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1637 SCIENCE DE JÉSUS-CHRIST. EXPLICATIONS DES PÈRES 1038

t-lirist ait été parfaite et se soit ensuite manifestée progressivement : mais il veut dire que sa science divine apparaît progressivement dans son humanité.

Ibid., col. 128 H.

Le rapprochement entre la croissance du corps de l’enfant Jésus et le développement progressif de son intelligence humaine, éclaire la pensée de saint Cyrille ; il y revient ailleurs avec plus d’insistance : Quod anus sit Christus

(t. lxxv, col. 1332) : I.e sage évaugéliste ayant introduit le Verbe divin fait chair, montre que, s'êtant uni selon l'économie de l’incarnation à la chair qu’il avait prise, il l’a iaisSe se développer selon les lois de sa propre nature. Or, c’est le propre de l’humanité de progresser en Age et en sagesse, je dirai même en grâce, l’intelligence qui se trouve en chacun se développant, en quelque façon, en même temps que les dimensions du corps. Chez les enfants elle n’est plus ce qu’elle était au premier âge. et dans la suite elle croit encore. Car il n'était certainement pas impossible ni irréalisable pour le Verbe, puisqu’il est Dieu et né du Père, de grandir dès le berceau le corps qu’il s'était uni, et de l’amener soudain à la croissance parfait :. I t j : dirai aussi qu’il lui et lit ai. ; et facile de manifester dans l’enfant une sagesse admirable ; mais cela eût peu différé de la magie, et cela eilt rompu l'économie de l’incarnation. Car ce mystère s’est accompli sans éclat. Il a donc peimis aux lois de l’humanité de garder en lui toute leur valeur. Et l’on attribuera cela à saresscmbhince avec nous : nous nous développons peu à peu, le temps fais ; mt croître notre stature et, dans la même pioportion, notre intelligence. >

Tous ces textes, conclut J. Lebreton (à qui nous tmpruntons ce résumé) constituent un ensemble cohérent et assez facile à interpréter ; on peut ramener cette doctrine à ces quelques points principaux : la science divine du Verbe est infiniment parfaite, et le Christ eût pu la manifester, dès l’origine et en tout ? occasion, dans son humanité. Mais, s'étant fait semblable à nous, il a voulu partager nos infirmités ; il a donc voulu que le dévele ppement de son intelligence apparût progressif comme celui de son corps, et il a voulu aussi se montrer, en certaines occasions, comme ignorant, de même qu’il a voulu soulïrir de la faim et de la soif. » Histoire du dogme de la Trinité, 6e édit., t. i, p. 573-575. On voudra bien confronter cette explication avec celle donnée ici par J. Mahé, art. Cyrille d’Alexandrie (Saint), t. iii, col. 2513, où le progrès de la science du Christ est affirmé simplement apparent.

Chez les Latins, saint Ambroise semble émettre, au sujet du progrès dans la science du Christ, une double opinion contradictoire. Dans le De flde, t. V, c. xviii, n. 221, P. L., t. xvi, col. 694, il rapporte, mais sans oser s’y rallier, l’opinion de ceux qui interprétaient Luc, ii, 52, dans le sens d’un progrès dans la connaissance elle-même ; or. cette idée il l’admet.tout au moins dans sa substance, dans le De incarnationis sacramento, c. vii, n. 71-74. ibid., 836-837. Ce changement a-t-il été imposé à saint Ambroise par la préoccupation de l’hérésie d’Apollinaire ? Voir E. Schulte, Die Entivicklung der Lehre vom menschlichen Wissen Christi bis : um lieginne der Srholaslik, Paderborn, 1914, p. 68.

Saint Augustin. - Bien qu’il n’admette, on le verra, aucune ignorance dans l'âme du Sauveur, il n’a pas nié dans la science du Christ tout progrès. Voir De diversis quwst. LXXXIII, q. lxxv. /'. L., t. xl, col. 87 et Contra Maximinum Arian. episc. t. II, c. xxiii, n. 7, t. xi.ii, col. 8(12. Dans le premier de ces textes, il concède même un progrès dans la vision béatifique, sinon dans le Christ, au moins d’Une façon mystique, dans son corps qui est l'Église.

Leporius, dans son Libellus tmendalionis, n. 6, com inente le texte de saint Linen affirmant une science progressive librement acceptée en vue de la rédemp tion par le Christ qui a voulu porter nos infirmités : ad probalionem veri Iwminis, currente in eodem niliinminus cursii nostrte mortalilalis, potestate scilicet,

d necessitate, ulule et sapientia, euangetista testante, proficit. I'. L., t. xxxi, col. 1225.

