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SYLLABUS. PROPOSITIONS 52-60


52. Gubernium potest suo jure immutare œtatem ab Ecclesia prsescriptam pro religiosa tam mulierum quam virorum professione, omnibusque religiosis familiis indicere, ut neniinem sine suo permissu ad solemnia vota nuncupanda admittant.

52. Le gouvernement peut de son propre droit changer l'âge prescrit par l'Église pour la profession religieuse, tant chez les femmes que chez les hommes ; et il peut ordonner à toutes les congrégations religieuses de n’admettre personne aux vœux solennels sans son autorisation.

L'État ne peut intervenir dans des causes strictement ecclésiastiques sans outrepasser ses droits ; or, la question des vœux prononcés dans les divers instituts religieux est d’ordre purement ecclésiastique ; elle est donc en dehors de la compétence du pouvoir séculier. Le texte du Syllabus est extrait de l’allocution Nunquam fore ; cf. supra, proposition 26.

53. Abrogandæ sunt leges quæ ad religiosarum familiarum statum " tutandum earumque jura et officia pertinent ; immo potest civile gubernium iis omnibus auxilium præstare, qui a suscepto religiosse vitæ instituto deficere ac solemnia vota frangere velint ; pariterque potest religiosas easdem familias perinde ac collegiatas ecclesias et bénéficia simplicia etiam juris patronatus penitus extinguere, illorumque bona et reditus civilis potestatis administration ! et arbitrio subjicere et vindicare.

53. Il faut abroger les lois qui concernent l’existence des familles religieuses, leurs droits et leurs fonctions ; bien plus, le gouvernement peut donner son appui à tous ceux qui voudraient quitter l'état religieux qu’ils avaient embrassé et enfreindre leurs vœux solennels ; le gouvernement peut aussi supprimer complètement ces mêmes congrégations religieuses aussi bien que les églises collégiales et les bénéfices simples, même de droit de patronage ; il peut soumettre leurs biens et leurs revenus à l’administration et au contrôle du pouvoir civil.

A plusieurs reprises, le pape avait dû condamner la législation établie en plusieurs pays contre les ordres religieux. Le 27 septembre 1852, dans l’allocution Acerbissimum, cf. supra, proposition 31, il avait blâmé le gouvernement de la Nouvelle-Grenade, qui promettait son appui à tous ceux qui voudraient quitter le cloître et s’efforçait d’abroger les lois qui assuraient l’existence des congrégations religieuses. Le 22 janvier 1855, Pie IX avait de nouveau élevé la voix, dans l’allocution Probe memineritis, pour flétrir une loi du royaume de Sardaigne, soumettant à l’administration du pouvoir civil les biens et les revenus des communautés religieuses. Cf. Recueil…, p. 347349. L’allocution Cum ssepe, enfin, le 26 juillet 1855, avait répété presque dans les mêmes termes la protestation pontificale. Ibid., p. 357. La proposition 53 est extraite de ces trois documents ; la doctrine qu’elle condamne est en opposition avec le droit naturel, contraire au droit qu’a l'Église de fonder des instituts exclusivement soumis à son autorité, contraire enfin au bien de la société elle-même.

54. Reges et principes non 54. Les rois et les princes

solum ab Ecclesioe jurisdicnon seulement sont exempts

tiono eximuntur, verum de la juridiction de l'Église ;

etiam in quæstionibus jurismais pour trancher des ques dictionis dirimendis supetions de juridiction ils sont

riores sunt Ecclesia. supérieurs à l'Église.

Cette proposition, tirée de la lettre Multipliées, cf. supra, proposition 15, exprime deux idées. Il faut admettre d’abord que les rois et les princes sont comme les autres hommes les sujets de l'Église ; dans les choses spirituelles et ecclésiastiques, ils doivent donc clic soumis au pape. Cf. Boniface VIII dans la bulle Unam sanctam, Denz.-liannw., n. 469. D’autre part, lorsqu’il s’agit de trancher des questions de juridiction, c’est à l'Église qu’il appartient de prononcer en dernier ressort. Cf. proposition 42.

