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SYRIENNE (ÉGLISE). DOGMATIQUE


8° La mariologie, le culte des saints et des anges. — 1. La sainte Vierge.

L’amour des Pères de l'Église syriaque pour la vierge Marie, la mère de Dieu et des hommes, est déjà connu de tous et n’a pas besoin d'être prouvé. Saint Éphrem chante dans ses poèmes les gloires de la Vierge et répète à tous ses auditeurs les privilèges de la Mère de Dieu. La théologie mariale prit une extension encore plus grande dans l'Église jacobite de Syrie à cause de son opposition à l’hérésie nestorienne. Il n’y a pas un Père ou écrivain de cette Église qui n’ait afïirmé la virginité de Marie et sa maternité divine. Il n’est pas nécessaire de rapporter tous leurs témoignages.

Dès le début de la crise nestorienne, Rabboula, évoque d'Édesse, a défendu contre Nestorius la maternité divine de Marie et a proclamé son absolue virginité. Zacharie le Scolastique, condisciple de Sévère à Alexandrie et à Beyrouth, raconte la vie du patriarche et comment il lui expliqua les vérités de la religion chrétienne, entre autres la naissance du Christ : « Il fut conçu du Saint-Esprit dans la chair et sortit par la vertu du Saint-Esprit d’un sein virginal et immaculé. Il laissa à sa mère sa virginité. Ce fut là la première preuve qu’il donna de sa divinité. Il produisit par miracle une conception sans semence et sans tache, et un enfantement au-dessus de la nature. » Cf. P. O., t. ii, p. 50. Écrivant sa profession au catholicos des Arméniens, Jean X Bar Schouchan, patriarche jacobite d’Antioche († 1073) lui dit : « Il (le Christ) garda la Vierge dans la virginité bien qu’il ait reçu d’elle une chair humaine et appropriée « aux souffrances. » Rev. Or. chrét., t. xvii, 1912, p. 179.

Bar Salibi dans son exposition de la liturgie commente le symbole sur ce point, avec toute l’orthodoxie voulue. Il affirme la maternité divine en disant que le Christ a pris un corps comme le nôtre avec une âme vivante dans le sein de la Vierge. Elle est mère de Jésus dans le sens plein du mot, tout en étant vierge. Cf. Corpus, etc., Scriptores syri, série II, t. xciii, p. 57 sq. Au sujet de la virginité de Marie, voir ce qui a été dit à l’art. Marie, t. ix, col. 2374 sq.

Dans le même article, col. 2390, on trouve la médiation de Marie affirmée par un texte de saint Éphrem. Son authenticité n’a pas été pleinement prouvée, ni celle de quelques autres qui déclarent la toute puissance d’intercession de la Mère de Dieu. Col. 2435, 2444. Outre les affirmations des Pères et écrivains, l'Église jacobite réserve dans sa liturgie un culte particulier à la Mère de Dieu et loue sa virginité absolue. Voir article cité, col. 2445. Les fêtes mariales célébrées par l'Église byzantine sont également célébrées par l'Église jacobite, même la fête du 9 décembre, la conception de sainte Anne ; cf. N. Nilles, Kalendarium manuale utriusque Ecclesiæ, t. i, p. 348 sq., 465.

Les Syriens jacobites croient que la vierge Marie a été toute pure dans sa conception, nous disons immaculée : voir ce qui a été dit à l’article : Immaculée conception, t. vii, col. 879-881, 891 sq., 957, 975979 ; cf. I. Ortiz de Urbina, La mariologia nei Padri siriaci, dans Orientalia christiana periodica, t. i, 1935, p. 100-113. A cause de tous ces privilèges, un culte spécial est rendu à la Mère de Dieu dans la liturgie syriaque.

2. Les saints.

Après la Vierge, les jacobites honorent d’une manière particulière les martyrs et enfin les saints. Le problème du culte des saints est intimement lié à la théologie des fins dernières, du purgatoire et du sort des âmes après la mort.

