokos, si bref qu’il eût été, avait eu plusieurs effets délétères : agitation dans les chrétientés, ordination d’un certain nombre de sujets dépourvus d’instruction ou des qua lités requises pour le ministère sacerdotal. Antoine Thondanatta, cependant, après avoir été consacré par