Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.2.djvu/685

Cette page n’a pas encore été corrigée
2871
2872
SUTTON (THOMAS DE1


de Sutton, me paraît tomber entre 1280 et 1290, et probablement plus près de la seconde date. » Rev. thom., 1927. p. 151.

24° De concordantiis in seipsum. Inc. : Pertransibunt plurimi… In visione prophetica. Édité lui aussi parmi les opuscules de saint Thomas (opusc. 72, éd. Vives, t. xxviii, p. 560), cet essai de concordance en trente articles, inspiré du genre des Rétractations d’Augustin, ne peut être considéré comme authentique malgré les arguments invoqués en ce sens par F. Pelster, De concordantia diclorum Thomse. Ein echtes Werk aus den letzten Lebensjahren des hl. Thomas von Aquin dans Gregorianum. t. iv, 1923, p. 72-105. Il se peut que Thomas de Sutton en soit l’auteur car la Tabula de Stams, dans une notice supplémentaire signale que fr. Thomas de Sutona scripsit librum de concordia librorum thome. Bien n’autorise par contre à lui attribuer une autre concordance, encore inédite, en cent articles (Ind. : Verilalis et sobrietatis verba eloquar), due vraisemblablement à Benoît d’Assignano O. P.

Les divers écrits dont on vient de parler, à supposer qu’ils soient vraiment de Thomas de Sutton, viendraient se placer, semble-t-il, dans la première partie de sa carrière. Ceux qui suivent en affecteraient plutôt la fin, et la prolongeraient jusque vers 1315.

25° Liber propugnalorius super 7um Sent, contra Joannem Scotum. Transmis par les mss de Florence, Bibl. Nat. conv. sopp. C. 3. 46 ; de Borne, Vatic. lat. 872 ; Vatic. Urbin. lat. 120, ce traité qui prend la défense des doctrines thomistes contre l’enseignement de Scot, et qui constituerait comme on l’a dit, un véritable Correctorium fratris Joannis, a été édité à Venise en 1523 ; Yicenza, 1485. Considéré jusqu'à ces derniers temps comme une œuvre de Thomas de Jorz, il a été attribué à Thomas de Sutton par F. Pelster, Thomas von Sutton…, dans Zeitschrijl fur kath. Theol., 1922, p. 225-227. Les mss toutefois se bornent à parler d’un Thomas Anglicus sans préciser davantage de qui il s’agit. Des divergences doctrinales assez notables entre les œuvres authentiques de Sutton et ce Liber propugnalorius ont empêché M. Schmaus qui a pourtant consacré à cette polémique une étude considérable, de se rallier avec certitude à la candidature de Sutton.

Le même Thomas Anglicus aurait également réfuté le IVe livre des Sentences de Scot (voir Pelster, ibid.), ainsi que son Quodlibel. Cette dernière réfutation encore inédite se trouverait, manuscrite, à Oxford, Magdalen Collège.

20° Contra Robcrtum Cowton O. M. in Sent. — Ouvrage polémique dirigé contre Cowton et les positions prises par lui dans ses quatre livres des Sentences. Inc. : De questionibus difjicilibus ad theologiam pertinenlibus varie sunt opiniones… Contenu dans Vatic. Rossian. 431, fol. 1-161 v° ; il ne porte pas non plus d’attribution explicite à Thomas de Sutton, mais relèverait lui aussi de Thomas Anglicus. Sa composition se placerait après 1313-1315.

27° A signaler enfin l’hypothèse émise par Dondaine, dans Bultd. thomiste, 1932, p. 109-118, que le Traclatus de beatiludine, contenu dans le Vatic. lat. 784, fol. 244 v°-246, et édité par Mandonnet, Rev. thomiste, 1918, p. 366-371, sous le nom de saint Thomas, pourrait avoir Thomas de Sutton pour auteur.