55. Ecclesia a Statu Statusque ab Ecclesia sejungendus est.

55. L'Église doit être séparée de l'État et l'État séparé de l'Église.

Le principe de la séparation de l'Église et de l'État est ici condamné. Pie IX avait dénoncé « cette funeste erreur » dans l’allocution Acerbissimum ; cf. supra, proposition 31 ; c’est de ce document qu’est extrait le texte du Syllabus. Avant lui, Grégoire XVI avait nettement exposé l’enseignement de l'Église à ce sujet dans l’encyclique Mirari vos. Après lui, Léon XIII dans l’encyclique Immortale Dei, et Pie X, en condamnant, dans l’encyclique Vehemenler, la loi de séparation votée par le parlement français, résumeront toute la doctrine catholique sur ce point. Cf. textes et références dans L. Choupin, op. cit., p. 352 sq.

§ 7. Errores de elhica naturali et christiana.

§ 7. Erreurs concernant la morale naturelle et chrétienne.

Un certain nombre de propositions touchent aux questions de morale politique et de droit public ; ce sont les propositions 56 à 64.

56. Les lois de la morale n’ont pas besoin de la sanction divine ; il n’est pas du tout besoin que les lois humaines se conforment au droit naturel, ou reçoivent de Dieu le pouvoir d’obliger.

57. Les sciences philosophiques et morales, de même que les lois civiles, peuvent et doivent être soustraites à l’autorité divine et ecclésiastique.

58. On ne doit pas reconnaître d’autres forces que celles qui sont dans la matière ; et tout système de morale, toute honnêteté doit consister à accumuler et à augmenter ses richesses de toute manière et à satisfaire sa passion.

59. Le droit consiste dans le fait matériel ; tous les devoirs des hommes sont un mot vide de sens ; tous les faits humains ont force de droit.

60. L’autorité n’est pas autre chose que la somme du nombre et des forces matérielles.

Ces cinq propositions sont extraites de l’allocution Maxima quidem ; cf. supra, propositions 1 et 2. Les quatre premières rejettent les fondements de la morale chrétienne, en refusant de voir en Dieu le principe et la règle dernière de la moralité (propositions 56 et 57), en approuvant la thèse de l’utilitarisme (proposition 58), ou en prétendant consacrer l’inviolabilité du fait accompli (proposition 59). La proposition 60, qui s’appuie sur les mêmes principes, énonce l’une des affirmations les plus dangereuses que le Syllabus ait condamnées. Si l’autorité publique vient de la multitude, c’est que cette multitude est la source de tout droit et de tout pouvoir. L'État n’est donc pas autre chose que le peuple se gouvernant Lui-même par les mandataires qu’il a délégués pour exercer l’autorité. Cf. Léon XIII, encyclique Immortale Dei, dans Lettres apostoliques de Léon XIII, t. ii, p. 33 sq. En cette conception athée et matérialiste, il n’y a plus de place pour la morale chrétienne qui enseigne que « tout pouvoir vient de Dieu ». Les conséquences de la négation de Dieu à la base de l’autorité sont. Incalculables dans la pratique.

56. Morum leges divina haud egent sanctione, minimeque opus est, ut humanæ leges ad naturæ jus conformentur aut obligandi vim a Deo accipiant.

57. Philosophicarum rerum morumque scientia, itemque civiles leges possunt et debent a divina et ecclesiastica auctoritate declinare.

58. Aliæ vires non sunt agnoscendæ nisi illse, quae in materia positse sunt, et omnis morum disciplina honestasque collocari débet in cumulandis et augendis quovis modo divitiis ac in voluptatibus explendis.

59. Jus in materiali facto consistit, et omnia hominum officia sunt nomen inane, et omnia humana facta juris vim habent.

60. Auctoritas nihil aliud est, nisi numeri et materialium virium summa.