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SYRO-MALABARE (ÉGLISE). JUSQU’AU SYNODE DE DIAMPER


l’Asie, devait rester quarante-trois ans sans objet,

mais qui n'était pas oublié pour autant, car les rois de Portugal axaient eu soin de faire renouveler par les papes successifs tous leurs droits sur les Églises des contrées lointaines. Aussi, dès 1503. trouve-t-on un dominicain, Dominique de Souza, vicaire général du grand-maître pour les Indes. A. Jann, Die kathol. Missionen in Indien, China und Japon, Paderborn, 1915, i ». 62, n. 1. On a relevé que la hiérarchie, rapidement organisée dans les contrées transocéaniques Conquises par les Espagnols, a été au contraire constituée très lentement dans la zone portugaise. C’est ainsi qu’un commissariat ayant été fondé en 15(10 pour la côte orientale d’Afrique et les Indes, les quatre commissaires successivement nommes de 151 1 à 153 1 n’y firent que de brèves apparitions, et l'évèché de Goa, dont la création avait été décidée en principe dès 1533 ne fut érigé en realite qu’en 1539. comme suffragant de l’unclial, ville véritablement trop éloignée, A. Jann. op. cit.. p. 55-63, 83-87, pour devenir enfin, en 1558, métropole, de la côte orientale de l’Inde jusqu'à la Chine inclusivement. Ibid.. p. 100-113.

Mais à peine installé, l'évêque de Goa entre en conflit avec la hiérarchie des syro malabares. Mar Jacques, le fait a été noté, termina sa vie loin de ses ouailles, sans qu’on ait la preuve qu’il ait commis une faute quelconque, et ses lettres de 1523 et 1530 montrent combien il lui avait été difficile de résister aux missionnaires désireux de l'évincer. G. Schurhammer, art. cit.. p. 71-81. Lorsque l'Église de Mésopotamie se fut sérieusement tournée vers Rome, en 1552, on put espérer que les affaires des syriens » du Malabar iraient de pair. En fait, Sulâqâ se rendant à Home, pour y faire devant le pape sa profession de foi et recevoir la consécration, n’oublia pas cette partie lointaine de son troupeau : il avait même songé à faire le voyage de Lisbonne pour s’entretenir avec le roi sur les nécessités des chrétiens de rit oriental. Ne pouvant disposer d’assez de temps pour ce voyage, il avait sollicité et obtenu de l’ambassadeur du Portugal près le Saint-Siège des lettres de présentation pour le viceroi des Indes. G. Beltrami, La Chiesa caldea nel secolo dell' l’nione. dans Oriental, christ., t. xxix, fasc. 83, p. 10. Malheureusement, le gouvernement de Mar Simon Sulâqâ fut de courte durée : dès le mois de janvier 1555. le saint patriarche avait reçu la couronne du martyre, sacrifié par la jalousie d’un concurrent. Ibid.. p. 24. Il avait pu toutefois consacrer plusieurs évêques et l’union avec Rome persista. Bien plus, les deux dominicains maltais qui l’avaient accompagné, l'évêque Ambroise Buttigeg et le P. Antonin Zahara. veillèrent à ce que les communautés des Indes ne restassent pas en dehors de l’union. Aussitôt que le nouveau catholicos Mar ' AbdisV eut été élu par les évoques, il prit des dispositions pour l’envoi, comme visiteur, du métropolite Mar Élie, avec, mission d’installer comme évêque des Indes un frère du patriarche défunt, Mar Joseph. Les dominicains accompagnaient les prélats chaldéens, munis de la Ici lie au vice-roi des Indes, que Sulâqâ avait apportée de Borne ; ils devaient, après l’installation de Mar Joseph, regagner l’Europe via Lisbonne. Mgr Beltrami a supposé, non sans fondement, que la caravane navigua d’Ormuz à Mozambique et de là vers Goa. Si extraordinaire que cet itinéraire puisse paraître, c’est le seul moyen d’expliquer la souscription du Vatic. sijr. 27, que Mar Joseph affirme avoir achevé en la ville de Mozambique le 8 juillet 1556 (1867 des Grecs). L’arrivée à Goa se place vers la fin de la même année, au plus tard en novembre. Op. cit., p. 38 et n. 6.