D’un côté, l'Église monophysite de Syrie admet le jugement dernier, mais ne parle pas du jugement particulier ; théoriquement elle affirme que toutes les âmes, celles des élus et celles des damnés, restent dans un état intermédiaire, attendant le jugement

général. Mais de fait, elle reconnaît la sainteté d’un certain nombre de ceux qui sont morts en état de grâce, surtout des martyrs et de ceux qui ont lutté contre les hérésies et mérité la gloire éternelle ; elle leur adresse des prières publiques et demande leur intercession auprès de Dieu. Voir art. Saints (Culte des), t. xiv, col. 905, le témoignage de la Didascalie des apôtres, écrit syrien du iiie siècle. Voir aussi la liturgie en Orient et le culte des saints, col. 916 sq., 920, 938 sq., et l’art. Rabboula, t. xiii, col. 1625. Celui-ci avertit ainsi les moines : « Les os des martyrs ne se trouveront plus dans les monastères ; mais quiconque en a nous les apportera, afin que, s’ils sont authentiques, on les honore dans les martyria et, s’ils ne le sont pas, qu’on les mette au cimetière. » Can. 21, dans Nau, Les canons, etc. C’est pour cette raison que le patriarche syriaque interdit aux séculiers de se faire des tombeaux dans les églises et de les souiller. « C’est le divin Maître qui leur viendra en aide et non la situation de leurs tombeaux. Il serait à craindre que leurs os ne passent plus tard pour des os de martyrs et qu’ils ne soient coupables d’avoir fourni une cause d’erreur aux fidèles. » Can. 182, Nau, p. 103 ; Bedjan, p. 15.

A la question xiii du prêtre Sergius : « Est-il permis de placer les ossements des martyrs sur l’autel ? » Jean de Telia († 538) répond : « Les os des martyrs sont saints et vénérables. Ils opèrent des prodiges et guérissent les douleur’s ; mais il n’est pas permis de les placer sur les autels. » Cf. Nau, p. 11. Barhebrœus cite cette réponse dans son Nomocanon, éd. Bedjan, p. 13. La même note est donnée par Jean de Telia dans ses avertissements aux clercs. Avert., xv, Nau, p. 27 ; par Jacques d'Édesse, Resol., 87, Nau, p. 69.

Des superstitions s'étaient répandues sur la vertu des reliques des martyrs ; les uns disaient que le saint sacrifice offert dans un temple contenant des reliques leur enlevait leur force qui opérait des prodiges et des guérisons et que la présence du Saint-Sacrement près des reliques anéantissait la puissance des saints. Par suite un faux serment prêté devant le corps d’un saint, en présence du Christ, n’exposait plus le parjure à la vengeance du saint (celui qui faisait le serment demandait sur lui et sa famille toutes les malédictions du saint et tous les malheurs, si sa parole était fausse). Jacques dans sa résolution 20 et 21 répond que « le prêtre qui se prêterait à ce jeu doit être puni et c’est de la sottise que de penser cela. Car c’est Dieu qui opère des prodiges par les saints martyrs. Il leur est toujours présent et opère des prodiges par leurs reliques, que l’on offre le saint sacrifice près d’eux ou non. Ainsi agir ou ne pas agir ne dépend pas d’eux mais de celui qui opère. Ils agissent, en effet, autant qu’il plaît à celui qui opère et qui sait si c’est utile et si ceux qui seront guéris en sont dignes ». Nau, ibid., p. 47 sq.

Répondant à la 9e question, Jacques d'Édesse montre nettement la différence qu’il y a entre le culte dû aux saints et aux reliques et celui qui est dû à Dieu. Il parle de « ceux qui ont l’audace impie, envers les espèces adorables du corps et du sang du Messie Dieu, de les traiter seulement comme ils le font d’autres choses ordinaires et vénérables, au point de les suspendre à leur cou avec la croix ou avec les reliques des saints et les objets bénits ou de les placer comme une sauvegarde dans les lits, les murs des. maisons, les vignes, les jardins et les parcs et en général pour la conservation d’un objet matériel, sans comprendre que ces saints mystères sont seulement la nourriture de ces âmes qui portent le sceau du Messie, le ferment et le gage de la résurrection des morts et de la vie éternelle ». Puis il décrète contre les fauteurs d’un pareil crime, la déposition perpétuelle s’ils sont clercs et, pour les clercs et les laïques, la pénitence avec privation de la participation aux sacrements durant trois ans.