III. Positions doctrinales.

Thomas de Sutton doit être considéré comme un des meilleurs disciples de saint Thomas, et probablement comme l’un de ceux qui ont le plus contribué à divulguer ses thèses en Angleterre et à faire accepter à Oxford ses principales doctrines, malgré l’opposition à laquelle elles se heurtèrent dès le temps de Kihvardby et de Peckham. Il lit partie de cette équipe toute dévouée au Docteur angélique, qui mena, vers 1282-1286, la lutte contre les

Correctoires franciscains. L’influence de son traité Contra pturalitatem formarum s’y fait nettement sentir. Et si la série des sept opuscules thomistes (n. 17-23) devait lui être attribuée, on serait en droit d’y découvrir un effort de vulgarisation de même sens, se cantonnant surtout sur le terrain philosophique. Plus tard ses Questions disputées et ses Quodlibets rendent un témoignage semblable pour ce qui est de l’enseignement théologique. Il y demeure fidèle à son maître dont il défend les positions aussi bien contre l’augustinisme régnant que contre les doctrines plus personnelles d’Henri de Gand. Enfin les écrits polémiques dirigés contre Scot et Bobert Cowton montreraient la même fidélité et le même souci, s’il était avéré que Thomas Anglicus, leur auteur, dût s’identifier avec Sutton. Mais tant que subsistent les doutes sur l’authenticité de ces traités, comme des opuscules attribués à saint Thomas, seule l'étude des Questions disputées et des Quodlibets peut autoriser quelques conclusions fermes sur ses positions doctrinales. Dans l’ensemble il est nettement thomiste. Les divergences que l’on peut relever avec saint Thomas, ou bien consistent dans des nuances d’interprétation, d’ailleurs légitimes, ou tiennent à des formules plus accusées, qui font effet, mais sous lesquelles à la réflexion on ne découvre pas une doctrine sensiblement différente.

Sa théodicée rejoint de tout point celle de saint Thomas : pour ce qui est de l’acte pur, de la distinction entre la nature divine et ses attributs, de sa science et de son objet. Pour ce dernier point, et en ce qui concerne les futurs contingents, c’est dans la vision qu’il a de sa propre essence que Dieu les connaît ; car ils ont par eux-mêmes une vérité déterminée, qui ne repose pas sur le décret de la volonté divine les appelant à l’existence. Ce monde que la volonté libre de Dieu appelle à l'être est, à la différence de son Créateur, composé d’essence et d’existence. Sutton est partisan de la distinction réelle, encore qu’il semble dans les débuts y avoir attaché moins d’importance que dans la suite. Il la présente (Quodl. iii, 8) comme vera et necessaria et la défend contre Henri de Gand et Godefroid de Fontaines. II n’y a point dans les anges d’autre composition que celle-là ; ils sont des substances simples chez qui l’individuation est assurée par leur forme même, si bien qu’il ne peut être question pour eux de pluralité d’individus sous une même espèce. Sutton suit en cela la doctrine de saint Thomas, comme aussi pour la connaissance intuitive que ces purs esprits ont d’euxmêmes. Dans le monde des corps, par contre, il y a composition de matière et de forme, la matière étant le principe de l’individuation.

Pour ce qui est de l’homme, Sutton s’oppose, à la suite de saint Thomas, à toute pluralité de formes. L'âme raisonnable est le principe de la vie végétative et sensitive comme de la vie intellectuelle ; il rejette non moins vigoureusement les thèses averroïstes de l’unité de l’intellect agent. Traitant de la sensation et de la pensée, il insiste fortement sur la passivité de nos facultés cognitives, avec la préoccupation sans doute de marquer la différence foncière entre l’activité de l'âme et celle de Dieu ; il ne semble pas qu’au fond il s'écarte de la doctrine thomiste.

Pas plus d’ailleurs qu’en ce qui concerne le libre arbitre. En effet, à part quelques formules trop fortes ou trop recherchées, quelques distinctions trop subtiles, « les divergences doctrinales restent très superficielles et s’expliquent par les soucis divergents du maître et du disciple. Thomas d’Aquin, désireux de n'être pas rangé dans le camp averroïste -a, dans ses derniers écrits, accentué l’aspect actif de la volonté et réduit d’autant, du moins en apparence, l’influence de l’objet. Thomas de Sutton préoccupé de poursuivre jusqu’en ses derniers retranchements la thèse anti-