Chez saint Fulgence, le progrès dans la science et la grâce est une preuve, contre les ariens, de l’existence d’une âme humaine en Jésus. Ad Trasimundiini, I. 1. c. vin. P. L., t. i.xv, col. 231-232.

Les luttes contres les agnoètes et les monothélites amènent une réaction dont on trouve l'écho chez saint .Jean Damascènc. Dans le Christ, en raison de l’union hypost at i que, Il y a science parfait e, le progrès en science comme en grâce n’a pu être qu’apparent. Soutenir le contraire, c’est verser dans l’hérésie de Nestorius. De fîdeorth., t. III, c. XXII, P. G., t. xciv, col. 1088 AH. On trouve néanmoins, postérieurement au Damascènc, l’assertion d’un réel progrès dans la science humaine du Christ chez Euthymius Zigabène. Panoplia, c. xi, /'. G., t. cxxx, col. 636.

Il faudra la théologie du Moyen Age pour apporter les nuances nécessaires et définitives.

Interprétation des textes relatifs à l’ignorance.


1. Les interrogations posées par le Christ.

Peu de

Pères se sont préoccupés de les expliquer. Ils n’acceptent pas l’explication par l’ignorance : ils y voient un aspect du rôle de l’humanité dans l’incarnation. Voir Origène, Jn Matth., xiii, 51, P. G., t. xiii, col. 1686 ; S. Jean Chrysostome, // ! Matth., hom. lxxvii (al. lxxviii), n. 3, P. G., t. lviii, col. 705 sq. — A Béthanie, Jésus, comme homme, demande où est Lazare, et comme Dieu il le ressuscite ; à Césarée, Jésus interroge Pierre comme homme et, comme Dieu, il l’inspire. S. Athanase, Contra arianos, orat. iii, n. 46, P. G., t. xxvi, col. 421. Cf. n. 38, col. 404 C. — Quand Jésus demande au démon son nom (Matth., v, 1-15), il interroge non par ignorance, mais pour mieux faire ressortir ses raisons d’agir, ou encore pour se conformer à la manière d’agir des hommes. — Voir aussi S. Épiphane, Hær., lxvi, n. 33, P. G., t. xlii, col. 85 B : Ancoratus, xxxi, xxxix, t. xl.iii, col. 72-73, 88.

Aucune ignorance dans l’esprit du Christ, affirme Cyrille d’Alexandrie. Si Jésus interroge, c’est qu’il s’est fait semblable à ses frères. Il savait où Lazare était enseveli, et il le demande cependant. A Césarée de Philippe, quand il interroge Pierre, il savait la réponse que ferait l’apôtre. Dieu a bien interrogé Adam (Gen., m, 9) et Caïn (iv, 9) ; on ne peut donc être surpris que le Verbe incarné interroge Philippe (Joa., vi, 5-6). Thésaurus, ass. xxii, P. G., t. lxxv, col. 376 AB. 377 B. Cf. Ad reginas, ii, 7, t. i.xxvi, col. 1355. Pour Euloge d’Alexandrie, les interrogations du Christ ne sont que des figures de langage, comme celles prêtées à Dieu lui-même (voir ci-dessus). Cité par Photius, Cod., ccxxx, P. G., t. ciii, col. 1080 D-108I C. - Xicéphore de Constantinople dit que le Christ interroge simplement pour manifester la manière de faire de notre nature. Antirrheticus, n. 50, P. G., t. c, col. 328. — C’est aussi l’interprétation de saint Augustin. In Joannis evang., tract. XI. IX, n. 20, P. L., t. xxxv. col 1755-1756. On peut voir aussi dans les interrogations du Christ un symbole de la vocation, De div. quæst. LXXXiii, q. i.xv, t. xxxiv, col. 60.

2. Les exclamations du Christ à la passion.

Le cri d’abandon du Christ sur la Croix (Matth., xxvii. 16) inspire à Leporius cette interprétation : l’abandon dont il s’agit n’est que celui du corps après la mort : la passé est employé ici à la place du futur, le corp devant être abandonné non seulement par Dieu, mais par l'âme du Christ elle même. Op. cit., n. 9, P. I.. I. XXXI, col. 1228 D. Cette interprétation est d’ailleurs assez commune aussi bien chez les (lices que cle Latins au iv siècle. Elle s’appuie sur cette Idée que le corps du Christ ne p iuvaIl mourir que par l’abandon de la divinité. Voir Nôvatien, ! > Trinitate, c. xxt, I>. L., t. iii, col. 956 BC ; S. Hilaire, De Trinitate, 1..