Sulâqâ avait eu raison de prévoir des difficultés du côté des autorités portugaises locales. Les chrétientés de la montagne des Ghats échappaient a peu près

complètement jusqu’alors à l’influence du clergé occidental et celui-ci n'était pas disposé à laisser un évoque mésopotamien les visiter ou s’installer chez elles.

Ni les lettres de Home, ni la présence des dominicains n’arrêtèrent l’inquisition goanaise : tandis que les religieux maltais tlai-nt obliges de rester i Goa, les ; t ques syriens furent envoyés au couvent des franciscains de Bassein et on les y retint dix-huit mois, axant de les laisser poursuivre leur voyage. Le gardien de ce cornent. Antoine de Porto, pénétré de l’importance de la tâche dont le gouverneur François Barreto l’avait chargé, crut bon d'écrire au roi de Portugal sur le comportement des évêques et son rapport contient le plus précieux exposé sur la manière dont les autorités ecclésiastiques portugaises envisageaient la question du clergé oriental. Texte portugais dans Beltrami, op. cit., p. 10-13, n. 9. Le bon franciscain reconnaît la parfaite orthodoxie et dignité des deux évêques, moins informés en théologie morale que ne le sont habituellement les prêtres occidentaux, mais instruits néanmoins du nécessaire et connaissant les doctrines des auteurs orientaux, qui sont conformes à celles des Pères. La piété de ces deux évêques est telle qu’on peut les donner en exemple aux Portugais des Indes : appartenant à un ordre monastique, ils sont mortifiés et ne mangent jamais de viande ; ils s’abstiennent de vin pendant l’avent et le carême, passent leur temps dans l’oraison, la contemplation, l'étude des saintes Écritures et des Pères. Mais, si pieusement qu’il les ait vus dire leur messe en chaldéen, Lia Antonio de Porto, pour obéir sans doute aux ordres reçus, leur a enseigné le latin et les cérémonies de la messe latine ; finalement, il est arrivé à ce beau résultat, qu’en la fête de la résurrection du Seigneur, le dimanche de Pâques 1557, les évêques ont célébré la sainte liturgie dans le rit romain, ce qu’ils ont fait constamment depuis lors, fin tel résultat n’a pas coûté peu d’efforts : le dévoué franciscain leur a fait dire un bon nombre de « messes sèches », pendant lesquelles il les assistait, et, s’ils ne prononcent pas tout à fait le latin à la portugaise, ils ne réussissent pas plus mal que les Français ou les Italiens. Ayant donc « converti » ses hôtes à la pratique latine, le gardien de Bassein leur a encore expliqué qu’ils n’avaient rien à faire au Malabar et que l’autorité les empêcherait justement d’y aller, car l'évêque de Goa est l'évêque du Malabar, comme il est évêque de toute l’Inde et de toutes les régions orientales passées sous la domination portugaise, si bien qu'à vouloir administrer les sacrements aux orientaux du Malabar, sans l’autorisation de l’ordinaire de Goa, ils se trouveraient être de ces voleurs, qui entrent pour saccager la bergerie sans passer par la porte. Frère Antoine espérait que Mar Élie, le visiteur, profondément écœuré, retournerait directement en Mésopotamie, tandis que Mar Joseph, explicitement consacré pour le Malabar, partirait pour Lisbonne et Rome, d’où il rejoindrait la Chaldée. Au demeurant, comme un évêque nestorien. échappant a la surveillance portugaise, avait réussi à pénétrer au Malabar, Frère Antoine suggère qu’on pourrait se servir de Mar Joseph pour le tenir en échec, a la condition toutefois qu’il soit accompagné d’un franciscain portugais et célèbre en latin tous les offices pontificaux.

Celte lettre du gardien de Bassein exprime sans ambages la mentalité de la plupart des missionnaires latins des Indes, non seulement au XVI 1 siècle, niais jusqu'à la constitution de la hiérarchie syro-malabare, mentalité partagée d’ailleurs, même après l’encyclique Orientalium dignitas, par un certain nombre d’ecclésiastiques latins d’Orient, qui ne cessent de revendiquer, pratiquement au moins, pour le rit latin, une suprématie que Rome a toujours refuse d’entériner.